La Chronique Agora

Les dividendes, un critère d’investissement à ne pas négliger

▪ Le mois dernier, les rendements en dividendes des entreprises américaines notées AAA ont dépassé le rendement des bons du Trésor à 30 ans ! Cela n’était encore jamais arrivé.

Même après l’envolée du marché enregistrée ces derniers jours — envolée qui a fait baisser les rendements en dividendes –, les valeurs des quatre entreprises américaines notées AAA rapportent encore près de 3% en moyenne. Ce n’est certes pas autant que le rendement des bons du Trésor à 30 ans mais c’est plus élevé que le rendement des bons du Trésor à 24 ans ou moins.

Voilà donc une opportunité de renoncer à la promesse douteuse d’un Etat en faillite. A la place, il vaut mieux investir parmi les entreprises les plus solides au monde — celles qui sont les plus capables d’expansion, celles qui sont les plus aptes à répondre aux caprices des gouvernements et de mener des opérations à chaque fois qu’elles ont besoin de le faire, de celles qui possèdent le plus de liquidités dans leur bilan. Ce sont là les entreprises qui vont être à la tête de l’économie mondiale pour les prochaines 10, 20 ou 30 années.

L’histoire des marchés d’Europe et d’Amérique du Nord ne change guère.

En Angleterre, l’indice FTSE rapporte presque 4%. Les obligations de l’Etat britannique à 10 ans rapportent moins de 3%. En France, le CAC 40 rapporte 5%. Les obligations de l’Etat français à 10 ans rapportent près de 3%. En Allemagne, le DAX rapporte 4%. Les obligations de l’Etat allemand à 10 ans, 2%. Aux Etats-Unis, le rendement du S&P 500 — à 2,08% — est plus élevé que le rendement des bons du Trésor à 10 ans pour la seconde fois seulement depuis 1958.

En fait, la plupart des entreprises américaines qui sont des leaders mondiaux paient aujourd’hui des dividendes plus élevés que les bons du Trésor long terme.

James Grant souligne ce contraste dans son édition du Grant’s Interest Rate Observer datée du 7 octobre 2011 : « il vaut mieux les actions ordinaires d’une entreprise américaine rentable et qui sait s’adapter — disons Molson Coors — que les émissions figées du Trésor US… Aujourd’hui, cette action est valorisée à 39 … à 11,1 fois les gains, avec un rendement de 3,25%. Pendant ce temps, les bon du Trésor à 10 ans, hautement inadaptables et liés aux flux négatifs de liquidité de Timothy Geithner, rapporte 1,83% [actuellement 2,03%] ».

Grant met également en avant Campbell Soup comme une alternative intéressante aux titres du Trésor long terme. Cotée à 33 $ à l’heure où j’écris ces lignes, cette action à forte valeur ajoutée se vend à 13 fois les profits croissants avec un rapport de 3,5%. « Campbell, dont les origines remontent à 1869 et qui s’est constitué en 1922, a eu l’idée brillante d’ôter l’eau des soupes en boîte. Les frais de transport économisés en conséquence étaient assez importants pour permettre une réduction de prix de 10 cents par boîte sur 30 cents« .

Depuis lors, l’entreprise a prospéré. « De 1955 jusqu’à aujourd’hui », souligne Grant, « les dividendes ont augmenté à un taux combiné de 8,9% ».

▪ Bon, je me rends compte que les dividendes semblent très ennuyeux — un peu comme regarder de la peinture sécher… Je peux presque vous entendre me dire « Ecoutez, M. Wiggin ! Ce n’est quand même pas la Grande Dépression ! Je ne veux pas investir pour des dividendes, passer mon temps à détacher des coupons d’options et stocker des haricots en boîte dans ma cave. Je veux quelque chose à forte croissance. Quelque chose de sexy ».

Ma réponse est : parfois, ce qui est sexy peut être pernicieux.

Si je vous avais dit, le 1er janvier 2000, de vendre toutes vos valeurs technologiques — ces actions de haut vol dont la valeur doublait ou triplait quasiment tous les mois — et d’investir à la place en parts égales dans trois investissements très plan-plan : l’or, les bons du Trésor à 10 ans et les bonnes vieilles actions générant des dividendes…

… Vous m’auriez regardé de travers, comme si j’avais perdu l’esprit. Vous auriez peut-être même eu pitié de moi et auriez essayé de m’offrir un conseil d’investissement intelligent. Mais rétrospectivement, nous savons ce qui s’est passé par la suite.

Les valeurs technologiques de haut vol qui constituaient le Nasdaq Composite Index se sont effondrées… et n’ont toujours pas récupéré leurs pertes, même après tant d’années. Le Nasdaq est en baisse de 28% depuis fin 1999. Même les actions à fort rendement qui composent le S&P 500 sont en baisse de 15% au cours de cette même période… jusqu’à ce qu’on y ajoute ces ennuyeux dividendes.

Si l’on inclut les dividendes, la perte de 15% du S&P 500 se transforme en un gain de 6%. C’est là encore un rendement faible sur toute une décennie, mais il démontre à quel point les dividendes ont leur importance. En fait, pendant de longues périodes dans l’histoire du marché, les dividendes ont été la seule chose qui importait.

Sans les dividendes, l’indice S&P 500 aurait produit une perte pendant 25 années, d’août 1929 à août 1954. A nouveau, sans les dividendes, le S&P 500 a produit une perte de 5% au cours des 13 années allant de septembre 1961 à septembre 1974. Mais si l’on inclut les dividendes, la perte du S&P devient un gain de 46%.

La morale de cette histoire est simple : les dividendes ont de l’importance. En fait, ils pourraient même être un peu sexy.

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