▪ La chute des cours du pétrole en réaction au séisme japonais n’est qu’une péripétie passagère. Le prix du pétrole est en hausse parce que beaucoup de pays augmentent non seulement leur demande mais aussi leurs réserves de pétrole — du fait de l’incertitude de l’approvisionnement au Proche et Moyen-Orient.
Aux Philippines, par exemple, le gouvernement a récemment demandé aux raffineurs de constituer des réserves pour 90 jours au lieu des 30 jours habituels. D’autres pays et entreprises grandes consommatrices de pétrole agissent de même pour ce qui est de constituer leurs stocks de pétrole.
Alors, quelle information prend le dessus sur l’autre ? La hausse généralisée de la demande de pétrole maintient-elle une augmentation des prix ? Ou bien des événements imprévus continuent-ils à enrayer cette hausse de la demande de pétrole et empêchent les prix d’augmenter ?
La vérité est que cette baisse brutale des cours du pétrole en réaction au séisme japonais est vraisemblablement un phénomène court terme. Il y a une forte dynamique à la hausse des prix du pétrole, attribuable aux problèmes fondamentaux d’approvisionnement — les troubles politiques au Moyen-Orient n’en sont pas les moindres. Nous pourrions assister à une rapide remontée des prix du pétrole due aux inquiétudes concernant la production.
Selon Wang Qingyun, directeur du State Bureau of Material Reserves, la Chine ne dispose que de réserves stratégiques de pétrole équivalentes à 30 jours de consommation. M. Wang affirme que l’objectif de la Chine est de constituer des réserves stratégiques pour 90 jours mais les bureaucrates du ministère de l’énergie travaillent encore à choisir les lieux de stockage et à construire les infrastructures.
La disponibilité et la tarification du pétrole est certainement une source d’inquiétude grandissante pour la Chine, dont les importations quotidiennes de pétrole dépassent celles des Etats-Unis en termes de part de la consommation totale. Aujourd’hui la Chine importe environ 63% de sa consommation quotidienne de pétrole — le double du pourcentage d’il y a dix ans.
A mesure que la consommation de la Chine augmente, la perspective d’un prix du pétrole « élevé de façon permanente » augmente, elle aussi. Cela signifie que les investissements en dollar continueront à affluer dans le secteur de l’exploration pétrolière.
Ainsi, ces cinq dernières années nous avons vu environ 100 nouvelles plates-formes auto-élévatrices et navires de forage en eaux profondes sortir des chantiers navals du monde entier. Ces navires représentent plus de 40 milliards de dollars en investissements nouveaux. En outre, il y a l’effet multiplicateur des navires nouvellement construits sur les commerçants, les constructeurs d’équipements, les aciéries et jusqu’aux mines de fer.
▪ Entre temps, une frénésie d’embauches a lieu chez Halliburton. L’entreprise vient d’annoncer qu’elle recrutera près de 5 000 nouveaux géologues et ingénieurs dans le monde entier. Flûte ! Même moi, je réponds couramment à des annonces de chercheurs de tête en quête de géologues.
Tout cela semble être des nouvelles d’investissement très positives pour l’industrie pétrolière. Mais il faut tenir compte d’autres éléments également. Quel est le bénéfice de tous ces investissements et embauches ? Assistons-nous à un « retour en énergie » pour tous ces nouveaux investissements ?
Comparons certains chiffres récents. Entre 1995 et 2004, l’industrie pétrolière a globalement dépensé 2 400 milliards de dollars dans diverses dépenses d’investissement. Ces 2 400 milliards ont permis d’augmenter la production de pétrole brut de 12,3 millions de barils par jour à près de 85 millions de barils par jour en 2005 (gardez ces chiffres en tête). Ce ne sont là que des données historiques, brutes.
Coïncidence, entre 2005 et 2010, l’industrie pétrolière mondiale a dépensé en investissement 2 400 milliards de dollars supplémentaires. Cependant, pour le même montant — 2 400 milliards de dollars — la production mondiale de pétrole brut a en réalité diminué d’environ 0,5%. Qu’est-ce que cela signifie ?
Naturellement, il existe de nombreuses répercussions mais un point essentiel est que l’offre mondiale quotidienne de pétrole n’augmente pas. Concernant toutes les histoires que vous pouvez entendre à propos de « nouvelles » sources d’approvisionnement, de mises en service à partir de champs en eaux profondes, de découvertes on shore , de l’accroissement du pétrole récupéré, de sables pétrolifères, des hydrocarbures liquides extraits de gisements de tight gas, etc., ceux-ci ne font que remplacer les autres sources d’approvisionnement en pétrole qui disparaissent en s’amenuisant.
Il est juste de dire que la production de pétrole mondiale est stationnaire et que les prix ne sont pas réellement établis ou régulés par l’efficience, la conservation ni même par l’ajout de capacité.
Non, le contrôle clé sur les prix du pétrole ces deux dernières années a été la récession. C’est la récession qui a fixé les prix du pétrole. Sans la récession, le monde aurait pu consommer plus de 93 millions de barils par jour… et aurait pu payer des prix beaucoup plus élevés que 100 $ le baril.
Quoi qu’il adviendra de l’économie mondiale, nous sommes dans un environnement où l’offre est limitée. Nous n’allons pas trouver de « nouvelle » Arabie Saoudite ni de « nouvelle » Russie — même s’il est bon de se tenir au courant de ce qui se passe au large du Brésil.
Le Peak Oil est bien là, excepté qu’en ce moment même nous le subissons uniquement comme un problème de pouvoir d’achat (un baril à plus de 100 $), plutôt que comme un manque d’approvisionnement au jour le jour.
Au final — peut-être — l’économie mondiale commencera à sortir de la récession. Et peut-être connaîtrons-nous même une période sans crises internationales (on pense au Moyen-Orient) ou sans catastrophes naturelles à grande échelle. Ensuite, nous verrons à quoi ressemblent vraiment les limites de l’offre — et les prix grimperont en flèche.
Comment réagir à tout cela ? D’abord, il faut commencer par investir dans des entreprises qui détiennent de vrais actifs sous forme de pétrole et de gaz naturel, d’uranium et autres ressources de valeur — or, argent-métal, etc. Là, et dans les acteurs énergie-technologie du secteur des services pétroliers– les suspects habituels que sont Schlumberger, Baker Hughes et Halliburton.
Restez à l’écoute et nous y arriverons ensemble.
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