La Chronique Agora

Epargne : le coronavirus est l’équivalent d’une guerre

épargne

La crise économique actuelle a beaucoup de points communs avec celle qui a entouré la Deuxième guerre mondiale – et cela se ressent sur votre épargne : à quoi faut-il s’attendre ?

La dette infinie, sans limite. Pensons-y un instant pour voir si nous pouvons trouver un moyen de contourner ce problème des limites.

Etant donné que le gouvernement (c’est-à-dire le gouvernement central et la banque centrale combinés) a la capacité à la fois de gagner et d’emprunter de l’argent… pourquoi la banque centrale ne pourrait-elle pas prêter de l’argent à un taux d’intérêt de 0% au gouvernement central et prêter à d’autres à des taux très bas, en permettant à ces débiteurs de ne jamais le rembourser ?

Normalement, les débiteurs doivent payer le montant initial emprunté (principal) plus les intérêts par versements échelonnés sur une période donnée.

Mais si le taux d’intérêt est de 0% et que la banque centrale qui a prêté l’argent continue à reconduire la dette pour que le débiteur n’ait jamais à la rembourser, que se passe-il ? Cela équivaut à donner purement et simplement de l’argent aux débiteurs, tout en affirmant le contraire !

Le crédit gratuit est un don tombé du ciel ; un don masqué par une illusion d’échéance, puisqu’en pratique il n’est jamais remboursé.

Les banques centrales trichent, volent et mentent

La dette peut toujours être considérée comme un actif détenu par la banque centrale, de sorte que la banque centrale peut toujours dire qu’elle remplit ses fonctions normales de prêt. Les banques centrales peuvent le faire. En fait, c’est ce qui se passe actuellement.

C’est bien sûr purement et simplement tricher, mentir, voler le peuple en détruisant sa monnaie et en transférant la richesse de la poche de ceux qui prêtent vers le portefeuille de ceux qui s’endettent.

Ne vous posez surtout pas la question des taux et de leur évolution, c’est la question piège pour être ruiné. La seule chose à savoir est celle-ci : nous sommes à la fin du grand cycle du crédit – et le grand cycle s’est toujours mal terminé pour les créanciers et pour tous ceux qui avaient fait confiance et échangé leurs ressources réelles, leur travail, leur fortune, contre du papier.

Le coronavirus est l’équivalent d’une guerre qui interviendrait alors que l’on joue déjà les prolongations du cycle du crédit.

L’économiste John Burr Williams a cité une enquête auprès de personnalités de premier plan à Wall Street et à Washington menée par Equitable Life en 1899. Interrogé sur l’orientation future des taux d’intérêt, aucune de ces sommités n’avait prédit que le marché haussier des obligations américaines, long de plusieurs décennies, était sur le point de se terminer.

Ces experts, a suggéré Williams, n’avaient pas pris en compte les récentes découvertes d’or sud-africaines et les nouvelles méthodes d’extraction d’or qui produisaient une augmentation de la base monétaire. Après 1900, les prix des matières premières et les rendements obligataires ont augmenté pendant 20 années consécutives ; à la suite de quoi les rendements obligataires ont baissé pendant encore un quart de siècle.

Le tournant est survenu en 1946.

Mauvais timing

Pendant la guerre, les taux d’intérêt à court terme ont été maintenus en-dessous de 0,5% par ordre du Trésor américain et les rendements à 30 ans ont été plafonnés à 2,5%. Ceci pour aider à financer l’effort de guerre.

La Fed a acquis des obligations directement du gouvernement. Les restrictions du temps de guerre ont limité la consommation des ménages et augmenté l’épargne.

Estimant que les taux d’intérêt pourraient ne jamais revenir à leurs niveaux d’avant-guerre, les acheteurs d’obligations ont fait baisser les rendements des bons du Trésor à long terme en-dessous de 2% pour la première fois de l’histoire. Leur timing n’aurait pas pu être pire.

La fin des hostilités a libéré l’excès de liquidité de la Fed et la demande refoulée des consommateurs, poussant vers l’inflation à deux chiffres. Néanmoins, Washington a continué de maintenir les taux d’intérêt à leur niveau de guerre.

Le grand marché baissier des obligations a débuté en avril 1946.

Au cours des trois décennies et demie suivantes, un investissement dans des bons du Trésor américain à 30 ans, détenus à échéance constante, a perdu plus des quatre cinquièmes de sa valeur.

De l’autre côté de l’Atlantique, les Consols britanniques ont perdu 97% de leur pouvoir d’achat. A la fin des années 1970, les obligations d’Etat ont été largement qualifiées de « certificats de confiscation ».

Points communs

La « guerre » contre le coronavirus a beaucoup de points communs avec ces périodes antérieures.

Une fois de plus, la dette du gouvernement américain – et de tous les gouvernements sauf l’Allemagne – est de retour à son niveau de temps de guerre.

Une fois de plus, la Fed donne un coup de main en achetant des bons du Trésor US.

Les politiques de lutte contre la pandémie ont réduit la consommation et augmenté les épargnes.

Une fois de plus, les autorités monétaires se sont engagées à maintenir des taux ultra-bas alors même que l’inflation se redresse.

Une fois de plus, les investisseurs sont incités à croire que les faibles rendements obligataires d’aujourd’hui ne dureront pas éternellement.

Le marché haussier actuel des obligations américaines a débuté en août 1981. Aucun cycle précédent n’a duré aussi longtemps, ni n’a connu une baisse aussi impressionnante des rendements.

« Une tendance à aller aux extrêmes », écrivent Sidney Homer et Richard Sylla dans leur History of Interest Rates [« Histoire des taux d’intérêt », NDLR] « est souvent observée aux hauts ou aux bas d’une tendance prolongée du marché. Dans de tels moments, les précédents et les attentes psychologiques écrasantes renforcent les facteurs économiques dominants. »

Cette fois, ce n’est pas différent. Non seulement les bons du Trésor se sont négociés à des niveaux de prix records au cours de l’année écoulée, mais la prime de terme – le paiement supplémentaire normalement exigé par les détenteurs d’obligations pour compenser l’incertitude sur l’évolution future des taux d’intérêt – est devenue négative.

Les récents extrêmes du marché obligataire, ainsi que la complaisance des détenteurs d’obligations et des banquiers centraux, fournissent l’indicateur le plus fort que le plus grand marché haussier obligataire de l’Histoire a bien dépassé sa date limite de péremption…

[NDLR : Retrouvez toutes les analyses de Bruno Bertez sur son blog en cliquant ici.]

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