La Chronique Agora

De Deutsche Bank à JP Morgan, 2014 est une année funeste pour le secteur bancaire

▪ Neuf : c’est le nombre de banquiers récemment décédés… Et cela ne semble pas trop émouvoir les grands médias, excepté The Wall Street Journal qui titrait le 28 janvier : « Une série de décès parmi les travailleurs de la finance secoue Londres ».

Les banquiers avaient l’habitude de se suicider juste après les krachs mais rarement après cinq années de rebond boursier.

Etrange, quand-même : les banquiers avaient l’habitude de se suicider juste après les krachs mais rarement après cinq années de rebond boursier.

19 janvier 2014 : Tim Dickenson
Directeur de la communication de Swiss Re AG (assureur des assureurs), basé au Royaume-Uni. Les circonstances de sa mort restent à ce jour inconnues.

26 janvier 2014 : William Broeksmit
58 ans, cadre dirigeant de Deutsche Bank, trouvé mort dans son appartement londonien de Kensington. Officiellement c’est un suicide.

27 janvier 2014 : Karl Slym
51 ans, directeur opérationnel de Tata Motors, retrouvé mort au quatrième étage du Shangri-La Hotel à Bangkok.

27 janvier 2014 : Gabriel Magee
39 ans, employé de JP Morgan, décédé après une chute de 33 étages du toit du siège européen de la banque JP Morgan à Londres.

29 janvier 2014 : Mike Dueker
50 ans, chef économiste de Russell Investment, retrouvé mort dans l’état de Washington près du Tacoma Narrows Bridge après une chute de 15 mètres. La police locale a conclu au suicide. Il avait été secrétaire du vice-président de la Fed de Saint Louis.

3 février 2014 : Richard Talley
57 ans, PDG fondateur de la société Title Services, ancien directeur régional du courtier Drexel Burnham Lambert, suicidé avec sa cloueuse à son domicile du Colorado. Sa société était sous enquête.

3 février 2014 : Ryan Henry Crane
37 ans, cadre chez JP Morgan, ancien directeur opérationnel de Global Equities (placements pour investisseurs institutionnels). Trouvé pendu à Stamford, Massachussetts.

19 février : Li Junjie
33 ans, trader en devises (Forex) chez JP Morgan Hong Kong. A sauté du toit du siège de la banque alors qu’il était en conversation téléphonique sur son téléphone mobile.

19 février : James Stuart
70 ans, PDG de la National Bank of Commerce, trouvé mort à Scottdale (Arizona)

26 février : Autumn Radtke
28 ans, dirigeante de la plate-forme d’échange de bitcoins First Meta. Retrouvée morte pour une cause « non naturelle » dans une tour résidentielle de Singapour.

▪ Des angoisses judiciaires ?
La plupart de ces personnages furent laconiques et ne laissèrent pas de lettre explicative derrière eux ; visiblement la fréquentation des toits ne les a pas inspirés.

Même s’il est difficile d’établir un lien entre toutes ces morts, elles coïncident avec une multiplication des enquêtes concernant des manipulations de marché : Libor, Euribor, Forex, ISDAFix et, dernièrement, procédure du fixing de l’or à Londres.

Vous pensiez tout savoir sur Goldman Sachs ?
Erreur… les petits secrets de la « pieuvre de Wall Street » sont loin d’avoir été tous explorés !

Philippe Béchade vous en dit plus dans un rapport inédit : retrouvez-le vite en cliquant ici.

 

Les premiers résultats de cette investigation semblent pointer vers une collusion. Deutsche Bank, une des cinq banques impliquées dans cette affaire, a même engagé un conseil américain de Boston, Charles River Associates, pour l’épauler. Officiellement, le cabinet intervient pour conseiller une autre méthode de fixing et aider Deutsche Bank à vendre son siège au sein du club des cinq, qui a le privilège d’établir par une procédure auto déclarative le prix de l’or deux fois par jour.

L’industrie financière dégraisse et le secteur financier commence à subir la pression du chômage.

Le stress des enquêtes n’explique cependant pas tout. Cinq ans après la crise du crédit subprime, si les indices boursiers ont récupéré leur niveau de 2008, l’industrie financière dégraisse et le secteur financier commence à subir la pression du chômage.

▪ Les problèmes sont aussi ailleurs
L’industrie financière, bien qu’elle prétende être florissante, licencie à tour de bras, tout comme l’économie réelle. La banque d’investissement en Europe aurait besoin de se dégraisser de 20 000 employés si l’on en croit Bloomberg. Chez JP Morgan — particulièrement touchée par l’humeur suicidaire — il y aurait 8 000 chômeurs potentiels, selon la BBC. Même les grosses banques de détail, telle Rabobank, ne sont pas à l’abri : on parle de 10 000 suppressions de postes. 38 000 personnes, cela commence à faire du monde…

Mais le plus difficile à supporter psychologiquement est peut-être de travailler inutilement, voire de façon nuisible. Howard Davies, professeur à Sciences Po Paris, ancien président de l’Autorité britannique des services financiers, sous-gouverneur de la Banque d’Angleterre et directeur de la London School of Economics, vient de publier une tribune dans laquelle il réagit aux propos du gouverneur de la Banque d’Angleterre, Mark Carney, qui envisage que le poids des actifs financiers britanniques puisse atteindre neuf fois le PIB de l’Angleterre d’ici 2050. Howard Davies émet de sérieux doutes sur les bienfaits de l’hypertrophie de la finance.

La croissance du secteur financier réduit la croissance et la productivité des autres secteurs, à l’exception de l’immobilier.

Il cite trois autres études récentes qui concluent que la croissance du secteur financier réduit la croissance et la productivité des autres secteurs, à l’exception de l’immobilier. Même dans ce cas, beaucoup de projets immobiliers financés par le crédit ont un rendement nul et même négatif.

Ce dont « l’économie réelle » a besoin, c’est d’une monnaie saine, de taux d’intérêt librement fixés, de règles claires et identiques pour tout le monde.

L’économie irréelle de l’industrie financière confond accès au crédit et capital, monnaie et dette, spéculation et investissement ; elle s’est enivrée des manipulations monétaires des banques centrales et il est normal que certains se sentent déboussolés.

« L’argent : bon serviteur et mauvais maître », disait Alexandre Dumas…

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