La Chronique Agora

Dette et déficits : les trois leçons financières que la Fed a oubliées

▪ Lorsque nous vous avons quitté hier, nous expliquions que les autorités américaines avaient désappris les trois leçons essentielles de plus de 2 000 ans d’histoire des marchés :

1) S’assurer que la devise s’appuie sur l’or (sans quoi elle perd sa valeur).

2) Empêcher le gouvernement de dépenser trop d’argent (sans quoi il causera de gros dégâts).

3) Ne pas essayer la planification centrale… surtout pas avec des prix dictés (sans quoi on se retrouve dans un pétrin qui détruit la richesse).

L’or a été retiré du dollar US selon deux mesures — une en 68… l’autre en 71.

La dernière fois que le budget fédéral américain était "dans le vert" (sans les contributions à la Sécurité sociale), Jimmy Carter était au pouvoir. Depuis, c’est le déclin.

Après 1980, quand le parti républicain est devenu le parti des dépensiers, tout espoir de contrôler les déficits fédéraux a disparu. Les deux grands partis américains étaient tous deux partants pour dépenser plus que ce que le gouvernement récoltait en taxes. Les républicains voulaient dépenser pour un agenda activiste à l’étranger. Les démocrates préféraient des dépenses activistes à domicile. Il en est résulté un compromis selon lequel ils tombaient d’accord pour trop dépenser dans les deux cas.

Mais après la Panique de 97, Alan Greenspan s’est mis à gérer le prix le plus important du capitalisme : le prix du capital

Pendant ce temps, les prix ont été manipulés légèrement avant… puis lourdement après… la Panique de 1987. Nixon avait tenté le contrôle général des prix en 1971. Cela avait été discrètement abandonné puis rapidement oublié. Mais après la Panique de 97, Alan Greenspan s’est mis à gérer le prix le plus important du capitalisme : le prix du capital. Naturellement, lui et ses successeurs se sont arrangés pour le faire baisser, jusqu’à ce qu’il atteigne le zéro en 2009. C’est là qu’est resté le taux directeur de la Fed depuis cinq ans et demi.

▪ Les autorités cherchent les bulles
A mesure que le prix du crédit baissait, le prix des actifs grimpait. Une bulle en suivait une autre. Les technologiques en 2000. L’immobilier en 2007. A présent, tout ou presque enfle à vitesse grand V. Même les prix à la consommation commencent à montrer des signes de gonflement.

Cette inflation, c’est plus ou moins ce que recherchaient les autorités. Elles voulaient tromper l’économie et lui faire croire qu’il y avait plus de "demande" qu’il n’y en avait vraiment. Elles voulaient aussi que les gens pensent qu’ils étaient plus riches qu’ils ne l’étaient en réalité.

Les autorités ont été récompensées par une spéculation galopante, des prises de risques démesurées, de la complaisance et des distorsions grotesque

Sur ce dernier objectif, les autorités ont été récompensées par une spéculation galopante, des prises de risques démesurées, de la complaisance et des distorsions grotesques. Mettre plus d’argent entre les mains des riches a poussé ces derniers à traiter la fortune de manière quelque peu cavalière. Le trucage était en leur faveur et ils le savaient. Ils ont rapidement réalisé que spéculer sur de nouvelles distorsions était une meilleure utilisation de leur temps et de leur argent que d’investir dans la sorte d’usines, d’équipements et de nouvelles entreprises qui créeraient plus de richesse et de demande.

C’était la partie la plus imbécile du programme des autorités. En donnant l’impression que le capital réel n’avait aucune valeur (n’était-il pas proche de zéro ?), elles n’ont guère encouragé les investisseurs à en créer plus. Au lieu de ça, les spéculateurs ont pris leur argent bon marché et l’ont utilisé à diverses formes de paris et de bidouillages financiers.

Rachats, LBO, "fusacqs"… la dette des entreprises augmentait à mesure que les chefs d’entreprises inventaient de nouvelles manières d’encaisser de l’argent rapide. L’une des techniques classiques consistait à acheter une entreprise… puis faire en sorte que cette entreprise emprunte lourdement (ce que même les sociétés les plus boiteuses pouvaient faire)… et verser ensuite de gigantesques honoraires aux gestionnaires et aux manipulateurs. Les critères de prêt sont si souples… et les prêteurs si accommodants… que les escrocs peuvent s’en tirer avec n’importe quoi ou presque.

Rien de tout ça n’est très surprenant. C’est ce qui arrive quand on prête trop d’argent et que les taux sont trop bas. C’est comme vendre des diamants trop bon marché : les clients ne tardent pas à les coller sur les poches de leurs jeans.

Résultat ? Moins de vraie demande. Rappelez-vous la Loi de Say : la vraie demande provient de la vraie production — pas seulement de l’impression monétaire. Si on pouvait stimuler la vraie demande simplement en imprimant de la monnaie, nous serions déjà tous riches.

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