La Chronique Agora

Emploi US : comment augmenter les salaires ?

▪ Les investisseurs se laissent vivre, distraits par les barbecues, les réunions de familles et la chaleur de l’été. Ils hésitent, cogitent, se demandent ce que tout ça veut dire.

Nous devrions voir une reprise de l’activité dans deux ou trois semaines… Pour l’instant, il ne se passe pas grand’chose. En attendant, nous profitons de l’occasion pour mener nos propres réflexions — notamment sur l’argent.

Nous ne sommes pas intéressé par l’argent lui-même, mais par ce qu’il représente… et comment il nous aide à comprendre le monde dans lequel nous vivons. La monnaie établit une relation entre les gens. On doit de l’argent. De l’argent nous est dû. On peut acheter. On doit vendre. On embauche. Quelqu’un d’autre est embauché.

Il ne faut pas vraiment beaucoup pour vivre. De la nourriture, des vêtements, un abri, une connexion wi-fi… Une fois qu’on a la base, le reste n’a plus rien à voir avec la survie — il s’agit de statut, la relation entre vous et vos concitoyens.

Depuis notre maison dans la campagne française, nous étions assis hier sur la véranda, à réfléchir…

« On n’a pas vraiment besoin de beaucoup pour bien vivre », avons-nous expliqué aux enfants (qui sont venus en vacances pour quelques semaines).

« Il suffit d’une belle maison à la campagne… avec une cave à vins bien garnie ».

« Et un grand jardin. Il faut de la nourriture cultivée sur place, pour manger. Il faut donc un jardinier… au moins à temps partiel… et un bon cuisinier ».

« Vous voyez, il ne faut pas grand’chose ».

Pour bien vivre, l’argent ne suffit pas. Vous pourriez en fait vivre bien mieux que la plupart des gens… avec très peu d’argent. Un joli cottage à la campagne. Plantez un beau jardin. Et apprenez à cuisiner !

La plupart des gens pensent avoir besoin de plus d’argent. Ils veulent de grandes maisons en banlieue, des automobiles élégantes, des téléphones portables et des télévisions grand écran… sans parler de l’assurance santé.

▪ Un petit problème de salaire…
On peut acheter ce genre de choses en trouvant un travail qui paie bien. Mais pourquoi tant d’emplois rapportent si peu ? Voici James Surowiecki dans le magazine New Yorker :

« […] En termes ajustés à l’inflation, le salaire minimum [américain], quoique plus haut qu’il y a une décennie, est toujours bien au-dessous de son sommet de 1968 (quand il était à environ 10,70 $ l’heure en dollars actuels), et frôle toujours le niveau de pauvreté. Pour empirer les choses, la plupart des postes dans les fast-foods sont à temps partiel, et la morosité du marché de l’emploi a érodé le peu de pouvoir de négociation qu’avaient les travailleurs à bas salaires : leurs revenus ont en fait chuté entre 2009 et l’an dernier, selon le Projet de loi américain sur l’emploi national ».

« […] Comme l’a montré une récente étude des économistes John Schmitt et Janelle Jones, les travailleurs à bas salaires sont plus âgés et plus diplômés que jamais. Plus important, ils sont plus nombreux à dépendre de leurs salaires non pas pour l’argent de poche ou les sorties du samedi soir, mais pour subvenir aux besoins de leur famille. Il y a quarante ans, on n’attendait pas des emplois dans les fast-foods ou la vente qu’ils rapportent un salaire permettant de vivre parce que ce n’était pas des postes qu’occupaient, généralement, les chefs de famille adultes. Aujourd’hui, les travailleurs à bas salaire fournissent 46% des revenus de leurs familles. C’est ce changement qui nourrit la demande de salaires plus élevés ».

Surowiecki comprend presque toujours les choses de travers. Il y a des années, il a écrit un article sur l’or soulignant que les prix du métal jaune grimpent et baissent. Il en a conclu que l’or n’était donc pas meilleur que tout autre investissement pour préserver la richesse.

Sauf que Surowiecki était à côté de la plaque. Les prix de l’or grimpent et baissent, certes, mais l’or lui-même ne disparaît jamais et a toujours une valeur. Ce n’est pas le cas des actions Kodak. Plus important, l’or permet d’entretenir une économie honnête et productive.

▪ N’oublions pas la loi de Say…
Jusqu’en 1971, quand Richard Nixon a complètement sorti les Etats-Unis de l’étalon-or, les plus grands employeurs des Etats-Unis étaient des entreprises qui fabriquaient des choses. Automobile, sidérurgie… elles pouvaient se permettre des salaires élevés parce qu’elles étaient très productives.

La Loi de Say, en deux mots : on achète des produits avec des produits. Si vous voulez acheter des choses, en d’autres termes, vous devez produire des choses.

Après 1971, le nouveau système monétaire a changé la nature de l’économie américaine. Les plus grands employeurs américains actuels ne fabriquent rien. Ce sont des entreprises dans le secteur des services, de la vente au détail et de la restauration rapide ; leurs marges sont basses. Comme le souligne Surowiecki, ces entreprises ne peuvent pas se permettre des salaires beaucoup plus élevés.

Quelle est alors la solution aux emplois à bas salaire du secteur des services ? Des crédits d’impôt, dit-il. Et des projets d’infrastructures nationaux — de nouvelles autoroutes, ponts, tunnels, aéroports et ainsi de suite. Un salaire minimum plus élevé. « Et il faudrait vraiment que l’économie se développe plus vite ».

Super !

Et ce n’est pas tout : « il faut persuader les consommateurs d’accepter des prix significativement plus élevés, et en hausse constante ».

Hmmm… Comment des gens qui ne gagnent pas grand’chose vont-ils pouvoir payer des prix plus élevés ? Aucune explication n’est donnée. Pas un mot sur la production. Aucune mention de productivité ou d’investissement.

C’est incroyable combien on réfléchit peu pour sortir de telles sottises. Surowiecki ne mettrait pas longtemps à réaliser qu’une hausse des salaires ne mène nulle part si les prix grimpent aussi. Ce qu’il faut en réalité, c’est une productivité plus élevée. Comment l’obtient-on ? Il faut épargner (au lieu de dépenser) et investir cet argent dans des entreprises qui produisent plus… fournissant ainsi les profits nécessaires pour payer plus les travailleurs.

Est-ce vraiment si difficile à comprendre ?

Ces 42 dernières années, les autorités ont encouragé les Américains à dépenser leur argent au lieu de l’épargner. Ils ont encouragé les gens à acheter des choses fabriquées par des étrangers au lieu de les fabriquer eux-mêmes. Telle était la conséquence (peut-être imprévue) du système de pure monnaie fiduciaire instauré par Richard Nixon. Quand on peut imprimer des morceaux de papier… et dire que c’est de « l’argent »… plus besoin de fabriquer des choses ! Il suffit de les acheter.

Vous voyez donc que désolidariser l’or et le système monétaire américain a mené aux problèmes mêmes — des salaires bas dans le secteur des services — que Surowiecki essaie maintenant de résoudre.

 

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile