La Chronique Agora

Les deux candidats aux élections américaines face aux questions des citoyens

▪ Une fois n’est pas coutume, Wall Street affiche une hausse à l’issue de la première séance de la semaine. Le Dow Jones avait aligné depuis fin mai une impressionnante série de lundis négatifs, une série noire qui s’est interrompue début octobre.

Malgré une entame de journée hésitante, les gains se sont graduellement amplifiés pour atteindre 0,65% sur le Nasdaq, 0,8% sur le S&P (à 1 440 points), 0,72% pour le Dow Jones (soit 95 points à 13 424 points).

Cette hausse, même peu spectaculaire, éloigne les trois indices de la zone un peu dangereuse dont ils s’étaient approchés vendredi.

Le second débat entre Barack Obama et Mitt Romney aura lieu ce mardi soir. La formule est cette fois bien différente du premier débat puisque c’est le public qui va passer les deux candidats à la question ; c’est un exercice dans lequel l’hôte de la Maison Blanche se montre traditionnellement à son aise.

Mitt Romney qui vient de réorienter sa campagne vers le centre — son colistier Paul Ryan se chargeant de verrouiller l’électorat ultra-conservateur et ultra-libéral déjà acquis à la cause républicaine — va devoir clarifier ses positions au sujet de l’avortement.

▪ Mitt Romney sur le grill
Ses dernières déclarations où il s’affirme comme un « pro-life » convaincu (prêt à supprimer toutes les subventions allouées au planning familial) lui aliènent une bonne partie du vote féminin.

L’autre sujet sensible, c’est celui de la fiscalité qui concerne les contribuables les plus aisés, surtout celle qui touche les 1% d’ultra-riches, c’est-à-dire ceux qui possèdent 50% des actions cotées sur le sol américain et qui sont visés par des mouvements anti-Wall Street.

Ces derniers se réclament des 99% de citoyens qui s’estiment lésés par la répartition très inégalitaire de la richesse depuis 2001.

Lorsque l’Etat tente d’assumer son rôle de soutien aux plus mal lotis, Mitt Romey, reprenant les thèses des ultra-libéraux, stigmatise — en les traitant d’assistés — les 47% d’Américains qui bénéficient d’aides ou d’allocations à des titres divers (logement, maternité, chômage notamment).

Devant le tollé médiatique qu’il a suscité, le candidat républicain a été contraint de faire machine arrière depuis que ses propos tenus devant un parterre de contributeurs à sa campagne ont été rendus publics. Il tente de convaincre les électeurs modérés, ainsi que les fonctionnaires, qu’il avait dit une bêtise, que son jugement sur la question était beaucoup plus nuancé.

Mais il pourrait être interpellé sur son rôle en tant que fondateur de Bain Capital dont les méthodes de gestion — dénoncées comme dignes de la « finance prédatrice » — ont débouché sur quelques procès retentissants. Le dernier en date a été intenté par les salariés de Samsonite.

▪ Les méthodes peu scrupuleuses de Bain Capital
Mitt Romney n’est pas le seul en cause. Il ne fait guère de mystère que l’activité de capital investissement consiste à dégager un maximum de revenus de la restructuration d’entreprises, souvent très endettées. Le tout en spoliant au passage les créanciers, contraints d’accepter de faibles dédommagements sous la menace d’un dépeçage puis d’une mise en faillite.

En ce qui concerne la chaîne de magasins Staples, présenté comme l’un des grands succès de Bain Capital — qui a multiplié sa mise initiale par sept sur ce dossier –, c’est l’illustration parfaite du déséquilibre du partage de la richesse entre l’investisseur et les salariés. Malgré des années de prospérité et de hausse des profits, Staples figure en bonne place dans le classement des grandes firmes américaines dont la grille des salaires est la plus basse, aux côtés de KFC, Mc Donald’s ou Wal-Mart.

Il serait intéressant de connaître l’opinion de Mitt Romney sur ce qui constitue le principe cardinal d’un fonds d’investissement : à défaut de sextupler sa mise (comme sur Staples), dégager au moins 15% de retour sur le dollar investi.

C’est pour illustrer le caractère exorbitant de cette exigence que nous évoquions hier ce bref moment de l’histoire boursière (à la fin des années 90) où les actions ont en effet procuré à leur détenteurs une rentabilité trois fois supérieure à la moyenne historique de 5% (sur une période longue) et de 7% (lors des récentes phases de croissance alimentées par une économie de bulle).

Pour illustrer ce paradoxe, nous avions pris pour exemple la ville de Reykjavik et de l’été le plus chaud de son histoire avec des températures moyennes de 15 degrés, alors qu’elles culminent d’ordinaire vers 10,5 degrés durant les mois de juillet et août.

Si les habitants voulaient prolonger une telle douceur sur leur ville au début de l’automne –quand les températures retombent sous sept puis cinq degrés –, ce serait techniquement possible vu le caractère volcanique de l’Islande (on y fait pousser des bananes sous serres en toute saison grâce à l’énergie géothermique et des lampes halogènes). Mais pour y parvenir, il faudrait percer des milliers de trous supplémentaires dans le sol (jusqu’aux roches proches du magma) et y injecter de l’eau afin de la rejeter directement dans l’atmosphère sous forme de vapeur.

De la sorte, la capitale islandaise se retrouverait plongée dans un brouillard permanent, certes à 15 degrés, mais qui priverait les habitants de soleil jusqu’à provoquer des dépressions et de graves troubles du comportement. Sans parler de la mort de l’ensemble des végétaux dont le cycle vital est calqué sur le cycle des saisons très spécifique de l’endroit.

Même si l’image peut vous apparaître un peu caricaturale — et elle l’est certainement d’une certaine façon –, les fameux 15% exigés font commettre beaucoup de folies aux entreprises. Extraire toujours plus de vapeur avec moins de salariés peut sembler rationnel à leur échelon individuel, mais ces déséquilibres, ajoutés les uns aux autres, se transforment en catastrophe climatique du point de vue social.

Nous doutons toutefois que le second débat entre Barack Obama et Mitt Romney se solde par une critique des dogmes monétaristes qui fondent la politique économique américaine depuis 30 ans. Les candidats pourraient en revanche discuter de l’opportunité de modifier le taux d’imposition des valeurs mobilières sur les plus-values à court et long terme.

Ce taux fut longtemps supérieur à 35% (dans les années 70) avant d’être ramené à 20% de 1981 à 1986. Il fut ensuite alourdi à 28% entre 1986 et 1997… et tout le monde se souvient que l’année 1987 — ou entra en vigueur le nouveau barème — fut celle du krach boursier.

Une année où l’impôt sur les plus-values ne rapporta rien, bien qu’accru de 40%, illustrant de façon tragi-comique l’adage selon lequel trop d’impôt tue l’impôt… Mais il ne s’agit ici que de faire un bon mot et non de démontrer la pertinence de la célèbre courbe de Laffer.

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