Derrière les postures politiciennes, une nouvelle révolution industrielle est en train de se produire – et il coûterait cher, pour un investisseur particulier, de passer à côté…
Petit à petit, les préconisations de la Convention citoyenne pour le climat font leur place dans notre tissu législatif.
46 des 149 propositions formulées par la Conventions se retrouvent dans le projet de loi « Climat et résilience », dans des formulations plus ou moins proches de celles décidées lors des débats. Plus récemment, l’Assemblée nationale a voté à une écrasante majorité le projet de loi constitutionnelle visant à consulter les électeurs par référendum pour modifier l’article premier de notre Constitution.
L’enjeu est de taille puisqu’il s’agit d’y introduire « la préservation de l’environnement et de la diversité biologique et lutte contre le dérèglement climatique ». Comme le principe de précaution en son temps, une telle modification est plus que symbolique et pourra avoir des conséquences en cascade sur notre activité économique.
Ces évolutions font grincer bien des dents. Les partisans de la décroissance économique et de la priorité absolue à la lutte contre les émissions de CO2 se désolent de voir que la majorité des propositions ont été soit oubliées, soit édulcorées. Les défenseurs de la croissance et de l’économie, de leur côté, s’inquiètent de cette chape supplémentaire qui pèsera sur notre activité alors que le rebond post-Covid se fait encore attendre.
Comme souvent lorsque chaque camp exprime de plus en plus fort son mécontentement, la joute politico-médiatique a fini par éclipser les réalités de la situation. Le fait est que, si politiciens, journalistes, et même – avouons-le – électeurs font de la transition énergétique un signe de ralliement idéologique, une tendance bien réelle s’est enclenchée.
Qu’on le souhaite ou non, les énergies vertes (ENR) sont en train de se faire une place dans notre mix énergétique. La transition énergétique a débuté : elle apporte déjà des milliards d’euros aux entreprises impliquées… et à leurs actionnaires.
Oubliez les politiques, pensez à l’industrie
La question de la transition énergétique a été bien malmenée par le passé.
En France, le débat de société que nous aurions pu avoir en bonne intelligence a été remplacé par une accumulation de postures et de symboles peu reluisants. En 2001, le bus « au colza » de François Bayrou montrait déjà que les candidats aux plus hautes fonctions n’hésiteraient pas à jouer la partition du greenwashing.
En décembre 2016, Ségolène Royal, alors ministre de l’Environnement, inaugurait un tronçon de route solaire expérimental. Ce concept réalisait la triple prouesse d’être simultanément une aberration industrielle, économique et même écologique. Avec un coût par watt-crête [mesure de la puissance des panneaux solaires, NDLR] plus de 13 fois supérieur aux panneaux en toiture et une production réelle moindre à situation identique, le test fut, comme anticipé par tous les spécialistes du sujet, un fiasco à 5 M€.
Outre ces exemples marquants car médiatisés, les poches des consommateurs et contribuables portent encore les stigmates des subventions en tout genre accordées aux producteurs d’énergie renouvelable. Selon les chiffres officiels, le montant total des engagements pris par l’Etat, donc prélevés sur l’économie réelle, entre le début des années 2000 et fin 2018 en matière de dispositifs de soutien aux énergies renouvelables électriques dépasse les 138 Mds€ – soit près du double de la totalité des recettes de l’IRPP en 2019.
Cette gabegie d’argent public et les médiatisations crispantes ont éclipsé une réalité silencieuse. En marge de ces gaspillages, les industriels ont commencé à investir massivement pour décarboner leurs sources d’énergie.Si la tendance a été enclenchée par des business models opportunistes chargés de récolter les fruits de ces subventions faramineuses, nous assistons depuis plusieurs mois à une nouvelle vague d’investissements. Ceux-ci ne sont plus uniquement dictés par la course aux largesses publiques, mais par une volonté de sécuriser l’activité industrielle dans un contexte de raréfaction des ressources fossiles.
Les ENR, désormais secteur-refuge dans la tempête
L’année 2020 a été, malgré la pandémie et la contraction économique sans précédent, une année record pour la transition énergétique. La part des énergies renouvelable dans notre mix énergétique a pour la première fois dépassé celle des combustibles fossiles – un cap hautement symbolique.
Selon une étude publiée par Ember, l’Europe a consommé l’année dernière une électricité produite à 38% à base de sources primaires renouvelables, contre seulement 37% issue d’énergies fossiles. Même la France, pays champion de l’énergie nucléaire qui dispose déjà d’un socle d’électricité décarbonée, les ENR ont « participé à hauteur de 26,9% à la couverture de la consommation d’électricité de France métropolitaine au cours de l’année 2020 », selon RTE et Enedis.
Ces franchissements de seuils sont d’autant plus significatifs qu’ils interviennent dans un contexte de forte chute de la consommation d’électricité. La consommation hexagonale a décru de 3,5% par rapport à 2019 (variations météorologiques compensées), et la production a chuté de 7% à seulement 500 TWh, un niveau qui n’avait pas été vu depuis le siècle dernier.
Ignorant la crise, la production d’électricité d’origine renouvelable a cru de 10% à 120 TWh, et les capacités de production ont continué d’augmenter. Malgré les confinements qui ont bouleversé les calendriers, les chantiers se sont poursuivis : la puissance totale du parc de renouvelables a augmenté de 2 GW pour dépasser désormais les 55 GW.
Si même les pétroliers s’y mettent…
Plus symbolique encore, nous apprenions il y a quelques jours que le pétrolier Total prévoyait de doubler sa capacité de production d’électricité propre en Amérique du Nord. En rachetant pour plus de 2 GW de centrales déjà installées, le groupe va être à la tête d’un parc de 4 GW.Un tel investissement aurait été, il y a quelques années de cela, l’occasion d’afficher une sensibilité écologique de façade. Signe que le contexte a bien changé, cette acquisition a été communiquée aux actionnaires dans le cadre des projets d’investissements visant assurer la survie du groupe à moyen terme.
Le Peak oil est désormais admis dans la feuille de route de l’entreprise, qui prévoit officiellement une diminution de 30% de sa production de pétrole d’ici à 2030. Pas question pour autant de se contenter de profiter de la rente pétrolière au maximum avant de plier boutique : la direction a une stratégie forte de transition vers les énergies renouvelables.
Son objectif est d’atteindre un parc de 35 GW à horizon 2025, puis d’ajouter près de 10 GW par an de capacité chaque année.Il s’agit d’un transfert de richesse sans précédent dans notre histoire industrielle. Les poches profondes des pétroliers servent aujourd’hui à financer l’innovation et l’industrialisation des capacités de production renouvelables.
Eolien, solaire, et secteur naissant de l’hydrogène sont aux premières loges pour en profiter. Ces entreprises en croissance se moquent bien des effets d’annonce politico-médiatiques : pour elles, la transition énergétique se voit déjà dans les comptes de résultats.