La Chronique Agora

L’emprunt à taux fixe cause des pertes aux prêteurs

Il y a de gigantesques trous dans les bilans des prêteurs, causés par la hausse des taux.

Le 4 août 2019, la Jyske Bank, une banque danoise, faisait les gros titres en annonçant qu’elle avait accordé un prêt immobilier à 10 ans au taux de -0,5%.

Dit autrement, la banque offrait aux acheteurs immobiliers des capitaux gratuits.

Dans une foire aux questions rigolotes, sur son site web, la banque assurait aux clients déboussolés : « Oui, vous avez bien lu. Vous pouvez maintenant obtenir un prêt sur 10 ans avec un taux d’intérêt nominal négatif. Comment est-ce possible ? Nous-mêmes nous ne le comprenons pas totalement. »

Au même moment, une autre banque danoise, Nordea, déclara qu’elle proposait des prêts sur 20 ans à taux fixe à 0% et des prêts immobiliers à 30 ans à 0,5%.

Partout dans le monde, les prêteurs avaient perdu la tête.

En 2017, les prêteurs ont acheté pour 2,75 Mds$ d’emprunts de l’Argentine d’une durée de 100 ans avec un taux de 7,125%. Deux ans plus tard, l’Argentine faisait défaut sur ces obligations souveraines. Beaucoup d’autres gouvernements ont placé des emprunts à 100 ans à taux faible.

En juillet 2019, 3,3 Mds$ d’obligations « pourries » émises par 14 entreprises ont commencé à se négocier à taux négatif. Les emprunteurs « pourris » sont typiquement des entreprises faibles avec un lourd passif au bilan et présentant un gros risque de faire défaut.

Tout comme dans le cas de la Jyske Bank, les prêteurs payaient des intérêts pour se séparer de leur argent.

Vous connaissez l’histoire. Nous la ressassons depuis longtemps. Pendant quelques temps, entre 2017 et 2021, les banques et d’autres prêteurs sont devenus fous. Ils ont proposé des prêts sans intérêt en quantité illimitée à de nombreux secteurs de l’économie.

De l’argent gratuit.

La plus grande expérimentation financière de tous les temps.

Il y a beaucoup de rumeurs actuellement sur les marchés financiers. Tel indicateur prévoit une récession… Tel autre qu’il y a suffisamment d’offre de logements neufs aux Etats-Unis… Un troisième que les volumes de fret maritime en conteneurs diminuent… Un quatrième que les résultats d’entreprise de ce trimestre seront bons…

Concentrons-nous sur la forêt et non pas sur quelques arbres.

Ces prêteurs fous ont créé une gigantesque bulle entre 2017 et 2021 en rendant le capital gratuit, en faisant baisser les rendements à long terme et en cajolant les spéculateurs pour qu’ils achètent des actifs à crédit.

Résultat : la plus grande bulle spéculative de tous les temps.

Les emprunteurs ne sont pas idiots, comme nous le disions le mois dernier. Dès qu’ils ont pu verrouiller ces conditions avantageuses et refinancer leurs dettes à taux très faibles pour une longue durée, ils l’ont fait.

Les entreprises américaines l’ont fait. La dette bon marché a remplacé des emprunts chers et raiders, arbitragistes, financiers, directeurs généraux et gérants d’actifs ont amassé des fortunes. Tout a été titrisé et financé à très faible taux d’intérêt. L’indice américain S&P 500 a augmenté de 153% entre 2016 et 2021.

Le problème – et nous pensons qu’il n’est toujours pas bien appréhendé – est que les marchés ont tourné à une sorte de cavalerie financière : les prix des actifs augmentent et les crédits bon marché courent après des prix encore plus élevés.

C’est le jeu de la patate chaude : emprunter de l’argent gratuitement et se ruer pour le dépenser. Ou encore l’imbécillité ultime : acheter des actifs à crédit, espérer que d’autres idiots se rueront dessus, et propulseront les prix encore plus haut.

Puis, alors que l’économie mondiale venait de s’endetter jusqu’au cou tandis que les valorisations atteignaient des sommets sont arrivés une épidémie, des hausses de prix, un effondrement de la chaîne logistique mondiale et une guerre.

Personne n’aurait pu résister à une telle accumulation.

C’était catastrophique pour les prêteurs. Tous ces emprunts à long terme faits à des taux très bas ces dernières années ont perdu 50% à 80% de leur valeur.

Nous sommes convaincus qu’il y a de gigantesques trous dans les bilans de ces prêteurs – y compris les compagnies d’assurance, les fonds de pension, les banques réglementées ou non, les banques centrales – causés par la hausse des taux.


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