La Chronique Agora

Energie et croissance : la loi du déclin de l’utilité

Do you speak English? Voilà ce que vous pouvez apprendre en anglais en cinq minutes environ. Si vous ne parliez pas anglais avant, cela représente une augmentation infinie. Encore cinq minutes, et vous saurez dire « my name is Jean« , soit près de 100% d’augmentation par rapport à ce que vous connaissiez avant.

Ensuite, le taux de rendement décline. D’ici à ce que vous arriviez au passé du conditionnel et à la bonne utilisation des prépositions, vous réaliserez qu’il est de plus en plus difficile de progresser… il vous faudra des heures et des heures de temps et d’énergie simplement pour augmenter votre lexique utile.

Les investissements d’énergie initiaux, quels qu’ils soient, tendent à produire plus de résultats que les ajouts ultérieurs. Durant la première semaine, on apprend beaucoup. Chaque semaine successive apporte moins de nouveaux mots. Lorsqu’on sait parler « couramment », des mois entiers peuvent passer sans qu’on intègre un seul nouveau mot ou forme grammaticale. Bien entendu, vous pouvez persister. Vous pouvez étudier la langue dans toutes ses formes obscures et bizarres, apprenant des expressions du dialecte local du Yorkshire et des formes grammaticales qui n’ont plus été utilisées depuis Chaucer. Continuez encore un peu et vos amis et parents penseront probablement que vous êtes allé trop loin, que vous avez un peu perdu la tête.

▪ Et en termes d’énergie fossile ?
Souvent, le progrès arrive par à-coups. Il faut parfois investir une certaine quantité d’énergie avant d’en récolter les fruits. Si l’on cambriole un magasin de vins et spiritueux, par exemple, il faut un certain temps pour fracturer la serrure et désactiver l’alarme. Ensuite, on a la récompense. En ce sens, la courbe investissement/récompense peut ressembler plus à un escalier qu’à une bosse. Tout de même, on peut aisément imaginer que le premier cambriolage sera plus satisfaisant que le dixième… ou le centième.

Ou bien imaginez que vous construisez un pont. Il faudrait de gigantesques injections d’énergie sur une longue période durant la phase de construction. La récompense serait ensuite une cérémonie d’inauguration en grande pompe… puis le rendement stagnerait éternellement. Votre courbe de retour sur investissement serait une « marche d’escalier » unique et gigantesque.

On a tendance à penser que les carburants fossiles sont une exception à ce schéma général. Plus on est de fous plus on rit. Mais ce n’est pas le cas. L’énergie du charbon, du pétrole et du gaz suit le même cycle : une croissance rapide et des rendements solides au début, puis une croissance de plus en plus lente. Ce qui revient à dire que l’utilité des carburants fossiles décline au cours du temps, comme avec tout le reste.

L’énergie — l’énergie disponible, utile, efficace — est toujours en quantité limitée. Il n’y a qu’un nombre d’heures donné dans chaque jour… un nombre donné de neurones accomplissant leur tâche… et un nombre donné de tonnes de charbon dans la croûte terrestre. Soit on les utilise bien… soit pas. Tout le progrès humain résulte d’une utilisation efficace de l’énergie.

Durant les centaines de milliers d’années de son développement, l’homme n’avait pas plus d’énergie à sa disposition que les autres animaux. Il mangeait ce qu’il pouvait attraper ou cueillir. Son cerveau s’est développé, lui permettant d’utiliser des outils et des armes et d’entreprendre des projets collectifs, comme la chasse, la guerre, l’irrigation, les pendaisons en place publique, les loisirs et ainsi de suite. Mais ce cerveau plus développé avait un coût. Le cerveau utilise de l’énergie. L’être humain devait augmenter sa prise de calories pour le payer.

L’énergie utilisable est fonction de la technologie existante. Durant au moins 10 000 ans, les humains ont erré dans les plaines et le maquis de ce qui est aujourd’hui le Texas. Mais c’est seulement depuis 100 ans que les humains sont capables d’en extraire le pétrole et d’en faire quelque chose. Ce n’est que depuis 10 ans qu’ils peuvent utiliser le fractionnement pour obtenir encore plus de pétrole et de gaz. Il ne suffit pas d’avoir simplement beaucoup d’énergie à disposition.

Durant de très nombreuses années, les gens ont appris à utiliser l’énergie provenant d’une variété de sources. Certains ont compris comment travailler le métal en utilisant la chaleur du charbon… d’autre ont appris à naviguer sur les océans avec la force du vent pour guider leurs navires… d’autres encore ont découvert comment moudre de la farine grâce à la roue à eau… et certains ont même développé des grues de construction actionnées par des esclaves marchant dans une roue. Ils ont inventé ces machines pour transporter, moudre, lever ou façonner des choses. Mais il leur manquait une source pratique, flexible et fiable d’énergie condensée pour les alimenter. En exploitant l’énergie et la technologie qu’ils avaient à leur disposition, la production a augmenté très très lentement. Cela donnait aux innovations le temps de se répandre et se distribuer de manière assez homogène. Au XVIIIe siècle encore, il n’y avait pas grande différence entre le niveau de vie et la richesse d’un fermier au Bengale, en Chine ou en Virginie.

Nous verrons la suite dès demain…

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