La Chronique Agora

Dette : le grand test reste à venir pour la Fed

▪ Un rapide passage en revue de l’évolution de l’économie mondiale depuis les années 30 :

La Deuxième guerre mondiale a été le plus grand programme de "relance" de l’histoire des Etats-Unis. L’économie a connu un boom. Les salaires étaient élevés –. Mais les biens de consommation étaient rares. Une fois la guerre terminée, les économistes s’inquiétèrent : l’économie retomberait-elle en récession ?

Au lieu de ça, les soldats sont rentrés au pays, ont fondé une famille, trouvé un emploi, monté des entreprises et l’économie a connu un nouveau boom — cette fois-ci avec une production permettant d’augmenter le niveau de vie.

Cette hausse de la prospérité poussa les gens à croire qu’il n’y avait vraiment aucune limite à ce qu’ils pouvaient faire. Auparavant, les politiciens pensaient qu’ils devaient faire un choix — la guerre… ou les programmes nationaux. Lyndon Johnson décida de faire les deux : la guerre du Vietnam et la "Grande prospérité". Ces dépenses affaiblirent à tel point les finances des Etats-Unis que l’administration suivante se sentit obligée d’abandonner le lien entre le dollar et l’or. A partir de là — après août 1971 — le dollar devint "élastique". En pratique, cela signifiait qu’il n’y avait pas de limite effective au nombre de dollars que l’on pouvait créer. Il n’y avait même pas besoin de les imprimer. L’industrie financière les créait simplement en émettant des cartes de crédit et en accordant des prêts.

L’offre de crédit a été multipliée par 50 au cours des 40 dernières années. Dans les faits, les Américains ont dépensé 33 000 milliards de dollars littéralement sortis de rien

Sans surprise, ce nouveau pouvoir d’achat — que personne n’avait jamais ni gagné ni épargné — était très populaire. L’offre de crédit a été multipliée par 50 au cours des 40 dernières années. Dans les faits, les Américains ont dépensé 33 000 milliards de dollars littéralement sortis de rien. C’est cette énorme quantité de crédit qui a construit — et continue d’entretenir — bon nombre des centres commerciaux, complexes immobiliers, importations chinoises, programmes de dépenses fédéraux, guerres au Proche-Orient et nombreuses autres choses que l’on tient pour acquises.

L’économie dépend à présent de l’expansion continue du crédit (et de la dette) rien que pour faire du surplace. Il n’est peut-être pas nécessaire de le préciser, mais sans expansion du crédit, le marché boursier actuel serait kaput.

Les arbres ne vont pas jusqu’au ciel. Rien ne dure éternellement — et surtout pas une tendance financière ! Le crédit (et la dette qui en résulte) sollicite les ressources et la production. Lorsqu’on emprunte, on fait passer vers soi les ressources d’un autre. Mais il faut rembourser. Sans quoi le prêteur perdra la richesse qu’il pensait avoir… et ne vous prêtera plus rien.

▪ Un point essentiel
Il faut comprendre d’où viennent réellement les ressources en "capital". Elles sont réelles — elles représentent de la véritable épargne et de vraies ressources. Elles font partie d’une richesse qu’on ne consomme pas sur une base courante. Elles peuvent être utilisées pour augmenter la production… ou elles peuvent être consommées. Mais si elles sont utilisées plutôt que d’être investies pour produire plus, comment l’emprunteur rembourse-t-il son prêt ?

Et que se passe-t-il si le prêteur n’avait pas vraiment de capital à prêter ?

A l’état naturel, les économies inspirent et expirent. Elles se développent et se contractent

Ah, tout ça commence à devenir compliqué. Désolé, nous n’y sommes pour rien. Mais essayons de comprendre. A l’état naturel, les économies inspirent et expirent. Elles se développent et se contractent. Elles font des erreurs — de mauvais investissements, de mauvais prêts — et les corrigent. Elles augmentent le crédit et le réduisent.

Oui, le crédit est cyclique aussi. Plus on emprunte, plus il faut se préparer à rembourser. Tôt ou tard, toute dette se paie — si non par l’emprunteur, alors par le prêteur. Et à l’occasion, quand l’inflation réduit la valeur du principal, par la société tout entière.

Au cours des dernières décennies, et tout spécialement depuis le krach de 1987, chaque fois que l’économie a essayé d’expirer — expulsant le mauvais crédit, les actifs surévalués et la dette surdimensionnée — la Fed, la banque centrale américaine, s’est précipitée pour l’en empêcher. Au lieu de permettre aux prix de baisser et d’accepter les pertes, les faillites et les défauts de paiement qui accompagnent généralement une contraction du crédit, la Fed a insisté pour que l’expansion se poursuive. Cela a réduit les coûts d’emprunt, rendant plus de crédit disponible à des prix plus bas.

Ayant évité de nombreuses petites contractions, l’économie mondiale est désormais confrontée à une grosse crise. La dette planétaire totale dépasse les 100 000 milliards de dollars. Et les autorités de quasiment toutes les grandes économies tentent désespérément de faire en sorte que ce chiffre continue de grimper. Nombre de politiciens jugent désormais impensable le risque d’une contraction du crédit. Pour l’éviter, à ce jour, ils ont utilisé l’équivalent de 10 000 milliards de dollars d’assouplissement quantitatif — ce qui revient, dans les faits, à "imprimer" plus d’argent. Les autorités utilisent cet argent pour acheter des actifs, généralement des obligations gouvernementales, afin d’injecter plus d’argent dans le système financier et maintenir les taux d’intérêt proches du zéro. Jusqu’à présent, ces mesures ont permis de retarder une contraction du crédit. Depuis 2008, seul le secteur des ménages a réduit son niveau de dette. Les entreprises et les gouvernements, en revanche, ont plus de dettes que jamais. Après 65 ans, le crédit augmente encore aux Etats-Unis.

Mais le véritable test — celui de la capacité de la Fed à stopper le cycle du crédit — est encore à venir.

A suivre…

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