La Chronique Agora

Du pétrole à la récession, l'inflation n'est pas qu'un phénomène monétaire

▪ Notre collègue Porter Stansberry nous a envoyé cette note :

« Le département de la Justice US est en train de constituer une équipe afin de ‘déraciner tous les cas potentiels de fraude ou manipulation’ des marchés pétroliers pouvant contribuer aux prix du carburant dépassant les 4 $ le gallon« .

« Je parie que cette ‘équipe’ n’ira pas interroger Bernanke »…

Non, ils n’iront pas interroger Ben. Ce n’est pas leur travail. Leur travail, c’est de trouver un pigeon et le faire défiler devant les caméras, menottes aux poings. Peut-être un gars qui spécule sur les futures sur le pétrole. Ou peut-être le directeur d’une compagnie pétrolière.

Démontons un peu le mécanisme.

Les autorités tentent, ouvertement et explicitement, de causer de l’inflation. Ce n’est pas une plaisanterie. Ben Bernanke l’a fait très clairement comprendre. Il s’inquiétait de la chute des prix — de la déflation. Il a pratiquement construit sa carrière sur le fait qu’il est un expert ès déflations… affirmant pouvoir l’empêcher en larguant « de l’argent par hélicoptère », si nécessaire.

Il a lutté contre la déflation de plusieurs manières. En achetant des obligations avec de l’argent inventé de toutes pièces. En prêtant de l’argent à taux zéro. Et en aidant le Trésor US à dépenser de l’argent qu’il n’a pas et qu’il ne peut pas lever par des impôts honnêtes ou des ventes d’obligations.

En général, un peu d’inflation monétaire est considérée comme une bonne chose — surtout quand les gens ne savent pas ce qu’il se passe. Ajoutez un peu d’argent, les gens se sentent plus riches. Cela les pousse à dépenser plus… vendre plus… produire plus… et embaucher plus.

Mais que se passe-t-il lorsqu’ils voient que ce n’est qu’un tour de passe-passe ? Que se passe-t-il lorsqu’ils voient l’hélicoptère au-dessus de leur tête et se rendent compte que l’argent qu’on donne gratuitement a quelque chose de très bizarre ?

Eh bien, que feriez-vous si vous étiez producteur de matières premières ? Disons que vous avez du pétrole dans le sol ou du blé dans le pré ? L’échangeriez-vous contre des dollars ? Ou bien est-ce que vous attendriez… en patientant un peu… soit parce que vous pensez que le prix va grimper… ou parce que vous avez peur que cet argent bizarre perde sa valeur ?

▪ Le problème, avec un peu d’inflation, c’est qu’elle se transforme souvent en beaucoup d’inflation — d’un seul coup. En un certain sens, l’inflation est toujours un phénomène monétaire. Mais c’est aussi un phénomène psychologique… et économique.

Dans une Grande Correction, les autorités peuvent augmenter les positions de la Fed. Mais si les banques membres n’empruntent pas et ne prêtent plus… on n’obtient guère d’augmentation des prix à la consommation. Et quand on en obtient — comme nous le constatons dans le prix du carburant actuellement — elle tend à travailler contre une augmentation générale des prix. En fait, elle tend à corriger le cycle inflationniste. C’est-à-dire que les consommateurs paient leur carburant plus cher, si bien qu’il leur reste moins d’argent pour d’autres choses. Voilà pourquoi une grosse augmentation du prix du pétrole ne cause pas un boom inflationniste. Cela provoque plutôt un ralentissement économique. Et les récessions font généralement baisser les prix, plutôt que les augmenter.

Dans la mesure où les prix stagnent, voire baissent, les autorités pensent pouvoir s’en sortir avec plus de politiques inflationnistes. En fait, elles pensent qu’elles n’ont pas le choix. Elles doivent lutter contre la récession ! L’inflation est le dernier de leurs soucis.

Elles « impriment » de l’argent… puis elles continuent à en imprimer. Parce qu’à mesure que la récession se poursuit, les recettes fiscales chutent. Le gouvernement en vient alors à compter sur la Banque centrale pour financer ses déficits. Les politiques inflationnistes ne sont plus uniquement des mesures « contre-cycliques » ; elles sont une partie intégrante du budget des autorités.

Puis la composante psychologique entre en jeu. Les investisseurs commencent à s’inquiéter. Ils se mettent à acheter de l’or — qui constituera leur propre réserve financière. Ils commencent à s’attendre à des prix plus élevés — beaucoup plus élevés. Les producteurs se mettent à garder leurs réserves. Ce qui provoque des pénuries… engendrant une hausse des prix, ce qui pousse les producteurs à garder encore plus de réserves. Les ménages ordinaires ne tardent pas à acheter eux aussi de l’or.

Les autorités cherchent des boucs émissaires. Elles pincent un spéculateur ou deux. Elles accusent les producteurs de garder tout pour eux. Elles insistent sur le fait qu’il n’y a aucun problème avec les finances gouvernementales ni avec les politiques de la Banque centrale. Le problème, ce sont les capitalistes « avides ». Ou la météo. Ou autre…

Rappelez-vous que les gens mouraient de faim en Allemagne durant l’hiver de la Grande Inflation, au début des années 20 — alors que l’on enregistrait des récoltes record. Pourquoi ? Parce que les agriculteurs ne voulaient pas vendre. Ils conservaient leurs produits dans des granges et des silos… attendant que les problèmes monétaires se résolvent.

Naturellement, les autorités ont essayé de refiler le bébé à d’autres. Certains ont accusé les spéculateurs. D’autres ont accusé la France et la Grande-Bretagne. D’autres encore ont accusé les banquiers… surtout s’ils étaient juifs.

On connaît la suite.

 
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