La Chronique Agora

L’encadrement des loyers pas assez étendu

loi ALUR

La loi ALUR a été invalidée par le tribunal administratif de Paris. Certains pensent que ceci signerait la fin du blocage des loyers. Rien n’est moins sûr.

Il ne fallait pas seulement bloquer les loyers de Paris intra-muros, mais tous ceux de « l’agglomération parisienne », a tranché le tribunal administratif de Paris. Une décision similaire a été rendue à Lille.

Lorsque vous lisez les titres de l’actualité, le terme « annule » revient et dans vos journaux, les mots « illégal », « torpille ».

Comme beaucoup de lois françaises, la loi pour l’Accès au Logement et un Urbanisme Rénové dite « ALUR », initiée par Madame Cécile Duflot et publiée au Journal Officiel du 26 mars 2014, a un parti pris : protéger locataires et acquéreurs des propriétaires-bailleurs avides ou des propriétaires-vendeurs maquignons.

Une loi de plus qui ne protège ni la propriété ni la liberté mais est supposée avantager un groupe de personnes.

Il est documenté et prouvé dans tous les pays qui l’ont pratiqué que les lois de blocage des loyers éloignent les investisseurs, créent une crise immobilière, raréfient le marché locatif et donc désavantagent non seulement les propriétaires mais aussi les locataires (1).

« Les politiques de tous bords, soucieux à juste titre de lutter contre les injustices sociales, en s’attaquant régulièrement aux effets visibles au lieu de s’attaquer aux causes, ont aggravé ces injustices au niveau global.

En protégeant les locataires en place, l’offre de logements s’est réduite, touchant dans un deuxième temps les futurs locataires. »
Alfred Sauvy

Les effets de la loi ALUR ont confirmé la justesse des analyses de Sauvy.

« Depuis la mise en place de cette mesure, les investisseurs avaient fortement reculé dans la capitale (ils sont passés de 30% à 22% entre 2012 et 2016, seul département de la France à connaître ce repli) et plus de 20 000 biens ont été retirés du marché pour être mis sur les plateformes de location saisonnière ».
Le Figaro

Ajoutons qu’une autre réglementation – qui entend corriger les effets pervers de la première – restreint les locations saisonnières et a mis en place une « brigade de contrôle ».

Vous pourriez pousser un soupir de soulagement et vous féliciter de voir un peu de bon sens revenir dans un pays où l’Etat contrôle près de 57% de l’économie, qui est médaille d’or des « prélèvements libératoires » (45,3%) et médaille d’argent du matraquage fiscal.

Raté !

Le tribunal administratif n’invalide pas cette loi parce qu’elle serait liberticide (en s’opposant à la liberté de contracter) ou attentatoire aux droits de propriété (en faisant de l’Etat un copropriétaire à votre côté vous fixant quel rendement vous devez tirer d’un bien). Il l’invalide car la portée de la loi n’est pas assez étendue. Il aurait fallu que la loi porte sur toute la « région parisienne », c’est-à-dire administrativement l’Île de France qui englobe sept départements en plus de Paris : l’Essonne, les Hauts-de-Seine, la Seine-Saint-Denis, la Seine-et-Marne, le Val-de-Marne, le Val-d’Oise et les Yvelines.

Il serait temps que nos brillants législateurs et juges découvrent Frédéric Bastiat plutôt que de ficeler des lois ineptes et contradictoires puis de les invalider en raison de motifs encore plus absurdes.

Premier principe « ce qu’on voit et ce qu’on ne voit pas » :

« Dans la sphère économique, un acte, une habitude, une institution, une loi n’engendrent pas seulement un effet, mais une série d’effets. De ces effets, le premier seul est immédiat ; il se manifeste simultanément avec sa cause, on le voit. Les autres ne se déroulent que successivement, on ne les voit pas; heureux si on les prévoit. Entre un mauvais et un bon économiste, voici toute la différence: l’un s’en tient à l’effet visible ; l’autre tient compte et de l’effet qu’on voit et de ceux qu’il faut prévoir. »

Deuxième principe, supérieur au premier :

« La propriété privée n’existe pas parce qu’il y a des lois mais les lois existent parce que la propriété privée existe. »

Par conséquent, édicter des lois qui bafouent la propriété privée (ou la liberté de contracter), c’est marcher sur la tête. C’est cela qu’aurait dû dire le tribunal administratif et non pas qu’il faudrait mal loger tout le monde à la même enseigne.

Le marché immobilier a été tellement distordu à coup de lois, d’argent falsifié et de créditisme qu’il cristallise toutes les frustrations anticapitalistes.

Premier effet pervers que souligne un de nos lecteurs :

« La surproduction des crédits au logement – voulue par l’Etat et les banques privées – permet de gonfler artificiellement les budgets d’achat (et donc les prix) et condamne les ménages à consacrer 35% de leurs revenus au remboursement des emprunts, sur 30 ans au lieu de 15, soit autant d’argent perdu pour tout le reste de l’économie. »

Second effet pervers : un propriétaire qui achète cher et donne en location attend un certain rendement et fixe son loyer en conséquence.
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Propriétaires et locataires sont ainsi lésés par ces lois absurdes. Grands gagnants : l’Etat, qui encaisse des taxes sur des valorisations gonflées, et les banques.

Revenons à la loi Alur. Son invalidation donne naissance à une nouvelle absurdité : comment calculer un « loyer de référence » dans 412 communes ?

Certains voient dans cet obstacle la fin de l’encadrement des loyers.

Moins optimiste, je pense que l’OLAP (2) (l’Observatoire des loyers de l’agglomération parisienne) va réclamer « plus de moyens ». Traduction : plus d’impôts de notre part…

 

1- Alfred Sauvy, L’Economie du Diable, une bonne étude pour la France de la régulation et du blocage du marché immobilier

2- http://www.observatoire-des-loyers.fr/

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