▪ Wall Street a terminé la semaine — mais aussi et surtout le mois de février — au plus haut. Cela était manifestement le but recherché en cette séance technique des « Trois sorcières ».
Les sherpas du marché américain ont réussi (sans trop forcer) à maximiser les gains sur les positions longues accumulées depuis le 1er janvier. Ils ont également veillé à ce que le niveau du VIX soit ramené avec une régularité de métronome de 25 vers 18 et même 17,5. Voilà qui constitue un signe de confiance extrêmement fort à la veille d’un week-end de trois jours — lundi étant férié aux Etats-Unis pour cause de President’s Day.
Les opérateurs se sont contentés de tenir les positions jusqu’à la mi-journée. Ensuite, la pression acheteuse a été intensifiée et les cours se sont remis à progresser doucement mais régulièrement. Le Dow Jones s’est ainsi rapproché des 13 000 et le S&P du zénith annuel de clôture des 1 363,5 points du 29 avril 2011 (une résistance majeure).
Mais des ajustements de position sont survenus à un quart d’heure de la clôture. L’avancée du Dow Jones a par conséquent été ramenée de 0,6% vers 0,35% (de 12 968 vers 12 950, soit 1,15% en hebdo). Le S&P en termine sur un gain de 0,24% à l’issue d’une séance marquée par une singulière absence de volatilité.
Le Nasdaq n’a passé que cinq minutes en territoire positif en tout début de séance avant de basculer dans le rouge pour ne plus en ressortir. Au final, il abandonne 0,27% mais gagne tout de même 1,6% sur la semaine.
Globalement, un opérateur ayant réparti équitablement ses investissements entre le S&P et le Nasdaq jeudi soir perd les frais. Un peu à l’image d’Apple qui finit quasi inchangé : -0,09%, avec 18 millions de titres traités, presque moitié moins que la veille et le tiers de ce qui fut échangé mercredi. Cela représente 55 millions de titres pour un record de 27 milliards de dollars échangés, soit l’équivalent de six séances de cotation à Paris.
▪ Une séance plate pour Wall Street
Les chiffres du jour ont été de peu d’influence sur les cours en cette séance des « Trois sorcières ». Le chiffre de l’inflation a cependant surpris par sa modération au mois de janvier : +0,2% au lieu de +0,4% attendu.
La séance de vendredi n’a pas été décisive pour les indices américains. Aucune résistance majeure n’a été débordée. Et si le Nasdaq caracole au-dessus des 2 850 points, il le doit uniquement aux 25% engrangés par Apple depuis le 1er janvier.
▪ Le Dow Transportation plus fiable que le Nasdaq
Si les technologiques progressent au sein d’un canal d’une exceptionnelle régularité et d’une étroitesse quasi surnaturelle, il n’en va pas de même pour les valeurs industrielles et cycliques qui servent de sous-jacent au Dow Transportation.
Même s’il est beaucoup moins surveillé aujourd’hui que dans les années 90, il demeure cependant un excellent indicateur avancé de la croissance, la vraie. Pas celle des statisticiens qui redressent telle ou telle composante du PIB (stocks, balance des exportations) pour faire apparaître du momentum là ou il n’y a qu’une banale stagnation de l’activité économique.
Le Dow Transportation a le blues depuis le mois de février. Il a clôturé en repli de 0,45% et se retrouve 2% en-deçà de son zénith annuel. Cela semble cohérent par rapport aux messages de prudence concernant 2012 de la part de nombreuses entreprises américaines.
▪ Brent et WTI s’enflamment
Cela n’empêche pas le baril de WTI de franchir le cap des 103 $ le baril à New York (103,65 $ en clôture, nouveau zénith annuel) après que le Brent a pulvérisé le plafond des 120 $ à Londres quelques heures plus tôt.
Ce test des records annuels reflète probablement moins les anticipations d’une croissance soutenue eu Europe ou aux Etats-Unis que la perception d’une montée des tensions géopolitiques au Proche-Orient. N’oublions pas que cette hausse est aussi due à la décision (certes sans surprise) de l’Iran qui suspend ses exportations de pétrole à destination de la France et de l’Angleterre.
En effet, ce sont les deux pays les plus en pointe dans les manoeuvres visant à dissuader Téhéran de poursuivre le développement d’un arsenal nucléaire.
Le fait le plus inquiétant réside dans l’envoi de navires iraniens dans le canal de Suez ce week-end, une manoeuvre d’intimidation sans précédent depuis 33 ans !
Dans le même temps, plus personne ne sait véritablement vers quel destin file le Nigeria. La situation apparaît hors du contrôle du gouvernement sur la moitié de la surface du pays ; une guerre inter-religieuse entre le nord et le sud, comme dans les années 70, semble sur le point de se réenclencher. Elle affecterait inéluctablement la production pétrolière des zones côtières et de nombreux étrangers devraient quitter un pays devenu par trop dangereux.
Alors à moins d’un revirement immédiat à la baisse lundi sous les 103 $, le pétrole semble bien parti pour s’en aller retracer les 114,5/115 $. Mais il ne s’agit que de 10% de hausse supplémentaire, alors que le baril vient déjà de reprendre 40% en 18 mois. Les dégâts sur la consommation risquent d’être sévères, sans oublier l’impact négatif sur le PIB américain.
Et plus la Fed userait du quantitative easing pour relancer la croissance, plus le pétrole et l’inflation progresseraient de concert, suscitant la colère de la Chine. Cette dernière marche sur le fil du rasoir depuis des mois, avec de nombreux signaux de ralentissement de ses exportations.
▪ Grèce, Portugal, Espagne : l’austérité ne résout rien
Notre souci le plus immédiat concerne l’après accord de renflouement de la Grèce. Rien n’est encore signé à l’heure ou nous écrivons ces lignes, mais chacun pariait la semaine passée que serait chose faite d’ici ce lundi soir.
Chacun sait bien qu’elle ne remboursera pas cette aide ni les précédentes, mais le sujet ne reviendra sur la table que dans six mois… c’est toujours ça de gagné !
Le problème, c’est que le Portugal, malgré toute l’austérité qu’il s’est infligé, n’est plus en mesure de se refinancer. Par ailleurs, l’essentiel des difficultés qui accablent son économie trouve son origine chez le voisin espagnol qui tente de repousser le diagnostic de sa faillite avec la complicité de la BCE.
Une fois encore, nos élites solutionnent au coup par coup les problèmes d’illiquidité rencontrés par les créanciers. Mais la question fondamentale de la solvabilité des emprunteurs n’est jamais réglée. Ce n’est pas par manque de courage ou d’imagination, c’est juste parce qu’il n’existe pas de solution, en dehors de la fuite en avant vers l’inflation.