Jean-Luc Mélenchon passe pour un homme passionné. Chacune de ses interventions est une occasion supplémentaire de nous témoigner cette « colère » que la vie lui inspire et dont il explique qu’il est incapable de se l’enlever. Jusque sur Twitter, sa communication singe un style XIXe siècle, utilisant cette tournure archaïque du verbe « chaut ». Hélas, un zélé administrateur de communication n’ayant pas assez lu Zola transforma le verbe désuet en adjectif.
Peu importe la grammaire, ce qui compte pour le député européen, c’est que ses propos sentent bon le Second Empire et la IIIe République. Et, quitte à faire dans le Zola, autant faire passer Jean-Luc Mélenchon et son équipe pour « les descendants des doux, des solidaires, des préoccupés des autres », dans un manichéisme totalement assumé.
Et devinez qui l’on retrouve en face, aux premiers rangs des oppresseurs ? Toujours les mêmes : les chefs d’entreprise, a fortiori s’ils sont riches.
Une entreprise est-elle « d’abord un collectif humain », comme le prétend Jean-Luc Mélenchon ?
Si l’on enfermait Jean-Luc Mélenchon, Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Marc Ayrault dans une pièce avec des feuilles blanches et quelques stylos, et que l’on revenait 48 heures plus tard, pensez-vous que l’on se verrait délivrer le pitch d’une start-up prometteuse ? A mon avis, on aurait toujours zéro entrepreneur et trois socialistes, dont deux repris de justice.
Il ne suffit donc pas de rassembler des individus, aussi compétents soient-ils, pour faire une entreprise.
Une entreprise, c’est d’abord un ou plusieurs individus qui se regroupent avec la volonté de prendre des risques en vue de gagner de l’argent.
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Ces individus auront plus ou moins de facilité à entreprendre leur activité en fonction des règles du jeu imposées par l’Etat, en particulier sur les plans réglementaire, fiscal et social. Mais en aucun cas ça n’est « la gauche qui a développé l’entrepreneuriat en France », comme le prétend la Secrétaire d’Etat chargée du Numérique et de l’Innovation Axelle Lemaire. Ce ne sont pas les hommes politiques, qu’ils soient de gauche ou de droite, qui développent l’entreprenariat, mais les individus prêts à porter un risque.
La morale a-t-elle quelque chose à faire là-dedans ?
« C’est immoral d’être milliardaire », déclarait Jean-Luc Mélenchon à L’Obs le 9 janvier à propos de Gérard Mulliez, le fondateur du groupe Auchan.
En bon lecteur de Picketty, Jean-Luc Mélenchon s’imagine le milliardaire capitaliste en hériter à cigare et haut de forme exploitant le prolétariat, tel que caricaturé pendant les grandes heures du communisme. Le candidat à la présidentielle n’admet pas l’idée que dans la grande majorité des cas, les milliardaires se sont constitués eux-mêmes leur fortune et qu’une grande partie de celle-ci est constituée des actions de leur groupe, qui donne du travail à des millions de personnes. Pourtant, ce mythe du milliardaire rentier qui thésauriserait sa fortune a déjà été démonté en long, en large et en travers.
Par ailleurs, l’Homme serait-il en train de préparer la colonisation de Mars (SpaceX), de travailler à la création de véhicules électriques efficaces et financièrement accessibles (Tesla Motors) ou encore au développement d’un TGV fonctionnant à l’énergie solaire et permettant aux passagers de se déplacer à 1 200 km/h dans des capsules (Hyperloop) si Jean-Luc Mélenchon avait pu « tout prendre » à Elon Musk « au-delà de 360 000 euros par an » ? Et pour faire quoi, d’ailleurs… les injecter dans la SNCF ?
On remarquera au passage que les entreprises d’Elon Musk sont bien la preuve s’il en fallait que, contrairement à ce que prétend Mélenchon, le capitalisme peut effectivement « être vert », mais passons.
L’idéologie de Jean-Luc Mélenchon étant le communisme, l’efficacité importe peu. Certains individus sont beaucoup plus riches que d’autres et c’est ce qui le révolte. Tant pis si le capitalisme et le commerce international ont permis au monde de passer en moins de deux siècles d’une pauvreté quasi généralisée à un monde plus riche et plus égalitaire. Tant qu’il restera des milliardaires, Jean-Luc Mélenchon sera « en colère ».
En novembre 1990, Margareth Thatcher répondait à la Chambre des Communes à un député qui l’interrogeait sur la question des inégalités :
« Ce que dit l’honorable député, c’est qu’il serait préférable que les pauvres soient plus pauvres à condition que les riches soient moins riches. De cette façon, on ne sera jamais capable de créer de la richesse pour de meilleurs services sociaux tels que les nôtres. […] C’est cela, la politique progressiste ! Peu importe que l’honorable député ne l’ait pas voulu ainsi, mais c’en est le résultat. »
Si le Code du travail est si gros, c’est à cause des libéraux !
Aux dernières nouvelles, Jean-Luc Mélenchon tolère encore la propriété privée et la liberté d’entreprendre. Sous réserve d’un certain nombre de conditions, néanmoins.
Globalement, le droit du travail doit être remanié de manière à ce que « les salariés [aient] des droits plus grands ». Par exemple, s’ils avaient « un droit de remontrance sur la direction de l’entreprise », tout fonctionnerait beaucoup mieux, nous explique Jean-Luc Mélenchon. Les entrepreneurs apprécieront.
Le tribun nous révèle de surcroît que si le Code du travail est tellement gros, c’est « parce que les libéraux y ajoutent sans cesse des exceptions ! ». Mais bien sûr. « Enlevez le Code travail et vous verrez bien ensuite si vous arrivez à organiser le travail ! », renchérit-il.
Justement, voyons ce qu’il en est en Suisse, où il n’y a pas de Code du travail mais des lois éparses lesquelles, une fois rassemblées au sein du Code des obligations (qui intègre le Code du commerce), regroupe 492 pages. En France, le Code du travail Dalloz 2016 comporte 3 809 pages. Il inclut non pas les exceptions malicieusement intégrées par « les libéraux », mais des commentaires et la jurisprudence. Le Code du commerce Dalloz fait quant à lui 3 836 pages. Précisons que ces chiffres ne proviennent pas du site du MEDEF, mais de celui de Libération. Nous voilà à plus de 7 600 pages d’un côté de la frontière et moins de 500 pages de l’autre. On plaint ces pauvres frontaliers français qui en sont réduits à aller se faire exploiter en Suisse dans des conditions inhumaines. Ils ignorent sans doute qu’ils seraient beaucoup mieux protégés en France.
Jean-Luc Mélenchon voudrait faire passer « les libéraux » pour des personnes dépourvues de la moindre once d’humanité. Et pourtant, comme le rappelait Jean-François Revel, c’est le libéral Guizot qui fit voter la première loi destinée à limiter le travail des enfants dans les usines. C’est Frédéric Bastiat qui s’est exprimé le premier à l’Assemblée pour que soit reconnu le principe du droit de grève. Et c’est le libéral Emile Ollivier qui permit d’ouvrir la voie au syndicalisme.