▪ "J’aime beaucoup Medellin", nous a dit une femme de 50 ans. "Je m’y sens en sécurité. Les gens sont gentils. La météo est parfaite. Et les prix sont bas".
Nous avons entendu la même chose d’autres Américains que nous avons rencontrés sur place. (Nous-même n’y sommes pas resté assez longtemps pour nous faire notre propre opinion : nous sommes en route pour Londres).
"Je voulais juste sortir de l’argent des Etats-Unis. Vu la manière dont se passent les choses, j’ai l’impression d’avoir besoin d’avoir un refuge quelque part. Je n’ai pas vraiment beaucoup d’argent, mais j’en investis le quart ici. Il suffit de regarder autour de soi pour s’apercevoir que le pays est plein d’avenir. Quand je suis aux Etats-Unis, j’ai toujours l’impression qu’ils sont sur le déclin".
Medellin donne effectivement l’impression d’un endroit en plein boom. Un soir, par exemple, nous sommes allé dans l’un des restaurants les plus avant-garde que nous ayons vu.
"C’est un menu moléculaire", a tenté d’expliquer le serveur dans un anglais hésitant. "Vous avez 15 experiencias".
Il était déjà tard, pour un gringo.
Je peux imaginer ce qu’est une experiencia, mais qu’est-ce qu’un menu moléculaire ? |
"Je peux imaginer ce qu’est une experiencia, mais qu’est-ce qu’un menu moléculaire ?" avons-nous demandé à un compagnon de table.
▪ Cela devient… intéressant
"C’est quand ils décomposent le plat et le recomposent de manière innovante. On peut vous présenter quelque chose qui ressemble à un steak, par exemple, mais qui peut être constitué d’oignons, de betteraves et de jasmin parfumé".
Ainsi averti, nous nous sommes préparé à une experiencia.
La première est arrivée sous la forme d’un petit amuse-bouche que nous n’avons pas pu identifier — ni les éléments le composant, ni la stimulation désirée. Mais la suivante était plus hardie.
"Mettez vos mains en coupe", nous a demandé le serveur. Comme pour demander l’aumône, nous avons rassemblé nos mains, dans lesquelles il versa une compotée de baies tièdes, suivie d’une louche de sauce crémeuse, également tiède.
"Frottez-vous les mains avant de manger", nous encouragea-t-on |
"Frottez-vous les mains avant de manger", nous encouragea-t-on.
Nous nous sommes exécuté de notre mieux, terminant les mains couverte d’une masse graisseuse. Nous n’avons pas eu d’autre choix ensuite que de lécher la mélasse ainsi obtenue. C’était bon. Mais nous ne douterons plus jamais des améliorations technologiques engendrées par l’humble cuiller.
On mit des bassins devant nous, et de l’eau tiède pour laver nos mains collantes. Nous étions prêts pour le plat suivant. Nous avons mangé avec curiosité mais peu de satisfaction. Un plat après l’autre — et un petit déluge de Malbec argentin vint aider à faire passer tout ça.
Finalement, le dernier plat fut annoncé. Le dessert : du nougat. Mais attendez, dit l’arbitre des réjouissances. "Ne pensez pas vous en sortir aussi simplement, nous avons fait une feinte". Le nougat avait été surgelé, comme empaqueté dans de la neige carbonique. Dès qu’il touchait la langue, il collait et brûlait.
"Il faut le faire bouger", nous dit-on.
C’est ainsi que passa une délicieuse soirée de découverte culinaire. Tout de même, de telles experiencias sont inconnues à Baltimore. Nous n’avons aucun restaurant aussi in, aussi mondain, aussi avant-garde.
▪ Comment résoudre le trafic de drogue
Par la fenêtre de l’aéroport de Medellin, on peut voir un gigantesque panneau d’affichage pour DynCorp. Le nom nous semblait familier, nous avons donc fait quelques recherches. Comme nous le pensions, DynCorp est une société de défense basée en Virginie du Nord. Si l’on en croit Wikipedia, l’entreprise a participé à un certain nombre de projets profitables — faisant la quasi-totalité de ses profits grâce au gouvernement en fournissant, entre autres choses, des systèmes informatiques et un soutien anti-terroriste à la CIA.
Ici en Colombie, l’armée américaine — soutenue par DynCorp — servait à empêcher le trafic de drogue |
Ici en Colombie, l’armée américaine — soutenue par DynCorp — servait à empêcher le trafic de drogue.
"Enfin, c’était plus compliqué que ça", nous a expliqué une source locale. "Ils n’allaient pas mettre fin au commerce de la drogue. Cela aurait été fou de l’imaginer. L’activité est dominée par de grandes familles, puissantes, avec beaucoup de relations. C’est une activité gigantesque et très profitable. Les familles impliquées ne se sont jamais trop souciées du gouvernement parce qu’il était généralement partie prenante dans les accords. Mais elles se souciaient beaucoup les unes des autres. C’est pour cette raison qu’il y avait tant de violence — la guerre entre les familles de la drogue. C’est un secteur très concurrentiel".
"Ce qui semble avoir été mis en place… personne n’en est certain… c’est que le gouvernement a passé un accord avec l’une des familles. Elle utiliserait l’armée américaine (et des entreprises comme DynCorp) pour éliminer la concurrence. Et le monopole qui restait accepta d’arrêter de tuer des gens".
Apparemment, ça a marché.