Les médias nous donnent une fausse image de Donald Trump, comme ils l’avaient fait du temps de Ronald Reagan. La politique « reaganienne » prévue par Trump sera difficile à suivre car le contexte est totalement différent.
Le fait que Donald Trump prête serment en tant que 45ème président des Etats-Unis le 20 janvier 2017 représente un véritable séisme.
Je tiens toutefois à être clair : nous ne sommes pas là pour prendre parti en faveur d’une idéologie ou d’une autre. En revanche, ce que nous souhaitons vraiment faire, c’est comprendre l’importance de cet événement sur votre portefeuille, votre épargne et votre retraite.
Vous avez écouté les médias. Aucun chroniqueur, sondage, pronostic, marché, rien ni personne n’avait envisagé une victoire de Trump. Nous, si.
Malgré le tableau qu’ont dressé les médias du personnage, finalement, il est extrêmement difficile d’avoir une vue précise de ce qui nous attend. Nous devons donc faire preuve d’un peu d’humilité et de réserve quand il s’agit de définir ce qui va se passer, car le type qui est aux commandes ne le sait pas lui-même.
Ce n’est pas comme s’il avait un plan bien développé et cohérent, et qu’il suffisait de le suivre.
En attendant, je vais me servir de Ronald Reagan comme cadre de référence. Je pense que c’est le cadre qui convient. Je vais vous pointer ce qui est similaire et ce qui est différent. Ce qui n’est pas semblable constitue vraiment la partie la plus importante, car cela nous dit comment les choses pourraient ne pas se passer.
Ronald & Donald : point sur les similitudes
Ronald Reagan a débarqué en 1980 en se faisant traiter comme Trump. On le considérait comme un bouffon, un nul, un acteur… bref. Que savait-il ? Comment un type de Hollywood pouvait-il être président ? Un type instable, qui allait appuyer sur le bouton rouge du nucléaire et déclencher la Troisième Guerre mondiale ? Une énorme partie de ce que vous avez entendu à propos de Trump correspond exactement à ce que l’on disait de Reagan à l’époque.
Reagan est arrivé mais il n’était pas seul. Reagan avait une équipe remarquable. Paul Volcker l’a énormément aidé. Il était à la Fed à l’époque. Lorsque Reagan est arrivé, les Etats-Unis étaient englués dans une très grave récession, l’une des pires depuis la Deuxième Guerre mondiale. J’ai toujours pensé qu’une partie du génie de Reagan est d’avoir mis un terme à cette récession aussi rapidement. Il l’a surmontée en début de mandat. Après cela, l’économie a progressé durant sept années consécutives. Il s’agit de la période d’expansion la plus longue, en temps de paix, de toute l’histoire des Etats-Unis.
En réalité, Ronald Reagan n’était pas du tout ce que ses détracteurs en disaient. Ronald Reagan avait effectué deux mandats en tant que sénateur de Californie, le plus grand état du pays. Il était également président de la Screen Actors Guild, l’un des plus grands syndicats du pays. Reagan avait énormément d’expérience politique avant d’accéder à la Maison Blanche. On l’a rabaissé mais, en vérité, il a été l’une des personnalités les plus qualifiées ayant jamais occupé le Bureau ovale.
Tout comme Reagan, je ne pense pas que Trump corresponde au stéréotype que l’on utilise pour le décrire. Je suis le premier à dire que Trump est grossier, par son langage et par son comportement. Il est loin d’être une personne modèle, en fait. Mais à part ça, il n’est pas extrême à ce point… Il ne colle pas au portrait que l’on brosse de lui.
Trump va-t-il utiliser son expérience d’ancien P-DG ? Sans être un politicien élu, Reagan a remporté deux élections importantes. Ce n’est pas le cas de Trump, mais être P-DG, cela représente quelque chose. Il apporte cette expérience. Il apporte certainement de l’optimisme.
Il y a tellement de gens qui ne sont pas allés au-delà de la personnalité de Trump, des critiques à son égard… qui ne sont pas allés au-delà pour réellement se demander : « Bon, que défend cet homme ? Quelle est sa politique ? »
Elle est intéressante : des allègements fiscaux, davantage de dépenses consacrées à la défense, au mur, aux infrastructures, aéroports, routes, ponts, tunnels, voies ferrées, etc. et moins de réglementation.
Trump est un grand dépensier. Il l’a dit. Nous voyons donc le marché actions grimper et atteindre des plus-hauts historiques. Le Dow Jones a dépassé les 19 000 points. Prenez les secteurs financier, bancaire, pharmaceutique, de la santé, de construction, des transports : ils grimpent tous dans la perspective de ces vastes plans de dépenses. Trump dit qu’il va dépenser plus d’argent sur tout cela. Il n’est donc pas très étonnant que le marché actions grimpe.
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A l’inverse, le marché obligataire et celui de l’or sont en baisse. L’or semble avoir attiré les acheteurs, mais il a beaucoup baissé (de plus de 100 dollars l’once) depuis le jour de l’élection, et le marché obligataire a réellement sombré. C’est vrai dans le monde entier.
Nous voyons bien que la Fed va réellement relever les taux d’intérêt en décembre.
La grande question : qui va émettre la dette pour couvrir les déficits ?
Comment analyser cette situation, avec ces vastes plans de dépenses à venir, des milliers de milliards de dollars de dépenses et d’allègements fiscaux ? Elle signifie un déficit plus important. Comment financer le déficit ? Il faut émettre des Bons du Trésor. Qui va les émettre ? Bonne question. Peut-être la Fed, ou peut-être pas. C’est probablement la plus grande question à laquelle nous serons confrontés.
Autrement dit, nous cernons les grands programmes de dépenses de Trump. Nous appréhendons l’effet qu’ils vont avoir sur le marché actions. Nous appréhendons l’effet qu’ils vont avoir sur les déficits.
Beaucoup de gens pensent que cela va générer de l’inflation. Mais les émissions monétaires ne permettent pas, à elles seules, de produire de l’inflation si les gens ne dépensent pas, n’empruntent pas, n’investissent pas, ne font pas travailler cet argent. C’est ce que l’on appelle la « vitesse de circulation de l’argent » (la vélocité monétaire).
La vitesse de circulation a coulé à pic depuis 1998. Depuis environ 18 ans, la vitesse de circulation diminue. Toutes ces émissions monétaires n’ont pas produit d’inflation car l’argent dort. Il faut pousser les gens à sortir et dépenser plutôt que de rester chez eux et laisser dormir leur argent.
John Maynard Keynes avait une expression, pour désigner ce que j’ai décrit : il appelait cela les esprits animaux. En gros, les esprits animaux représentent en fait l’enthousiasme. L’enthousiasme versus le pessimisme. Trump va-t-il suffire à faire de nouveau bouger les esprits animaux ? Peut-être.
Je pense que nous devons y réfléchir en profondeur. C’est l’une des principales questions que nous nous posons. Ronald Reagan y était parvenu sans conteste.
Je viens d’expliquer les similitudes entre Trump et Reagan : à l’égard des esprits animaux, des allègements fiscaux, de la stimulation, des dépenses, de la hausse du marché actions, et du retour des jours heureux.
Reagan favorisé par des taux et une inflation en baisse…
Mais Trump part avec d’énormes contraintes que Reagan n’a pas connues.
Lorsque Ronald Reagan a prêté serment, les taux de la Fed (Federal Fund rates) étaient à 20%. Il s’agissait du taux au jour le jour, pas du taux à long terme. Les taux d’intérêt ne pouvaient que baisser. Ils n’allaient pas grimper à 30%. Le pays se serait replié sur lui-même et se serait déclaré en faillite. Or, à l’arrivée de Trump, les taux sont proches de zéro. Ils ne peuvent qu’augmenter.
Reagan a bénéficié de vents extrêmement favorables à une baisse potentielle des taux. Trump va subir d’énormes vents contraires concernant l’augmentation des taux d’intérêt, et il en va de même pour l’inflation. A l’arrivée de Reagan, l’inflation était à 13%. Dès 1984, Volcker l’avait réduite à 4%. Il s’agit d’une désinflation massive. Mais rappelez-vous, les actions et les obligations étaient en hausse. Les actions grimpaient en raison de la croissance réelle et les obligations grimpaient en raison de la baisse des taux d’intérêt et de l’inflation.
Pour Trump, il pourrait se produire le contraire. Il pourrait être confronté à un effondrement du marché obligataire et les actions pourraient s’essouffler. Je ne parierais pas sur la baisse des actions en ce moment même, mais c’est peut-être une chose à laquelle il faudra songer assez rapidement, lorsque les gens se réveilleront en se disant : « Attendez une minute ! Comment tout cela peut-il tenir debout ? »
L’autre très grande différence, celle dont personne ne parle, concerne le ratio dette/PIB américain. Lorsque Reagan est devenu président, il était de 35%, et proche de son plus-bas enregistré depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale. A la fin de la Deuxième Guerre mondiale, le ratio dette/PIB était de 100%. Dans les années 1970 il était redescendu aux alentours des 30%. Il a légèrement augmenté au début de l’ère Reagan, mais peu. Il était aux alentours des 34% lorsque Reagan a prêté serment.
Reagan disposait d’une énorme marge de manoeuvre budgétaire pour augmenter le ratio dette/PIB sans menacer la solvabilité financière des Etats-Unis, et c’est ce qu’il a fait. Lorsque Reagan a achevé sa présidence, le ratio dette/PIB était de 50%.
Mais, voilà, un problème se pose : actuellement, le ratio dette/PIB est de 100%. Nous sommes revenus à la même situation qu’à la fin de la Deuxième Guerre mondiale. Lorsqu’Obama est arrivé, la dette nationale était d’environ 10 000 milliards de dollars. Aujourd’hui, elle atteint 20 000 milliards de dollars. Obama a empilé 10 000 milliards de dollars de nouvelles dettes et le ratio dette/PIB est donc de 100%. Que va faire Trump ? Trump souhaite dépenser énormément. Il voudrait être Ronald Reagan, mais Obama lui a ligoté les mains.
Trump ne peut pas compter sur une baisse des taux. Il va être confronté à leur relèvement. L’inflation ne va pas baisser. Il va être confronté à son augmentation. Il est confronté à un ratio dette/PIB élevé. Ses conseillers économiques David Malpass, Steve Moore, Larry Kudlow, Art Laffer, tentent de suivre la stratégie Reagan.
Les quatre personnes que j’ai citées incarnent la Révolution Reagan. A l’époque, ils avaient une trentaine ou une quarantaine d’années. Ils vont suivre une ancienne stratégie face à des éléments contraires beaucoup plus coriaces, en termes d’inflation, de taux d’intérêt, de ratio dette/PIB.
Pour finir, retenez que Ronald Reagan est arrivé en période de récession. Lorsque vous partez d’une récession, vous ne pouvez que remonter la pente.
Aujourd’hui, nous vivons notre huitième année d’expansion. Je sais que c’est difficile à croire car il s’agit de la pire période d’expansion de l’histoire américaine. Lorsque vous en discutez, tout le monde pense que nous sommes en récession. C’est ce que ressent la plupart des gens mais, techniquement, ce n’est pas le cas.
Trump va donc tenter de suivre la stratégie Reagan dans un contexte qui n’a rien de Reaganien. Je me demande si quelqu’un va prendre le temps de lui dire « vous savez, M. le président, vous voulez peut-être faire tout cela mais, honnêtement, cela ne colle pas. Nous n’avons pas la capacité d’augmenter la dette. »