La Chronique Agora

Dollar, le dilemme de la Fed

▪ "En cas de doute, il y a l’Italie", dit le proverbe.

Nous avons toujours des doutes. Quel meilleur endroit où aller ?

Ces derniers jours, nous avons exploré la Sicile. Mais la Sicile n’est pas l’Italie. Elle trône au milieu de la Méditerranée — les marins somnolents ou les empereurs ambitieux ne pouvaient donc manquer d’y échouer. Les Phéniciens, les Grecs, les Carthaginois, les Romains, les Byzantins, les Arabes, les Normands, les Espagnols et les Français — tous ont tenté de régir la Sicile. Les Italiens ne sont que les envahisseurs les plus récents.

Nous avons loué une petite Fiat 500 pour explorer l’île. Elle manque de puissance mais est parfaite pour les demi-tours rapides dans des passages étroits.

Hier, nous avons visité des ruines grecques et romaines. La "Vallée des Temples", à Agrigente, est une merveille — avec l’un des temples grecs les mieux préservés au monde. A deux heures de route environ se trouve une villa romaine contenant certaines des plus belles fresques jamais découvertes. Apparemment, elles ont été enterrées sous une coulée de boue et sont donc restées intactes pendant 1 000 ans.

La Sicile que nous avons vue jusqu’à présent est remarquablement spacieuse

La Sicile que nous avons vue jusqu’à présent est remarquablement spacieuse. Des montagnes rocheuses, des champs ouverts, de vastes prairies — il y a peu d’ombre. Il doit y faire terriblement chaud en été. Si nous gérions la situation, nous planterions plus d’arbres.

Tout de même, il est agréable de voir tant de paysage rural lorsqu’on conduit. Nous avons remarqué qu’il y a des milliers de maisons abandonnées — de grandes fermes de pierre — partout dans l’île. Les petites villes aussi se dépeuplent. Dans les grandes villes — Syracuse et Palerme, par exemple — on voit beaucoup d’immigrés récents en provenance d’Inde et d’Afrique. Mais les petites villes et les zones rurales semblent se vider, laissant les maisons inoccupées.

Nous reviendrons en Sicile dans un instant — pour le moment, intéressons-nous aux marchés.

▪ Et vous, y croyez-vous ?

Ils ont repris du terrain. Glencore a rattrapé la majeure partie de ses pertes de la semaine. La crainte qui régnait le mois dernier semble avoir diminué. C’est "le retour à la normale", ou presque. Les actions et les obligations s’échangent encore à des prix ridicules. Les camelots de Wall Street continuent de vendre leur soupe à la télévision. Et la Fed continue de promettre une hausse de taux — peut-être avant la fin de l’année.

Certains croient à cette histoire de hausse des taux, d’autres non. Pour ceux qui y croient, c’est désastreux à court terme. Pour ceux qui n’y croient pas, c’est désastreux à long terme.

Une hausse des taux (ou l’anticipation de taux plus élevés aux Etats-Unis) pousse les investisseurs vers les dollars. Cela fait augmenter le prix du billet vert. Quiconque possède des dollars et ne peut les imprimer à volonté — les marchés émergents en particulier — est dans une position difficile. Et lorsqu’on met les débiteurs entre Charybde et Scylla, c’est-à-dire entre le marteau et l’enclume, bon nombre sont condamnés à avoir des problèmes.

Le dollar est la devise de financement de l’économie mondiale. Une hausse du dollar, en d’autres termes, revient à dire que les dollars sont rares. Et quand les dollars sont rares, le commerce mondial tend à baisser. En gros, cela crée une situation opposée à celle de l’argent facile que la Fed vise.

L’économie mondiale ralentit, et est peut-être même déjà en récession

Nous en voyons déjà les effets. Les ventes d’"engins jaunes" — pelleteuses, bulldozers, etc. — chutent depuis trois ans. Le fret de conteneurs en provenance de Chine a diminué de 30% depuis 2013. L’économie mondiale ralentit, et est peut-être même déjà en récession.

D’un autre côté, si l’on ne croit pas que la Fed va augmenter ses taux — ce qui est notre cas –, il y a de quoi réfléchir un peu plus loin. Si la Fed n’a pas augmenté ses taux lors de la dernière réunion du FOMC, ce n’est pas par hasard. Elle doit bien voir le problème qui se développe dans l’économie mondiale, tout comme nous. Et elle sait sans doute que le but de sa politique doit être de baisser le cours du dollar, non de l’augmenter.

La Fed agira non pour chanter les louanges du dollar avec des taux d’intérêt plus élevés, mais pour l’enterrer sous une politique de taux négatifs, l’interdiction du cash ou "tout ce qu’il faudra". Tout ça est probablement à venir… avec des bulles plus grosses et encore plus imprudentes.

▪ Revenons à la Sicile…

Nous avons atterri à Palerme vendredi. La ville a mauvaise réputation.

"Les gens n’aiment pas Palerme parce qu’elle était contrôlée par la mafia", nous a expliqué un chauffeur de taxi. "Ils ont passé des accords malhonnêtes et construit ces affreux immeubles d’habitation qu’on voit aux abords de la ville. Ils ont plusieurs fois abattu des bâtiments anciens qui étaient là depuis des centaines d’années".

C’est vrai qu’il y a des immeubles très laids sur les collines entourant Palerme. Mais la ville ne nous a pas semblé différente des autres. Les immeubles construits par la mafia n’étaient pas plus moches que ceux construits par le gouvernement démocratiquement élu de Baltimore.

"Comment était-ce, vivre dans une ville gérée par la mafia ?" avons-nous demandé.

"Ce n’était pas si épouvantable. Ils tuaient les gens qui les menaçaient — mais à part ça, ils géraient correctement les choses. La délinquance était limitée. Si quelqu’un vous volait quelque chose, vous pouviez généralement aller voir la mafia, et ils récupéraient la chose pour vous".

A suivre…

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