La Chronique Agora

Emploi US : encore plus d’assouplissement quantitatif au programme !

"Nous ne sommes pas très bons en matière de prévisions. Nous prétendons l’être, mais ce n’est pas le cas. Et les marchés font des choses vraiment étranges parfois, parce qu’ils réagissent à la manière dont les gens se comportent, et parfois les gens sont un peu zinzins".
— Alan Greenspan s’exprimant dans l’émission The Daily Show il y a quelques jours.

▪ "Les chiffres de l’emploi causent des doutes à la Fed" — tel était un gros titre cette semaine. Plus tard dans la journée, on lisait : "Le Dow perd 54 points suite aux inquiétudes sur l’emploi".

De quoi doute la Fed ? Réduire ou ne pas réduire l’assouplissement quantitatif, telle est la question.

Et pourquoi les chiffres de l’emploi devraient-ils faire une différence ?

Oh, cher lecteur, où étiez-vous ? Vous ne savez pas que tout le monde se cramponne désormais à son fauteuil en se demandant quand et comment la Fed mettra fin à son gigantesque programme d’assouplissement quantitatif ? Vous ne savez pas que l’avenir de la civilisation est en jeu ?

Ah, sur ce dernier point, nous avons une position… une pensée… une réaction. La civilisation est en jeu… mais pas de la manière que vous croyez.

Depuis quelques jours, nous essayons de présenter une nouvelle manière d’envisager la civilisation. En bref, nous avons essayé de la rendre plus civilisée.

Quelle est la différence entre une communauté civilisée et une communauté barbare ? Nous avons établi un test simple : la communauté civilisée est basée principalement sur la coopération et le consentement. La communauté barbare dépend beaucoup de la force et de la violence.

C’est un historien français qui a introduit pour la première fois le mot "civilisation" il y a moins de 300 ans. Depuis, le débat fait rage sur ce que le terme signifie vraiment. Nous entrons sur le ring avec précautions mais sûr de nous. Il n’a de sens que selon notre définition… et aucune autre : une communauté civilisée est pacifique ; une communauté barbare ne l’est pas.

"D’accord, Bill", vous dites-vous peut-être. "Je vous accorde cet argument… je crois… mais quelle différence cela peut-il bien faire ? Qu’est-ce que ça a à voir avec les chiffres de l’emploi ?"

C’est une bonne question, merci de l’avoir posée.

▪ On ne peut pas forcer une économie à faire ce qu’elle ne veut pas
L’expérience nous a appris (amèrement) qu’essayer de contraindre une économie à faire ce qu’on veut est une tâche ingrate. Les marchés sont fondamentalement basés sur le libre-échange, la coopération, la confiance et le commerce. Forcez l’économie à prendre une direction ou une autre, et vous vous attirerez des ennuis. Comme le décrivait Alan Greenspan cette semaine durant un entretien télévisé, les gens sont un peu "zinzins" de temps en temps. En d’autres termes, ils ne se plient pas forcément à votre planification centrale, aussi parfaite que vous la trouviez.

Pourtant, les économistes affirment avec insistance que si on leur permettait de bidouiller l’économie, ils pourraient l’améliorer. C’est vrai à l’occasion — c’est-à-dire quand ils ont déjà tout gâché. A ce moment-là, en retirant certains de leurs programmes et planifications, ils peuvent permettre à l’économie de se remettre.

Sinon, l’histoire ne montre aucun exemple où la force a été appliquée à l’économie avec succès.

Cela n’empêche pas les économistes d’essayer. Les chiffres de l’emploi US montrent qu’environ 60 000 postes manquent à l’appel… soit moins que ce que ces mêmes économistes avaient projeté. A présent, ils vont sans doute accroître leur erreur… en continuant d’essayer de forcer l’économie à faire ce qu’ils veulent : augmenter l’emploi… et les prix.

S’ils voulaient vraiment améliorer l’emploi, ce serait relativement facile. Ils encourageraient les autorités à supprimer certaines des lois qui brutalisent les employeurs (plus de flexibilité etc.)… ou les lois qui facilitent la tâche de ceux qui veulent rester au chômage (allocations prolongées etc.). Pour autant que nous en sachions, ces choses-là ne sont pas au programme.

Ce qui est au programme, c’est plus d’assouplissement quantitatif.

En ce qui concerne ce dernier point, les possibilités sont les suivantes : 1. l’assouplissement quantitatif ne fait rien d’important. Si c’était le cas, il n’y aurait pas de raisons de le conserver. 2. L’assouplissement quantitatif est essentiel à l’économie. Si c’était le cas, ils ne peuvent pas s’en débarrasser… quoi que disent les chiffres de l’emploi.

Il est plus probable que le QE se situe entre les deux… peut-être dans le Triangle des Bermudes… Il a probablement peu d’effet sur l’économie réelle. C’est pour ça que les chiffres de l’emploi sont décevants. En revanche, il a sans doute un grand effet sur l’économie financière. C’est pour cette raison que le Dow Jones atteint de nouveaux sommets à quasiment toutes les séances.

La Fed est probablement coincée. Si elle arrêtait l’assouplissement quantitatif, le marché boursier s’effondrerait et l’effet de richesse visé par les économistes se transformerait rapidement en effet de pauvreté. Janet Yellen ne pourrait le supporter. Elle pense qu’il faut utiliser toutes les armes à disposition pour forcer l’économie à faire ce que veut la Fed. Elle sera incapable de rester sans bouger, la dague à la main, quand le marché lui tournera le dos. Elle le poignardera.

Et la Fed qui vivait par l’épée du QE… mourra probablement par elle aussi.

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