▪ Si jamais le CAC 40 devait finir la semaine sous les 3 088 points, nous pourrions invoquer un scénario proprement machiavélique, avec une succession de revirements indiciels aussi violents qu’imprévisibles… Un véritable récital de coups tordus où les paroles ne collent jamais avec la musique mais où la patte de l’algotrading imprime sa marque sur des mouvements de cours incompréhensibles, même pour des professionnels chevronnés.
Ceux qui se sont exprimés jeudi sur les médias économiques ont justifié la baisse initiale du CAC 40 de 0,85%, puis vu des motifs d’optimisme dans un rush de +1% trois heures plus tard, avant de déplorer une clôture en repli de 0,4% qui rend le tableau peu lisible.
Ce petit -0,4% n’était vraiment pas cher payé vu l’orientation de Wall Street après deux heures de cotations. Le S&P chutait de 1%, le Dow Jones était en repli de 100 points et le Nasdaq en recul de 1,25% (à la mi-séance, il lâchait carrément 2%).
Ces trois indices effaçaient dès 17h ce jeudi l’intégralité des gains des trois précédentes séances. Devant un tel scénario, il est légitime de se demander si l’envolée du CAC 40 et de l’Euro-Stoxx 50 entre 13h et 16h (+1% en moyenne) n’était pas complètement artificielle.
Force est de constater que ni le pétrole (-3,58% à 78,7 $), ni l’euro/dollar (-1,3% à 1,2560 $), ni les futures sur les indices US n’ont jamais suivi le mouvement ascendant du CAC 40 ou du DAX 30. Pas plus qu’ils n’ont donné la moindre substance technique à la hausse du début de l’après-midi.
Si le CAC 40 n’avait pas entrepris cette bien étrange ascension jusque vers 3 153 points et qu’il soit resté sagement bloqué entre 3 115 (son score de clôture) et 3 130 (son zénith hebdomadaire), il est fort possible que les mauvais chiffres américains et le décrochage de Wall Street l’auraient fait rechuter sous les 3 100 points, son plancher du milieu de la matinée.
Même observation pour l’Euro-Stoxx50 (-0,36%), qui garde in extremis le contact avec les 2 200 points, à 2 199,5 points à 17h35.
▪ Mauvais chiffres en provenance des Etats-Unis
Les marchés ont eu l’air surpris par le très mauvais indice Philly Fed, qui trahit une forte chute de l’activité manufacturière sur la côte est. Il dévisse vers -16,6 alors qu’il était anticipé stable.
Plus inquiétant encore — car cela nous éclaire sur la tendance des prochains mois –, la sous-composante des « entrées de commande » se dégrade fortement, passant de -1,2 à -18,8. Il en va de même pour la sous-composante « prix payés » : elle rétrograde de +2,8 vers -5 au mois de mai.
Déception également au niveau des reventes de logements anciens : -1,5% au mois d’avril. Petite consolation toutefois avec le prix des maisons qui progresse globalement de 0,8%, ou l’indice composite d’activité manufacturière qui se redresse — curieusement — de 0,3%.
Le Philly Fed a donc cassé l’ambiance, c’est certain… Mais nous ne sommes pas bien convaincu de la pertinence des arguments avancés pour expliquer l’euphorie apparente des places européennes avant que la tendance ne bascule à la consolidation.
Les commentateurs évoquaient pêle-mêle le succès d’une émission d’OAT jeudi matin (la France se refinance à des taux très bas), la formation d’un gouvernement en Grèce, l’adoption du pacte budgétaire par le parlement allemand ou encore le repli des taux en Espagne.
Le Trésor espagnol a dû offrir des rendements record pour lever 2,2 milliards d’euros hier matin… mais la demande a été forte et le rendement du 10 ans s’est ensuite détendu vers 6,50/6,60%.
Ce faisant, les investisseurs contemplaient la toile de fond macro-économique par le petit bout de la lorgnette. De sérieux motifs de prudence ont été délibérément occultés dès la reprise des cotations en Europe. Citons par exemple le quatrième recul consécutif de l’indice mensuel Flash PMI d’HSBC (à 48,1 contre 48,4, Shanghai et Hong Kong ont chuté de -1,3%) ou la dégradation des indices d’activité manufacturière en Europe, au plus bas depuis juin 2009.
Ils ont ensuite occulté une baisse moins prononcée que prévu du chômage américain en données hebdomadaires (-2 000 au lieu de -9 000 espérés) et la remontée de la moyenne mensuelle des allocataires à 387 000 (soit +3 700). Cette dégradation semble confirmer le diagnostic de la Fed d’une amélioration très lente et discontinue du marché du travail.
▪ La Fed une fois de plus dans les feux des projecteurs
Wall Street aurait pourtant fait semblant hier soir de ne pas s’en inquiéter… ni de se montrer déçu que Ben Bernanke n’ait rien annoncé d’autre que la reconduction de l’opération « twist » d’ici fin 2012. La Fed laisse pourtant comme chaque fois la porte ouverte à un stimulus monétaire plus agressif en cas de rechute de l’activité.
L’efficacité de l’opération « twist » sur la croissance apparaît pourtant quasi-nulle depuis sa mise en oeuvre en septembre dernier… et le recours à la plancher à billets (QE3) semble constituer la dernière munition disponible pour le bazooka monétaire d’Helicopter Ben.
Pas question d’envoyer la grosse artillerie avant que les circonstances l’exigent. Et franchement, les indices américains donnaient-ils le sentiment d’être survendus ou en péril mercredi soir, avec un Nasdaq affichant un gain annuel de 12% tandis que le S&P en est à +7,5% ?
Les indices US ont tous chuté d’au moins 2% ce jeudi soir. Avec une correction de -2,45%, le Composite affiche sa deuxième plus mauvaise performance de l’année, la pire depuis le 31 mai dernier.
Le Nasdaq 100 a réalisé l’exploit de perdre 2,55% avec un record de 100% de titres en repli… et malgré cela, cet indice affiche encore une progression de 12,25% depuis le 1er janvier. Il le doit en grande partie au titre Apple et ses 43% de hausse annuelle. Le jour où Apple rechutera sous les 500 $, il sera vraiment temps pour Ben Bernanke de considérer que Wall Street est en grand danger.
Nous faisons partie de ceux qui pensent également que l’introduction de Facebook a été la manipulation de trop… et que la confiance des épargnants qui avait emprunté l’escalier de service ces trois dernières années vient de rechuter brutalement par la cage d’ascenseur.