La Chronique Agora

La démographie : un moteur de croissance… mais un moteur à explosion

▪ L’explosion démographique… Voilà un terme utilisé couramment sans que l’on y prenne garde. Pourtant les mots ont un sens : le terme « explosion » dévoile l’idée d’une bombe, peut-être à retardement, qui aurait une conséquence dévastatrice. Une menace qu’il faut prendre au sérieux. Paradoxalement, et contrairement à ses homologues militaires, cette explosion est insidieuse.

Au fait, l’explosion s’est-elle déjà produite sans qu’on y prenne garde ? Ou bien va-t-elle se produire (et accessoirement quand) ?

La population mondiale est tout de même passée de moins d’un milliard à la fin du XVIIIe siècle à 6,5 milliards au tournant du XXe siècle, sans trop émouvoir ni les politiques, ni les économistes. Pardi ! Cette augmentation de la population a été un formidable moteur de croissance… tant que les ressources naturelles nécessaires ont été pléthoriques ou sont demeurées suffisantes en apparence, comme à l’heure actuelle.

▪ Une erreur de l’ONU qui aura des conséquences

Figurez-vous que l’ONU s’est trompée. Du moins, dans son rapport sur le sujet publié le 3 mai dernier, elle fait son acte de contrition en reconnaissant avoir surestimé la baisse de la fécondité en Afrique et en Asie.

Du coup, l’ONU, qui estimait que la population mondiale se stabiliserait en 2050 à 9,15 milliards d’individus, pense maintenant qu’elle sera de 9,3 milliards : 150 millions de plus, une bagatelle, quoi ! Et l’ONU estime que la population de la planète va continuer à croître jusqu’en 2100 où elle atteindrait 10,1 milliards.

Je suis sûr que, comme moi, ces prévisions vous laissent rêveur : comment peut-on sérieusement imaginer combien d’individus seront sur Terre dans 90 ans ? Nul doute que les modèles mathématiques ont tourné pour arriver à ce chiffre, mais que d’aléas d’ici cette date ! C’est faire abstraction des guerres, des épidémies, des accidents naturels ou autres, et de la faim. Ces prévisions sont donc hautement sujettes à des variations au fil de l’eau.

Quoi qu’il en soit, une chose est sûre : la population mondiale croît inexorablement et tout investisseur doit sérieusement réfléchir à ce que cela implique.

Il y a trois ans, j’avais consacré un dossier de Défis & Profits à la surpopulation et aux risques qu’elle présentait. L’essentiel de ce que j’y écrivais est toujours d’actualité. En pire… Jetez un oeil sur un de mes indicateurs favoris : sur le site de l’INED (www.ined.fr), le compteur de la population mondiale est à 6,990 milliards. Il était de moins de 6,8 milliards en décembre 2008 !

Le New York Times nous rapporte que Mme Zlotnik, directrice de la division Population à l’ONU, a déclaré : « si leur fécondité [N.D.L.R. : celle des Africains et des Asiatiques] ne diminue pas dans les proportions que nous avions prévues, ils pourraient connaître de sérieux problèmes ». Eh oui, les êtres humains ne sont pas des robots programmés — surtout en matière de reproduction — et échappent aux modèles mathématiques de la technocratie, ridiculisant les prévisions des bureaucrates. Quant aux « sérieux problèmes » que pourraient connaître ces populations, ils seront aussi les nôtres, globalisation oblige.

L’ONU s’était déjà trompée en 2000 en minorant de 70 millions la population mondiale qu’elle prévoyait en 2010. Il est vrai que ce n’est pas simple, compte tenu de la fiabilité douteuse des statistiques dans certaines régions, mais les gouvernements comme la plupart des organismes internationaux (à l’exception notable de la Food and Agriculture Organization ou FAO) ont l’habitude de voir le verre à moitié plein plutôt qu’à moitié vide : c’est toujours the best case que l’on retient comme scénario. Ce n’est pas une mauvaise chose d’envisager l’avenir avec optimisme, à condition d’avoir une stratégie de repli, juste au cas où… Or le taux de fécondité reste supérieur à celui du strict renouvellement des générations dans de nombreux pays.

Dans ces pays de l’ancien Tiers-Monde, qu’ils soient pauvres ou aisés, la baisse de la natalité s’est arrêtée, et même inversée au Nigéria, au Tchad, au Kenya. Naturellement, ce n’est pas une fatalité, il existe des politiques démographiques pour endiguer ce flux de croissance, et pas forcément de manière coercitive. Mais il y faut une volonté politique d’abord, soutenue par des moyens économiques, logistiques, financiers, qui font souvent défaut. Et puis, traditions et cultures sont souvent des barrières insurmontables, sauf à très long terme.

▪ « A long terme nous serons tous morts » (Keynes)

A très long terme, oui… mais cela n’empêche pas de jeter un oeil sur cet horizon éloigné pour anticiper ce qui va se passer d’ici là et en profiter dans des délais raisonnables.

L’ONU, toujours conservatrice, s’attend à une population africaine de 3,6 milliards en 2100, soit plus du tiers de la population mondiale. Le Nigéria, un pays africain parmi les plus riches, renfermerait, si je puis dire, plus de 154 millions de personnes. Pensez qu’en 1960, il y en avait 45 millions ! En quelques décennies, elle a plus que triplé. Si ce phénomène continue, imginez ce que cela implique au niveau des infrastructures nécessaires, des problèmes sanitaires, à l’approvisionnement en eau et en denrées alimentaires…

Franchement, en laissant de côté tous les aspects moraux et humanistes que l’on peut appliquer à ce phénomène de croissance de la population mondiale et en restant dans une rationalité sévère, cela pourrait bien s’avérer être une catastrophe pour les ressources naturelles de la Terre dans leur ensemble.

Car cette augmentation de la population, si hétérogène soit-elle, s’accompagne d’une élévation du niveau de vie (et c’est tant mieux), tendant à s’aligner sur celui de l’Occident. Au passage, si la théorie actuelle sur le réchauffement de la planète (dû à l’activité humaine et à la consommation) est exacte, nous allons vers des lendemains aussi préoccupants que chauds.

L’élévation du niveau de vie engendre une pression sans précédent sur les matières premières qui entrent dans la production des biens de consommation ou d’équipement. Je ne vais pas ici les énumérer, mais encore une fois, pensez au pétrole en premier lieu, aux métaux. Voilà de quoi conforter vos investissements dans le secteur énergétique.

Grâce aux améliorations des transports et des communications, de plus en plus de gens des pays émergents, autrefois isolés de l’économie mondiale dans de vastes territoires, sont en train de s’y intégrer. A l’évidence, la population mondiale, et notamment celle des pays émergents, opte pour une rapide urbanisation, dont l’une des conséquences est la disparition progressive des terres agricoles de proximité.

Naturellement, il y a aussi des aspects positifs. Un plus grand nombre d’habitants est un important facteur d’accélération de l’économie d’un pays. Une main-d’oeuvre conséquente et si possible formée est un facteur clé pour attirer les investissements étrangers, spécialement dans l’industrie manufacturière. L’investissement est aussi attiré par la masse du marché de consommation que représente un pays très peuplé : regardez la présence de McDonald’s chez les émergents, ou celle des constructeurs automobiles.

Finalement, l’idée est simple : l’augmentation massive de la population mondiale est une certitude. Cela se traduit par une augmentation tout aussi certaine de la demande pour les années à venir et, sauf à trouver les moyens de produire plus et moins cher, dans des proportions considérables, l’augmentation des prix est pratiquement certaine. Une question se pose immédiatement : sera-t-elle soutenable ?

Donc, en synthèse, la population est condamnée à augmenter vigoureusement, même si le rythme s’est ralenti à 1,1% par an, contre en moyenne 1,9% entre 1950 et 1975. Cela fera quand même 20% de personnes en plus en 2030 !

Dès lors, il est clair que l’accroissement du prix des ressources dans leur globalité, observé depuis 2002, ne fait que commencer. La quasi-totalité des matières premières est concernée et vous ne serez pas surpris d’y retrouver en premier lieu le pétrole et ses dérivés, le gaz, les métaux et bien sûr, l’alimentation.

[NDLR : Ces tendances sont inéluctables… et irrépressibles. Pour un investisseur, ce sont des évolutions dont il faut tenir compte. Suivez les conseils de Jean-Claude pour mieux anticiper les bouleversements qui se préparent — et exploiter tout leur potentiel.]

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