La destruction programmée des circuits électronique permet de les rendre « biodégradables » et répond à des besoins de sécurité. Deuxs récentes avancées techniques ont été faites.
« Ce message s’auto-détruira dans 5 secondes… »
Les appareils électroniques de Mission : Impossible et leur redoutable tendance à partir en fumée dans les mains de leur utilisateur à peine leur message délivré pourraient bien devenir une réalité d’ici peu.
Les chercheurs sont formels : la conception de systèmes électroniques capables de disparaître spontanément n’est plus un rêve. Plusieurs techniques ont été imaginées et validées en laboratoire et leur utilisation dans des produits manufacturés n’est plus qu’une question de volonté industrielle.
Tout est prêt pour que l’électronique, habituellement conçue pour être inaltérable et, dans la mesure du possible, indestructible, ait demain la possibilité de se volatiliser lorsque les conditions l’imposent.
Dans le domaine de l’électronique, le non-durable est parfois idéal
Il existe de nombreux cas où la destruction la plus rapide possible des systèmes électroniques serait un avantage certain.
Pensons par exemple aux implants chirurgicaux qui n’ont vocation à être utilisés qu’un certain temps. Aujourd’hui, les patients doivent subir deux opérations : l’une pour les installer, l’autre pour les retirer.
S’ils étaient capables de se désagréger spontanément, les patients appareillés feraient l’économie de la seconde intervention.
Des appareils électroniques capables de disparaître par eux-mêmes pourraient également être déployés sans hésitation dans la nature s’ils disposaient d’une durée de vie connue à l’avance.
Surveillance de marée noire, de faune et de flore, les idées d’utilisation ne manquent pas. Il deviendrait possible d’installer quantité de capteurs sans avoir à se préoccuper de leur recyclage.
De l’électronique en sucre
Des avancées récentes dans le domaine de l’électronique temporaire ont été faites autour du principe de la désintégration au contact de l’eau.
Imaginez un circuit électronique qui, tel un morceau de sucre, garderait son intégrité lorsqu’il est au sec… et deviendrait une bouillie informe une fois soumis à une humidité trop importante.
Ce mode de destruction, particulièrement simple, est idéal pour imaginer des composants biodégradables. Un brevet a d’ailleurs été déposé par l’University of Science and Technology of China et l’Université de Houston au Texas en 2017. Les chercheurs ont démontré que ce mécanisme rend possible la destruction de composants électroniques élémentaires.
Ce circuit intégré s’autodétruit au contact de l’eau. Crédit photo : DARPA.
L’inconvénient de cette méthode est qu’elle est relativement passive. Un tel circuit soumis aux éléments serait certes biodégradable dans le temps, mais sa durée de vie serait soumise aux caprices météorologiques.
Le procédé est, de plus, peu adapté à la destruction de circuits intégrés complexes comme les System on Chips (SoC) qui équipent ordinateurs et smartphones modernes.
Vers le suicide justifié
Steven Tin et son équipe de la Cornell University ont réalisé une percée importante cette année, en créant un film de polycarbonate spécial capable de contenir n’importe quel type de composant électronique, même les plus complexes.
Sur commande (par onde radio ou n’importe quel signal numérique), une membrane de graphène est dégradée et libère des composés très réactifs.
Une fois au contact de l’oxygène, ils provoquent une réaction chimique violente qui dégage chaleur et contraintes mécaniques dans le matériau.
Pour le circuit électronique, c’est l’équivalent d’un passage à la flamme d’un chalumeau couplé à de violents coups de marteau.
En quelques secondes, il ne reste de l’électronique présente sur le substrat que de la poussière d’oxydes métalliques, un peu de carbone et du silicium. La méthode est redoutablement efficace pour se débarrasser d’un appareil ! Selon ses concepteurs, le surcoût d’intégration de cette technologie à un ordinateur portable pour pouvoir détruire sa mémoire à distance ne serait que d’une quinzaine de dollars.
Le substrat de polycarbonate éphémère de Steven Tin et son équipe. © Cornell University
De leur côté, les chercheurs de l’Université de Vanderbilt ont travaillé sur la problématique inverse. Plutôt que de réaliser des systèmes qui fonctionnent correctement jusqu’au moment où des conditions anormales leur sont imposés, ceux développés par Leon Bellan ne fonctionnent que tant qu’ils sont maintenus au-dessus de 32°C.
Si leur température descend en-dessous du seuil fatidique, les propriétés mécaniques de leur substrat se dégradent fortement et l’électronique devient inutilisable.
L’avantage de cette technique est que la température critique est relativement proche de celle du corps humain. Il est donc facile d’imaginer des implants qui auraient vocation à rester fonctionnels tant qu’ils restent installés dans un hôte en bonne santé.
En cas d’extraction ou de décès de leur propriétaire, ces implants seraient immédiatement et irrémédiablement détruits.
Le vrai client de l’électronique éphémère
Plus que les médecins et écologistes, ce sont bien sûr les forces armées qui sont le plus demandeuses de ce type de technologies.
Un des plus grands problèmes des armées en opération est celle du « leave behind » : tous les équipements qui, abandonnés sur place pour des questions logistiques, risquent d’être récupérés, analysés et copiés par des forces étrangères.
Des armes dont l’électronique s’auto-détruirait automatiquement représenteraient un soulagement pour les états-majors. Même en cas d’abandon précipité sur le champ de bataille, les armées pourraient avoir la certitude que leurs technologies de pointe ne tombent pas dans de mauvaises mains.
Vous ne serez donc pas surpris d’apprendre que la DARPA américaine (Defence Advanced Research Project Agency, ou Agence des projets de Recherche avancés pour la défense) est à l’origine du programme Vanishing Programmable Resources dont l’objectif était de financer le développement de matériaux et techniques permettant la destruction des systèmes électroniques à la demande.
Les géants de la tech comme Xerox (US9841216081 – XRX), IBM (US4592001014 – IBM), Honeywell (US4385161066 – HON) et BAE Systems (GB0002634946 – BAES) ont répondu présent, et c’est l’équipementier militaire britannique BAE qui a raflé la cagnotte de 4,5 M$ pour continuer ses recherches sur le sujet.
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L’électronique auto-destructible n’est peut-être pas pour tout de suite dans nos appareils du quotidien mais, pour les forces armées, elle semble plus proche que jamais.