Du point de vue de la monnaie, les précédentes crises du XXIe siècle n’étaient pas de bonnes nouvelles. Cette toute dernière crise en date empire encore les choses, mais pour des raisons bien différentes…
Qu’est-il arrivé au Covid ? Il ne fait plus les gros titres. Et Joe Biden déclare qu’il ne faut plus s’en inquiéter. Le président américain n’a rien dit concernant les terroristes. Mais il semblerait qu’ils ne méritent pas que l’on s’en inquiète non plus.
Ces deux éléments ont été supplantés par le croque-mitaine du jour : la Russie, le méchant ; l’Ukraine, le gentil.
Et comme lors des deux précédentes crises du XXIe siècle, un seul point de vue est autorisé. Sinon, c’est un motif de licenciement, d’exclusion des réseaux sociaux et de défenestration.
Selon The Hill :
« Une juriste de la ville de Milwaukee a été licenciée après avoir soutenu le président Vladimir Poutine sur la chaîne de télévision Russia Today. »
Mais l’histoire va toujours plus loin.
Et quand les Etats-Unis ont exclu les banques russes du système de messagerie financière SWIFT, toutes sortes d’autres sanctions allaient inévitablement tomber.
Les sanctions peuvent apparaître comme un moyen assez inoffensif – et qui vaut mieux que de larguer des bombes – d’interférer dans les affaires du reste du monde. Mais les politiques étrangères sont presque toujours un désastre. Et toutes les actions entrainent des conséquences.
Alors aujourd’hui, nous nous demandons quelles pourraient être ces conséquences…
Quand l’inflation rencontre la récession
Dans le premier programme de sanctions lancé par les Américains et les Européens, quelque chose a été épargné : les exportations d’énergie de la Russie.
C’était peut-être très noble, de la part des sanctionneurs, d’exprimer leur outrage face à l’invasion ordonnée par Poutine. Mais ils n’avaient pas pour autant l’intention de grelotter de froid dans le noir pour bien marquer leur point de vue.
L’Europe dépend du gaz russe. Les Etats-Unis utilisent aussi de l’énergie provenant de Russie. Si ces sources d’approvisionnement étaient coupées dans le monde entier, les cours du pétrole – qui ont atteint les 130 $ la semaine dernière, avant de brusquement rechuter – flamberaient encore plus… et les Etats-Unis pourraient être confrontés non seulement à l’inflation, mais également à une récession.
Les entreprises russes peuvent toujours vendre du pétrole et du gaz et recevoir des paiements en dollars ou en euros, en contrepartie… pour l’instant. Mais à quoi bon ? Coupées du système financier mondial, elles ne pourront pas les utiliser… du moins pas sur les canaux normaux et officiels.
Voici ce qu’écrit Adam Tooze :
« Ce qui est crucial, c’est que les réserves d’euros et de dollars ne peuvent être utilisées que pour être vendues sur les marchés financiers occidentaux. Ces transactions exigent des intermédiaires bancaires. Or ces banques peuvent être empêchées de réaliser des transactions faisant intervenir la banque centrale russe.
En infligeant cela à une autre banque centrale, on rompt le postulat de l’égalité souveraine et de l’intérêt commun à défendre les droits de propriété. »
Si la monnaie civilisée est devenue une innovation si importante, c’est parce qu’elle est neutre. Ni juge, ni jury, un dollar est un dollar. Une once d’or n’est qu’une once d’or. Le commerce est florissant car vous n’êtes pas obligé de savoir tout ce qu’il y a à savoir sur votre contrepartie.
Si vous achetez un tapis en Iran… vous n’êtes pas obligé de parler le persan. Vous n’êtes pas obligé de savoir quelle famille l’a tissé. Vous n’êtes pas obligé de savoir comment ils traitent leurs moutons ou leurs familles. Est-ce qu’il y a deux cents ans, leurs ancêtres possédaient des esclaves ? Doutent-ils de la conception virginale ? Ou que la vaccination universelle est désormais la meilleure façon de lutter contre le Covid ?
L’arme monétaire
Il y a encore peu, on n’avait pas besoin de se préoccuper de cela. Il suffisait de savoir que l’or était bien réel, ou que les dollars n’étaient pas faux.
Mais aujourd’hui, remettre de l’argent en échange de « choses » est soumis à des conditions. « D’où vient cet argent ? », vous demande votre banque. « Est-ce du blanchiment ? Avez-vous fait du commerce avec les Russes ? »
La monnaie est devenue une « arme », disent certains experts.
Mais quand l’argent s’en va, tout s’en va.
Avec un taux d’inflation des prix à la consommation s’élevant déjà à 7,5%, et des hausses à deux chiffres sur les cours des matières premières, les Etats-Unis jonglent déjà avec des grenades.
Non seulement vous devez vous demander ce que vaudront vos dollars… mais peut-être également si vous aurez la permission de les dépenser.
Les exportateurs russes doivent se poser les questions suivantes, eux aussi : « si je ne peux pas dépenser cet argent à ma guise, autant que je coupe les vannes », ou « je vais devoir augmenter mes prix… et trouver un moyen d’y échapper ».
Dans les deux cas, l’effet sera probablement une hausse des prix, moins d’échanges commerciaux et moins de prospérité.
Et quoi que l’on pense de Vladimir Poutine, les Etats-Unis et leurs alliés pourraient bien mettre simultanément en danger ces trois éléments clés de la prospérité : l’énergie, la monnaie et la confiance.
La monnaie est devenue une arme ? C’est sûr. Le type d’arme qui vous explose au visage.
A suivre…