La Chronique Agora

L’épargne, ce crime impardonnable

Des anomalies énormes se produisent dans le système. On blâme le « libéralisme », en oubliant que l’économie actuelle n’a jamais été libérale… et une fois encore, ce sont les épargnants et les contribuables qui paient les pots cassés.

Techniquement, il n’y a rien à ajouter au commentaire (ci-dessous) d’Hervé Hannoun, ancien directeur général adjoint de la Banque des règlements internationaux (BRI) et ancien premier sous-gouverneur de la Banque de France.

Je ferai cependant quelques remarques :

Contrairement à ce qu’affirment les imbéciles, il y a bien longtemps que nous sommes sortis de l’économie de marché – pour autant, d’ailleurs, que nous y ayons été un jour.

La période qui s’est ouverte au milieu des années 1960 aux Etats-Unis, et que l’on qualifie de libérale, ne l’a jamais été. Ce n’est pas parce que le courant politique dominant a cherché à augmenter le taux d’exploitation des salariés pour augmenter la profitabilité du capital que nous avons été pour cela en régime libéral. Le libéralisme n’est pas anti-social.

Un régime pervers

Non, nous sommes entrés dans un régime nouveau baptisé à tort de libéral, un régime pervers, biaisé, dissymétrique, anti-libéral, en faveur du business : c’est très différent.

Nous sommes entrés dans un régime où les rapports de forces entre les salariés et le capital ont été modifiés. Cela a été particulièrement net avec Margaret Thatcher et sa lutte contre les syndicats.

Je me souviens avoir invité Milton Friedman à La Vie Française pour un dîner. Au cours de ce dîner, il a pris grand soin d’expliquer ses recherches sur la monnaie mais aussi de marquer la différence entre une vraie politique libérale et une politique de capitalisme biaisé. Il a martelé : « Je suis pour une société de liberté, pour la libre entreprise, mais je suis contre les politiques pro-business, ce sont deux choses différentes. »

Friedman a bien expliqué son dada : la lutte contre le tiers-payant. Sa lutte contre le capitalisme d’Etat.

On spolie les épargnants

Dans un système de tiers-payant, les institutions et les élites qui prennent les décisions de dépenser sont nécessairement irresponsables puisque ce ne sont pas elles qui paient : elles paient avec l’argent des autres. Et l’argent des autres, cela ne les prive de rien, on rase gratis.

Les politiques monétaires des banques centrales et celles des gouvernements sont des politiques de tiers-payant à grande échelle. On pille les détenteurs anciens de monnaie, on vole les épargnants pour faire des cadeaux aux entreprises, aux ultra-riches et aux politiciens.

On spolie tous les détenteurs, souvent des petites gens, des salariés qui n’ont comme patrimoine que quelques économies monétaires, en diluant la valeur de ce qu’ils possèdent.

J’ai déjà expliqué, cela s’appelle l’effet Cantillon.

On prend délibérément dans la poche des braves gens qui ont épargné pour donner au Grand capital et aux politiciens qui, comme Emmanuel Macron en ce moment, achètent leur élection ou leur réélection.

Les taux nuls et négatifs, on appelle cela d’un nom qui cache la réalité : on appelle cela la répression financière – la répression des pauvres qui économisent, comme s’ils avaient commis un crime !

Non nous ne sommes pas dans un régime libéral, car la liberté est dissymétrique ; c’est la liberté des renards dans le poulailler !

Nous sommes – c’est une appellation que j’ai forgée il y a très longtemps – dans un « système capitaliste monopolistique d’Etat de copains, de coquins et de banques centrales réunis ».

Sur votre dos

Dans les temps anciens, les politiciens subventionnaient le capital par le bais du budget ; actuellement, les béquilles du capital ont cessé d’être budgétaires, elles sont monétaires… et c’est vous qui payez.

Ceci me permet de revenir aux taux d’intérêts nuls, négatifs, et à la planche à billets électronique : les gouvernements dépensiers, les emprunteurs et les spéculateurs en levier ne se privent de rien puisque c’est gratuit donc, conformément à ce que dit Milton Friedman, ils gaspillent, ils abusent, ils faussent tout… sur votre dos !

Tout le système de valeurs, de prix, devient faux. L’argent gratuit conduit au gaspillage, au surendettement et à la mauvaise allocation des ressources : ceux qui en bénéficient s’enrichissent, les inégalités explosent et… le système devient de plus en plus instable et fragile.

C’est une politique idiote, immorale, une politique de Gribouille qui se jette à l’eau pour ne pas être mouillé, puisque les taux zéro sont destinés à lutter contre les surendettements alors même qu’ils les encouragent.

Dans le milieu des années 1960, le nouveau régime pour échapper à la tendance à l’érosion des profits et au ralentissement de la croissance, ce nouveau régime s’est mis en place. Il a augmenté le taux d’exploitation de la main d’œuvre, pesé sur les salaires, et il a développé une activité financière source de profits nouveaux.

Il a développé le crédit pour échapper aux limites de l’épargne. Il a institutionnalisé l’inflation du prix des actifs financiers comme moyen de créer de la richesse fictive.

Il a délocalisé le travail pour faire baisser son prix moyen, il a mis en place la dictature de la Bourse et des détenteurs de capital.

Il a développé une alliance entre le business, la classe politique, la haute administration et les organisations internationales conformément certes aux recommandations libérales du Mont Pèlerin – mais ce n’était pas libéral, au contraire, puisqu’il s’agissait d’une manœuvre pour protéger le droit de propriété des riches qui se sentaient menacés par les montées démocratiques.

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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