La Chronique Agora

Des promesses aux couleurs d'automne

"Vous y croyez, vous, à la baisse du chômage ?"

Ainsi m’interpellait un de mes voisins, avec qui j’échange parfois quelques propos sur ce sujet qui l’intéresse beaucoup, et pour cause, puisqu’il fait partie de l’armée des chômeurs — une formation importante que certains hommes politiques voudraient pourtant nous faire prendre pour quelque bataillon d’Afrique en mal de reconversion.

L’arbre qui masque la forêt
"J’ai la nette impression qu’on nous prend pour des benêts", a ajouté mon voisin, "et toutes ces statistiques qu’on nous jette en pâture me paraissent suspectes — sans parler de tous ces discours à l’optimisme douteux".

Eh oui, le bon sens est parfois tout près de chez soi, même si ce n’est pas forcément celui auquel on pense ! De fait, les Français se méfient des discours triomphalistes et des promesses de lendemains qui chantent (juste ?) proclamés par notre Premier ministre et notre ministre des Finances — ce dernier endossant un rôle qui lui va comme un gant : l’annonceur de bonnes nouvelles.

Vraiment, l’automne des promesses a de bien belles couleurs : tout va bien, braves gens, dormez en paix, les clignotants sont au vert, et la croissance, telle une enfant prodigue, revient au bercail.

Bien entendu, je suis comme tout le monde : je me réjouis de voir le chômage baisser, ou la conjoncture aller en s’améliorant. Mais sans vouloir me montrer particulièrement pessimiste, je me pose la question suivante (que vous vous posez peut-être aussi) : ne met-on pas la charrue avant les boeufs ?

La croissance à qui l’on devrait ce retournement de situation reste modérée… et fait preuve en outre d’une certaine fragilité. Ne serait-ce pas l’arbre qui masque la forêt ?

Croissance sous surveillance
A y regarder de plus près, force est de constater que le rebond du second trimestre tient en grande partie au renouvellement des stocks, grâce au soutien de la consommation des ménages, ces derniers étant friands de "produits importés". Notez les guillemets, parce que c’est le terme qui fâche : notre balance commerciale est dans un état préoccupant de déficit avancé.

En d’autres termes, le volume des produits importés augmente tandis que notre production intérieure reste insuffisante. Dans ces conditions, comment assurer la pérennité de la consommation ? La réponse est simple — mais grave : les Français puisent dans leur épargne et utilisent le crédit de façon abusive pour compenser l’érosion de leur pouvoir d’achat.

Un chiffre va vous faire toucher du doigt la réalité : la dérive constatée sur le crédit s’est déroulée à un rythme trois fois supérieur à celui de la croissance du PIB. Et bien entendu, les stratèges politiques de tous bords font entendre un silence assourdissant sur le sujet.

Je ne conteste pas que la croissance française se soit améliorée ; par contre, je me demande jusqu’à quand — et à quel rythme — elle se poursuivra. Et là, cher lecteur, la boucle est bouclée : sans croissance, pas d’emploi.

D’autant que la diminution du nombre de chômeurs tient aussi au fait que les listes ont été revues et corrigées — autrement dit : purgées — pendant que les diverses aides et allocations se multipliaient à foison. Résultat, on a bien enregistré une diminution du nombre de chômeurs, mais à quel prix pour le pays ? L’endettement de l’Etat est devenu pharaonique.

Les Français se rendent bien compte qu’à l’approche des élections présidentielles, notre Premier ministre fait du zèle et se montre généreux en promettant beaucoup. Malheureusement pour lui, un brouillard automnal se lève sur l’économie nationale et complique l’analyse de la tendance de fond. Or c’est bien connu, lorsqu’on manque de visibilité, on se montre plus prudent — et les bonnes paroles ne suffisent plus pour avancer avec assurance. C’est en général à ce moment-là que le scepticisme s’installe…

Retraite fiscale
Enfin une bonne nouvelle relative au sujet de la taxation de l’assurance- vie, dont je vous ai entretenu le mois dernier. Devant la levée de boucliers des assureurs, des représentants d’assurés et de la presse, le fisc a battu en retraite à une vitesse surprenante. Dans ce domaine aussi, l’approche des élections présidentielles aura sans doute joué ; le gouvernement a dû se rappeler (enfin !) que les assurés sont également des électeurs… et qu’à force de tirer sur la corde, on finit par la casser.

On aimerait tellement croire à un éclair de lucidité… mais cette recette n’est abandonnée qu’en apparence : nul doute que les forces vives de Bercy se sont déjà remises au travail pour trouver le moyen de récupérer les deux milliards d’euros et des poussières qui manquent à l’appel.

Contribuables, mes frères, restez sur vos gardes… le danger rôde toujours !

Encore une poussée de fièvre ?
De nombreux experts, analystes, gourous en tous genres — bref, de véritables médecins ès Finances — ont ausculté les marchés financiers pour diagnostiquer, ou non, une éventuelle poussée de fièvre boursière dans les prochains mois. Voyons cela d’un peu plus près…

Après une phase euphorique qui a porté notre indice à un peu plus de 5 200 points, le froid a succédé au chaud… et une correction s’est produite, sans toutefois être trop excessive. Les résultats semestriels des sociétés du CAC 40 se sont révélés remarquables pour beaucoup d’entreprises ; des records ont été battus, ce qui a remis le marché sur de bons rails.

Des raisons d’y croire
Aux Etats-Unis, le Dow Jones a repris des couleurs… au point que toute nouvelle poussée un peu importante lui ferait atteindre — voire dépasser — son record absolu. Il faut préciser que 71% des sociétés du S&P 500 ont publié des résultats supérieurs aux attentes ; au vu de plusieurs éléments, il est possible que le marché fasse un nouvel accès de fièvre.

Tout d’abord, les taux américains ont tendance à se stabiliser. Ils pourraient même baisser si les tensions inflationnistes se calmaient au moins pour quelque temps — ce qui redonnerait du tonus aux investisseurs. N’oublions pas non plus le pétrole, qui est revenu nettement sous les 70 $ : cela ne peut qu’avoir un effet favorable sur la production industrielle en diminuant les coûts.

Permettez-moi d’ouvrir ici une parenthèse pour placer un bémol : rien ne dit que cette baisse soit durable. Après tout, l’hiver approche — et il suffirait de quelques tensions dans un pays producteur, voire une baisse de production suite à un conflit armé, pour que les prix remontent très vite, tant la demande est soutenue. Fin de la parenthèse…

Vous le savez bien, quand Wall Street est à la hausse, les autres places mondiales ont une forte tendance à suivre le mouvement — et même à l’amplifier
, pour certaines. Fait nouveau, les anticipations de résultats pour 2007 s’améliorent au fil du temps, laissant penser que le vent du pessimisme automnal a faibli. On voit fleurir ça et là des rapports d’analystes qui vont jusqu’à prévoir une hausse de 20% des Bourses mondiales d’ici à douze mois. Tout est possible, évidemment… mais sur quoi ces prévisions se basent-elles ?

Curieusement, pour un petit nombre, les raisons conjoncturelles classiques ne sont pas les seules à faire pencher la balance : on peut y ajouter un phénomène bien particulier, qui semble pourtant peu favorable à une phase haussière. Il s’agit principalement des ventes réalisées par les épargnants sur leurs fonds investis en actions.

Je devine votre surprise… mais les faits sont là : statistiquement, ces retraits annoncent souvent un mouvement de reprise des Bourses assez marqué. Et justement, ces derniers temps, on a vu un grand nombre de ces ventes réalisées par les épargnants…

Notre automne tiendrait-il alors ses promesses ?

 

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