La Chronique Agora

Double clôture à 1 666 : le S&P 500 saisi par le démon de la hausse

banques centrales

▪ La séance de lundi n’a donné suite à la publication d’aucun chiffre économique… et de toute façon, tout ce qui reflète l’état de l’économie réelle et ses perspectives à court ou moyen terme n’a aucune espèce d’influence sur la formation des cours boursiers. Nous allons donc pouvoir nous aussi nous amuser à jongler avec les scores algébriques tout au long de cette chronique… et comme vous allez le découvrir, nous ne sommes pas les seuls !

La journée des « Trois sorcières » du vendredi 17 mai a donné lieu sans surprise à une hausse généralisée des indices américains : +0,9% en moyenne. Ils alignent ainsi une quatrième semaine de records consécutifs.

Le score le plus singulier fut toutefois celui du S&P 500, qui clôturait officiellement à 1 666,1 points — avant modification mais peu importe, tout le monde avait noté ce score de 1 666.

Fait rarissime, le score de clôture du S&P a été ajusté (recalculé) vendredi à 22h39 ; c’est le seul des trois indices majeurs à l’avoir été.

C’est donc 1,35 point d’indice qui a été rajouté avec l’annulation par la SEC d’une transaction « étrange » sur Anadarko. Le titre a chuté de 91 $ vers 45 $ à 21h59 : encore un flash krach a priori totalement inexplicable… mais attendez la suite.

Le score final est donc 1 667,47 et non plus 1 666,12 points. Cependant, S&P affichait 1 667,37 à 21h59 — et ce chiffre ne voulait rien dire, contrairement à 1 666… qui cadrait diablement bien avec une séance des « Trois sorcières » !

▪ Occultisme et trading…
Ce n’est pas l’écart de 1 000 points de gain très exactement depuis le plancher des 666 points de mars 2009 qui importe : c’est la valeur très symbolique du score de clôture du S&P 500.

N’importe qui peut découvrir sur internet une abondante littérature concernant le chiffre 666 sans avoir la moindre sympathie pour l’occultisme satanique.

En tout cas, il ne peut s’agir d’un pur hasard… car il a fallu recourir à une puissance de calcul colossale et exploiter toutes les ressources du trading haute fréquence pour obtenir le score symbolique des 1 666.

Sauf que dans la précipitation des 10 ou 15 dernières secondes de transactions officielles, un algorithme s’est emballé sur Anadarko. Le titre a perdu la moitié de sa valeur en quelques dixièmes de seconde alors que la pression baissière aurait dû être répartie en douceur sur plusieurs centaines de titres — mais le temps manquait pour échapper à une erreur de programmation.

Répétons-le, les 1 666 inscrits à 22h01(et affichés jusqu’à 22h39) ne devaient rien au hasard… Pas plus que le hasard n’est intervenu dans la succession de 17 vendredis de hausse sur 20 et encore moins dans les 18 mardis de hausse consécutifs observés sur le Dow Jones.

Notons également que le S&P 500 a inscrit vendredi son 16ème record absolu pour 2013 (et un 17ème ce lundi). Il alignait quatre semaines de hausse hebdo consécutives, un 10ème mois de progression… et la hausse cumulée atteint 20% depuis le 16 novembre 2012.

Le marché ressemble pour les uns au manège enchanté… Pour les autres, les 1 666 validés pour la seconde fois en clôture hier soir renvoient à d’autres références qui n’ont rien d’enchanteresses, ce qui n’est pas surprenant pour une séance des… « Trois sorcières ».

Les optimistes y verront une touche d’humour bienvenue en d’aussi joyeuses circonstances mais on peut se demander s’il ne s’agit pas d’humour… noir.

▪ Record sur record de l’autre côté de l’Atlantique aussi
A Londres, c’est peut-être la symbolique du 13 qui a inspiré les opérateurs. Le marché y enregistre une 13ème séance de hausse consécutive et un FTSE 100 qui bat d’un point (acquis comme par miracle durant le fixing de clôture) son record des 6 754 points du 13 juillet 2007. Il a terminé au plus haut depuis le 5 septembre 2000, niveau identique au zénith intraday du 24 mars 2000 qui avait également vu le S&P 500 battre ses records absolus.

L’entame du terme de juin (sur les instruments dérivés) semble également avoir dopé le marché parisien. Il terminait à 4 023 points, sur une hausse flatteuse de 0,54%… dans un vide sidéral en termes de volumes : moins de 1,78 milliards d’euros échangés et 1,3 milliards d’euros avant le fixing.

Le CAC 40 égalait hier soir son meilleur cours intraday du 1er juillet 2011. Il a également inscrit sa meilleure clôture depuis le 19 mai 2011 (c’était il y a deux ans jour pour jour).

Beaucoup d’analystes soulignent qu’à niveau de cours égal, le marché « ne se paye pas cher »… Sauf qu’en réintégrant les dividendes versés dans l’intervalle (comme pour le DAX), le CAC 40 gravite entre 4 500 et 4 550 points, c’est-à-dire au-delà des sommets de début septembre 2008.

Mais le CAC 40, qui gagne 4,3% au mois de mai, ne soutient pas la comparaison par rapport au DAX 30 (8 456). Ce dernier aligne 10 séances de hausse consécutives, 16 hausses sur 18 depuis le 23 avril (18 sur 18 si l’on tient compte des records annuels intraday), avec un score mensuel fleuve de +6,8% (plus forte hausse depuis janvier 2012 ou avril 2011 et mai 2007).

18 occasions sur 18 de revendre en séance plus cher ce qui aurait été acheté au plus haut ou en clôture la veille, ne cherchez pas sur le DAX 30 — ni sur aucun autre indice européen : c’est tout bonnement la plus longue série gagnante de l’histoire… alors qu’il n’y a pas de croissance sous-jacente en Europe, ni de hausse des profits, ni de reprise mondiale prévisible avant 18 mois.

Le Mexique — l’atelier low cost des Etats-Unis — vient de voir sa croissance chuter de 3,5% vers 1,1%… L’Inde est menacée d’une dégradation de sa note alors que sa croissance se maintient péniblement au-dessus des 5%… L’Australie est en perte de vitesse — alors que la Chine réduit la voilure — et commence à baisser ses taux.

Pendant ce temps-là, les taux longs grimpent au Japon (+0,05% à 0,87% lundi)… Cela pour le plus grand bonheur du Nikkei, l’indice phare de Tokyo, qui s’offrait le luxe de dépasser le Dow Jones de l’épaisseur d’une lame de katana, à 15 360 contre 15 354 points.

Nous n’osons imaginer l’effet d’un contact — même furtif — entre cette lame et la bulle boursière nippone.

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