La Chronique Agora

Une dévaluation mondiale sans crise financière

Les relations de plus en plus houleuses entre la Chine et les Etats-Unis précipitent-elles la fin d’un cycle ?

Le plus grand cycle de crédit de l’histoire financière est en train de se retourner. Les relations commerciales de l’Occident avec la Chine se tendent.

Par conséquent, la Chine ne réinjectera plus une partie de ses profits sur les marchés financiers américains. Or, c’est ce qui soutenait le prix des actifs financiers. Des pertes se profilent donc, qui seront absorbées par des dévaluations monétaires.

Ce mois-ci, nous modifions notre allocation d’actifs, que nous partageons avec nos adhérents, pour refléter la nouvelle tendance à la baisse du dollar dans laquelle nous allons rentrer. Cette tendance concerne également les autres grandes devises telles que l’euro et le yen, dont nous avons parlé au mois de juillet.

Nous voulons maintenant détenir plus d’or et de métaux précieux et moins de liquidités qu’auparavant.

Notre analyste Tom Dyson et sa femme détiennent plus de 70% de leur patrimoine en or et en argent. Ils n’ont rien vendu depuis qu’ils ont initié une grosse position en 2018. Tom a recommencé à acheter de l’or récemment après une interruption au cours des deux dernières années.

Simone Wapler conseille d’adopter une attitude routinière, comme elle le fait elle-même. Elle épargne tous les mois un montant fixe avec lequel elle achète de l’or. Peu importe le cours du moment, elle fait un virement automatique. Compte-tenu de l’évolution favorable de l’or par rapport à l’euro, son allocation grossit « naturellement ».

Si une opportunité d’investissement ne donne pas de perspectives meilleures que l’or, nous n’en voulons pas. La barre est actuellement haute et c’est pourquoi Tom est si exigeant avec les actions qu’il examine. Elles ne doivent pas seulement pouvoir présenter une perspective de progression, elles doivent pouvoir progresser plus vite que le cours de l’or.

Bill Bonner rappelait récemment qu’il fallait aujourd’hui 16 onces d’or pour acquérir les actions de l’indice Dow Jones (qui est un indice pondéré de grandes valeurs plutôt industrielles). En 2018, il fallait 21 onces et en 2000, il fallait payer 40 onces.

Autrement dit, ce grand panier d’actions qu’est le Dow Jones a certes augmenté, mais moins vite que l’or.

3M, Amazon, American Express, Amgen, Apple, Boeing, Caterpillar, Chevron… Vous pouvez prendre connaissance des trente entreprises qui composent cet indice sur ce lien. C’est un panier diversifié : industries, services, finance, distribution, etc.

Finalement, le cours de toutes ces entreprises a progressé moins vite que celui de l’or. En pratique, la progression du cours des actions exprimées en monnaie est gonflée de l’inflation de cette même monnaie. C’est ce que démontre cette comparaison entre le Dow Jones et l’or : effectivement, les actions permettent d’esquiver partiellement les effets délétères de l’inflation – mais l’or reste plus efficace.

Mais alors pourquoi vouloir détenir tout de même des liquidités ? Parce que les liquidités sont une couverture. C’est une police d’assurance contre une liquidation et un krach des marchés financiers. Mais comme dit Tom : « Chaque jour qui passait, je souhaitais détenir plus d’or et moins de liquidités. Maintenant que la Fed a capitulé, il est temps de bouger.«  Nous allons y revenir, mais avant cela, quelques mots sur l’euro.

L’euro, malade de la France

Ce n’est pas parce que le dollar baisse que l’euro ne baisse pas, lui aussi. Ses perspectives sont de plus en plus mauvaises. L’Europe est en train de décrocher de l’économie mondiale. Le récent constat de Mario Draghi est accablant. Evidemment, nous ne souscrivons à aucune des solutions de Draghi : toujours plus de dettes, des subventions à l’industrie verte pour devenir un « modèle de responsabilité climatique« . Bref, plus de tout ce qui nous englue, sauf la solution qui consiste à s’attaquer aux normes et aux réglementations.

Le décrochage des finances publiques de la France est ce qui va encore plus plomber l’euro. La situation est tellement sérieuse que le nouveau Premier ministre, Michel Barnier, a sollicité un délai de Bruxelles pour la présentation de son plan de redressement budgétaire. L’objectif initial de 3% de déficit en 2027 ne serait pas atteignable.

Plus les déficits se cumulent, plus la dette gonfle, et aux taux actuels, le paiement des intérêts mettra très vite le pays à genoux. Avec un déficit probable de 5,6% en 2024, la dette augmente cinq fois plus vite que la croissance. Quant aux perspectives de croissance, elles s’amenuisent à mesure que la France se désindustrialise.

La France est un gros maillon de la monnaie unique, mais un maillon qui devient de plus en plus faible.

Revenons au grand tableau mondial qui se dessine désormais…

La fin du soutien de la Chine

Tom Dyson : « Nous venons de vivre une grande période d’expansion du crédit – la plus grande de tous les temps. J’ai passé ces vingt dernières années à essayer de comprendre ce cycle et pourquoi il durait autant. C’est profond, compliqué ; comme toutes les grandes inflations, il se renforce par des hausses de prix des actifs qui créent un sentiment de prospérité croissante, donc plus de consommation et de production, les profits et les excédents se recyclant dans les actifs, ce qui les renchérit encore, créant ainsi encore plus de richesses… sur le papier. Laver. Rincer. Recommencer. »

La relation entre la Chine et les Etats-Unis était au coeur de ce cycle. La Chine est devenue l’usine du monde. Les Etats-Unis ont pourvu à la valorisation toujours croissante des actifs. Les Etats-Unis ont acheté à la Chine. La Chine a réinvesti ses excédents sur les marchés financiers américains. Le patrimoine financier de chacun, ainsi que la consommation et la production, croissaient.

Désormais, la relation entre la Chine et les Etats-Unis se détériore. Les exportations à bas prix ont détruit l’appareil industriel américain et les emplois qu’il pourvoyait. Les médias grand public ne cessent maintenant de relayer des histoires mettant en cause la Chine.

Un article publié dans Foreign Affairs signé d’Aaron Friedberg a récemment retenu notre attention. Friedberg, professeur à l’université de Princeton, est un initié qui connaît bien le gouvernement. Il propose que les pays adeptes de l’économie de marché s’allient afin de former une « coalition de défense commerciale » contre la Chine.

L’industrie automobile mondiale sera la prochaine victime de la Chine. La Chine produit maintenant des millions de voitures bon marché, électriques ou à essence, et les exporte dans le monde entier.

Le Canada a décidé de taxer à 100% les véhicules importés de Chine à compter du 1er octobre. En substance, le Canada dit à la Chine : « Nous ne voulons pas de vos voitures. » Les Etats-Unis ont déjà imposé les mêmes droits de douane. L’Union européenne avait annoncé en juillet 2024 passer ses taxes à l’importation à 48%.

Pourquoi le Canada a-t-il subitement pris cette position ? L’industrie automobile canadienne est l’une des plus importantes du pays et emploie 120 000 personnes.

Voici un extrait d’un article de Michael Dunne, un auteur de lettres spécialisées sur l’industrie automobile qui résume bien la situation :

« La Chine produit 20 millions de véhicules par an. Deux fois plus que l’Amérique du Nord. 

Elle possède une capacité de 48 millions de véhicules, de quoi répondre à la moitié de la demande mondiale. 

Ses prix sont de 25% à 30% inférieurs à ceux de tous les autres pays producteurs. 

La Chine fournit 75% du marché des batteries électriques. 

Les subventions aux véhicules électriques sont en Chine 4 à 5 fois plus élevées que celles accordées par les pays occidentaux.

La Chine est capable de développer de nouveaux modèles dans un temps moitié moindre que celui de ses concurrents occidentaux. »

Notre analyse de la situation est simple. Le cycle est allé aussi loin qu’il le pouvait et maintenant, alors que la Chine et l’Occident sont en train de rompre leurs relations commerciales, ce cycle va se retourner. La Chine n’aura plus de profits à réinjecter sur les marchés financiers occidentaux. Nous nous attendons donc à de la déflation : les actifs vont perdre de la valeur face à l’or, qui reste la monnaie ultime.

Nous avons toujours pensé que les devises seraient les principales soupapes de sécurité qui absorberont les pertes. Nous avons appelé cela « une dévaluation mondiale synchronisée« .

Tom n’était pas certain de savoir si une crise de quelque nature déclencherait cette dévaluation. Il y a deux ans, cela paraissait probable, alors que la Réserve Fédérale passait ses taux à 5% et réduisait la taille de son bilan (c’est-à-dire qu’elle vendait des titres financiers qu’elle avait achetés pour en soutenir le prix).

En l’absence de crise, depuis que l’or a définitivement passé la barre des 2 000 $ l’once et que la Fed se prépare à nouveau à baisser ses taux, nous trouvons que nous avons trop de liquidités, d’où notre recommandation d’en transformer une partie en or.

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