La Chronique Agora

D'une ambiance de type Halloween à l'état de grâce en quelques séances

** L’entame catastrophique de cette dernière semaine d’octobre laissait craindre le pire, le chaos survenu en Allemagne suite à la rocambolesque envolée du titre Volkswagen précipitait de nombreuses valeurs de l’Euro Stoxx 50 vers des niveaux de valorisation invraisemblables — par le mécanisme aveugle des arbitrages par pondération.

L’absurdité des cours au sein des indices paneuropéens s’ajoutait à un climat de capitulation général. Cela a, semble-t-il, fait sortir les acheteurs de leur réserve. Le ramassage des titres les plus bradés amorcé le 28 octobre a validé le signal du retournement de tendance lorsque les vendeurs à découvert ont compris qu’il n’y avait plus guère de potentiel de gains en restant short sur des niveaux voisins de ceux d’avril 2003 aux Etats-Unis et en Europe.

La bourse de Paris alignait donc ce vendredi 31 octobre une quatrième séance de forte hausse d’affilée. Elle a gagné plus de 8% d’un seul élan pour la première fois depuis le 16 juillet et a engrangé 9,2% sur la semaine.

C’est presque inespéré car le CAC 40 flirtait encore avec les 3 000 points les 27 et 28 octobre derniers — et même les 2 960 points, plancher d’octobre 1998. L’indice phare limite sa perte mensuelle à 13,5% après avoir affiché jusqu’à 25%. Les opérateurs ont eu l’occasion de trembler jusqu’au bout car la journée de vendredi avait plutôt mal démarré avec un repli de 2,6% et le test des 3 220 points. Mais au final, l’indice phare affiche 2,33% à 3 487 points, avec 75% de titres en hausse (contre 90% en baisse en milieu de matinée).

Les places européennes dans leur ensemble grimpaient de 2,5%, toujours entraînées par la locomotive allemande. Le DAX gagnait 2,45% — mais aussi et surtout un inexplicable 16,15% hebdomadaire — et la bourse d’Amsterdam 3,9%. En dehors de la Zone Euro, Zurich se distinguait avec un gain de 5,3%.

Wall Street avait entamé comme prévu la dernière séance du mois sur une note légèrement négative mais est rapidement revenu en territoire positif. Le Dow Jones ou le Nasdaq affichent un gain de 1,5%, soit une progression de 11% sur l’ensemble de la semaine.

** Les chiffres macroéconomiques publiés aux Etats-Unis du 29 au 31 octobre ont été mauvais — comme prévu — mais les anticipations les plus pessimistes ont été démenties.

Vendredi, par exemple, le département du Commerce a annoncé que les dépenses des ménages américains avaient reculé de 0,3% au mois de septembre, alors que les revenus des ménages ont pour leur part progressé de 0,2% — certaines estimations allaient jusqu’à 0,5% en ce qui concerne la consommation.

Par ailleurs, si l’indice PMI de Chicago à chuté jusque vers 57,6 en octobre (contre 70,3 en septembre), les analystes tablaient sur un niveau de 57,5.

** Le seul petit point noir en terme de sursaut technique affectait les marchés de matières premières. Les métaux et le pétrole repartaient à la baisse vendredi alors que les craintes de récession ont été ravivées par la publication d’un PIB américain pour le troisième trimestre en baisse de 0,3% puis par l’abaissement des perspectives de croissance nippone par la Banque du Japon.

Le baril de brut léger américain s’inscrivait en repli de 2% à 64,5 $ le baril et le billet vert rebondissait symétriquement à 1,273 euro — contre un cours inférieur à 1,338 jeudi matin et à 1,30 euro jeudi soir. Le yen cédait logiquement du terrain après que la Banque du Japon a abaissé le taux directeur de 20 points de base : il passe de 0,5% à 0,3%.

** La récession serait également aux portes de l’Europe, M. Nout Wellink, membre du conseil des gouverneurs de la BCE, a dressé de sombres perspectives pour la croissance en Zone euro l’année prochaine. En outre, la Banque d’Espagne a dévoilé un PIB espagnol en repli de 0,3% sur le troisième trimestre.

En Europe toujours, le taux d’inflation annuel de la Zone euro s’établirait à 3,2% en octobre 2008 contre 3,6% un an plus tôt. Quant au taux de chômage, il est resté stable à 7,5% en septembre. Même si cela n’a qu’un lointain rapport, le marché du crédit interbancaire se détendait fortement : l’indice itraxx Crossover cinq ans perd plus de 60 points à 770 points. Le dégel continue sur l’ensemble des instruments, le Libor trois mois cotait 3,1925% (-22,75 points de base) et l’Euribor trois mois 4,794% (-2,3 points de base).

** Le début du mois de novembre sera placé sous le signe des présidentielles américaines. La volatilité pourrait demeurer intense, sachant qu’un basculement de la Maison Blanche dans le camp démocrate — Barack Obama est crédité d’une avance de huit points par les derniers sondages du week-end — serait considéré par Wall Street comme un gage de compétence en matière économique. Cependant, aucune administration US n’a été confrontée à une crise aussi grave depuis plus de 75 ans et l’Amérique — et le commerce mondial — de l’époque n’avaient rien à voir avec le système globalisé du début du XXIe siècle.

Alors que la victoire du candidat démocrate se précise — le mot "victoire" vient d’être effacé des banderoles et des flyers annonçant la grande soirée républicaine à Phoenix, siège de la campagne de John McCain –, un des bras droits de Ben Bernanke, Jeffrey Lacker, était le premier membre de la Fed à oser formuler hier le pronostic d’une sortie de récession d’ici la mi-2009.

Voilà le genre de petites phrases qui tombe à pic pour entretenir l’optimisme de Wall Street. Les investisseurs peuvent digérer les pires nouvelles à partir du moment où ils peuvent inscrire la date d’une embellie sur leur agenda.

Cela tombera peut-être bel et bien un 30 juin… mais attendez-vous à ce qu’il s’agisse plutôt de celui de l’année 2010.

Philippe Béchade,
Paris

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