La Chronique Agora

M. Dobrindt prend le risque d’un "kolossal coup au moral" !

▪ On a beaucoup espéré l’émergence d’un déblocage psychologique de la part de l’exécutif allemand mercredi dernier après le vote massif en faveur du FESF par le Bundestag (qui se montre beaucoup plus réaliste que la population allemande, très remontée contre la Grèce depuis bientôt deux ans). Or les dernières déclarations officielles entendues outre-Rhin prouvent que rien n’est acquis, loin de là !

La dernière en date remonte à ce dimanche 2 octobre et elle fait froid dans le dos. Alexander Dobrindt, un des plus hauts responsables de la CSU (parti social-chrétien bavarois, le principal allié politique de la CDU de la chancelière Angela Merkel) a appelé la Grèce surendettée à sortir de la Zone euro pour régler ses problèmes.

Nous sommes les premiers à estimer que le désarrimage par rapport à une devise forte constitue presque à tous les coups le moyen le plus efficace et le plus indolore pour désendetter un pays qui sombre dans la dépression… Sauf si cela entraîne quelques semaines plus tard des dévaluations en cascade chez ses principaux bailleurs de fonds, ce qui annule l’avantage monétaire initial.

Alexander Dobrindt aurait donc raison sur un plan théorique mais complètement tort sur un plan pratique… et c’est là coeur du problème depuis le début de la crise grecque !

Tout le monde ou presque peut comprendre le ressentiment de l’opinion publique allemande à l’encontre de la Grèce. Idem concernant son scepticisme face à des solutions basées sur l’ultra-rigueur mais qui ne fonctionnement pas : le déficit grec atteindra 8,5% en 2011 au lieu des 7,8% promis, apprenait-on ce dimanche.

Puisque le plan A (comme Asphyxie économique) ne fonctionne pas, puisque le plan B (comme Bailout [renflouage, ndlr.] à la mode 21 juillet) ne fonctionnera pas… il faut envisager un plan C (comme Conversion du FESF).

C’est là que la rigidité germanique se sent mise au défi. Pas question de lâcher sur les grands principes — et notamment celui qui veut que le Vice ne puisse éternellement compter sur les largesses financières de la Vertu.

Wolfgang Schaüble, le ministre des Finances allemand, et Philipp Rösler, le ministre de l’Economie, soutiennent qu’il est inutile de transformer le FESF en banque d’investissement afin de lui procurer un meilleur levier. Cela au prétexte que les pays membres de l’Eurozone pourraient perdre leur « triple A » s’ils mettent les doigts dans l’engrenage.

Pour les marchés, il apparaît que les trois quarts des membres de l’Eurozone qui en bénéficient encore le perdront avant fin 2011 si le système bancaire européen n’est pas consolidé d’ici la mi-octobre… En effet, en l’état actuel de ses moyens financiers (440 milliards d’euros), le FESF servira à rien en cas de contagion de la crise grecque à la dette italienne.

▪ Cette crainte a brusquement refait surface jeudi vers 16h (relire notre analyse sur le rôle de Philip Rösler dans la déprime des marchés) et s’est amplifiée au fil des heures vendredi.

Tout cela s’est conclu par une séance calamiteuse à Wall Street. Les trois principaux indices américains ont terminé non seulement sur une vague de liquidation d’une ampleur inattendue, mais également au plus bas du jour, enfonçant des supports techniques importants.

Le Dow Jones a décroché sous les 11 000 points. Le S&P a plongé de 2,5%. Le Nasdaq a dévissé de 2,6% à 2 415 points, cassant le support oblique court terme des 2 450 points.

Autre symptôme très inquiétant, l’indice VIX de la peur a bondi de 10% pour revenir au contact des 43 — c’est-à-dire pratiquement le pire niveau observé depuis le 10 août dernier.

Le Dow chute de 12% sur le trimestre écoulé, le Nasdaq de 13%. 48 heures auparavant, le recul était contenu en dessous de la barre symbolique des 10%… et personne n’est intervenu vendredi pour empêcher la matérialisation d’une perte trimestrielle à deux chiffres.

La plus grosse surprise, compte tenu du spectaculaire redressement de la plupart des indices occidentaux mardi puis jeudi, c’est de voir le Nasdaq chuter de 2% sur la semaine tandis que le Dow Jones conserve une timide avance de 1,4%.

Peut-être ne s’agit-il que du début de l’amorce du rééquilibrage des performances de part et d’autre de l’Atlantique : les indices américains ont affiché jusqu’à +20% sur le CAC 40 ou l’Euro-Stoxx 50 au soir de la journée des « Quatre sorcières » du 16 septembre… Mais si ce n’est pas le cas, la semaine qui marque l’entame du quatrième trimestre risque d’être compliquée.

▪ Si l’on ne considère que la méforme du Nasdaq, la première hypothèse qui s’impose est celle d’ un basculement psychologique. Il s’agirait alors d’une rupture d’anticipations qui affecte particulièrement les valeurs dites de croissance, plutôt que les industrielles.

Le vent d’inquiétude proviendrait de Chine où le PMI repasse sous le seuil technique des 50, ce qui signale une contraction de l’activité.

La Chine part de très haut (10,5% de croissance) ; un score de 8,5% ou 9% apparaît encore prodigieux en regard de la stagnation qui a frappé la France au deuxième trimestre 2011.

Mais ce que le marché regarde, c’est la dynamique sous-jacente… et le ralentissement de l’activité — voulu et provoqué à coup de hausses de taux par Pékin — semble bel et bien se matérialiser depuis le début de l’été.

▪ L’autre souci quasi-obsessionnel de Wall Street reste la crise grecque. Les médias matraquent presque heure après heure que le dossier n’avance pas, en rappelant qu’il avait fallu moins de trois semaines pour que le TARP soit conçu, voté et mis en place après la faillite de Lehman.

Au bout de trois mois de discussions à bâtons rompus, pas un euro n’a encore été débloqué en faveur de la Grèce… Et la Slovaquie fait mine de vouloir faire traîner les choses (notamment la ratification du FESF) jusqu’à fin octobre.

Si tel était le scénario, l’Eurozone telle que nous la connaissons n’atteindrait pas la fin du mois, selon les plus pessimistes. Nous risquons de devoir leur donner raison si Messieurs Dobrindt et Rösler imposent leurs vues à Angela Merkel et Nicolas Sarkozy.

Les marchés l’auront fait exploser, disloquant la monnaie unique avant le 15 octobre, date du versement d’une tranche de huit milliards d’euros en faveur de la Grèce.

▪ Wall Street invoquait donc vendredi des signaux négatifs venus de l’étranger pour justifier le sell-off de la fin de séance. La publication des indicateurs américains ne justifiait guère une débâcle boursière : l’indice de confiance du consommateur calculé par l’Université du Michigan est ressorti supérieur aux attentes à 59,4 contre 57,8. De son côté, le PMI de Chicago est ressorti très supérieur aux estimations, à 60,4 contre 56,5 au mois d’août (et 51 anticipé).

Au pire, Wall Street a pu être déçu par la contraction des dépenses des ménages américains (+0,2% contre +0,4%), et des revenus (-0,1%). Enfin, l’inflation ressort comme prévu à +2,9% au mois d’août.

Cette même inflation ressort à +3% en première estimation en Europe, ce qui a déprimé le CAC 40 vendredi… Mais avec un baril repassé sous les 80 $, s’agit-il d’une menace crédible ?

Recevez la Chronique Agora directement dans votre boîte mail

Quitter la version mobile