La Chronique Agora

Des cailloux en Alaska

** Je suis en Alaska, et je regarde des cailloux.

– Je me suis rendu dans cette région glaciale pour participer à un voyage d’étude géologique, où nous observons les roches, les minéraux et les ressources énergétiques… depuis la péninsule de Kenai, au sud, jusqu’à Prudhoe Bay et l’océan Arctique au nord. Je suis en compagnie d’un groupe de géologues incroyablement intelligents et doués — parmi lesquels le célèbre Gil Mull, qui faisait partie de l’équipe de Richfield Oil (devenue ARCO) qui a découvert le champs de pétrole de Prudhoe Bay et ses 15 milliards de barils en 1967.

– Dévoilons tout de suite la fin de l’histoire du premier puits dans la région de Prudhoe Bay : pour le "puits de découverte" de l’une des plus grandes trouvailles pétrolières de l’histoire, Gil et son équipe ont foré dans une calotte gazeuse de 90 mètres, au sommet d’une structure profondément enterrée, reposant sur des dizaines de mètres de grès et de conglomérat saturés de pétrole. Plusieurs mois plus tard, lorsqu’ils ont foré le puits de confirmation, 11 km environ sur le flanc de la structure, ils ont trouvé plus de 120 mètres de colonne pétrolière dans les roches. Gil nous a décrit comment, durant une opération de forage, ils ont retiré la sonde du tube de forage, et, dit-il, "ça a simplement coulé — du sable, des cailloux et du pétrole, à 82°C environ, coulant et fumant sur la plateforme de forage".

– Oui, Gil a eu la chance de faire partie du groupe qui a trouvé le plus grand champ de pétrole jamais découvert aux Etats-Unis ou au Canada — 10 milliards de barils environ, pensait-on à l’époque (on sait à présent qu’il était bien plus vaste, frôlant les 15 milliards de barils). Mais le champ de Prudhoe Bay n’a été développé uniquement à cause de sa taille. S’il avait été plus petit, cela n’aurait pas été profitable, parce qu’il n’y avait pas d’autres infrastructures en place dans cette région sauvage et éloignée de tout. L’étape suivante fut de construire une route et le pipe-line adjacent — ce qui nécessita une loi de la part du Congrès US et un total de 11 milliards de dollars de 1970.

** Pourrions-nous faire la même chose aujourd’hui ? Et — devons-nous demander — est-ce que cela en vaudrait la peine ? Pour reformuler la question, d’où proviendront les prochains 15 milliards de barils de pétrole brut… et combien coûteront-ils ?

– Dans un monde où les ressources pétrolières sont en déclin constant, tandis que la demande augmente sans cesse, la hausse des prix du pétrole semble inévitable… surtout lorsqu’une grande partie de ces ressources repose à des centaines de mètres sous des terres inhospitalières.

– Le pétrole brut continuera d’arriver depuis des pays lointains, mais il ne sera pas bon marché. En d’autres termes, les prochains litres d’essence ne seront pas aussi économiques que les précédents.

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