La Chronique Agora

Délit d’initié dans l’univers des cryptomonnaies

De Celsius à Coinbase, il est l’heure de rendre des comptes dans l’univers des cryptomonnaies…

Mon conseil est de vous faire la main gentiment dans l’univers des cryptomonnaies pour l’instant. Ne prenez pas trop de risques. La plupart des cryptomonnaies actuelles ne vaudront plus rien dans quelques années. Les cryptomonnaies sont fascinantes sur le plan intellectuel. Mais je pense qu’il serait peu judicieux d’investir beaucoup d’argent dedans. Du moins, pas encore… 

~ Bill Bonner, 31 décembre 2018 

L’univers des cryptomonnaies est sans foi ni loi, ou presque. 

Tout le monde s’en donnait à cœur joie lorsque les cours augmentaient. Mais lorsque les cours ont commencé à baisser, tout le monde demandait l’intervention du shérif. MarketWatch 

« Une fraude est une fraude » : Un ancien responsable de Coinbase est inculpé dans ce qui constitue le premier cas de délits d’initié dans l’univers des cryptomonnaies 

Ishan Wahi est accusé d’avoir informé son frère et un ami sur les prochaines cotations de cryptomonnaies, informations grâce auxquelles ces derniers auraient réalisé des transactions qui leur auraient rapporté 1,5M$. 

Un ancien responsable produit de Coinbase a été inculpé de délit d’initié. Il s’agit d’une première dans l’univers des cryptomonnaies. Il aurait transmis à son frère et à un ami des informations privilégiées sur de futures cotations d’actifs qui n’avaient pas encore été rendues publiques. 

Ishan Wahi, 32 ans, de Seattle, travaillait comme responsable produit chez Coinbase Global, la plus grosse plateforme d’échange de cryptomonnaies des États-Unis. Il faisait partie d’un petit groupe de salariés qui recevaient en avance des informations sur les actifs sur le point d’être cotés sur la plateforme. 

Les procureurs fédéraux en charge de l’affaire ont expliqué qu’entre août 2021 et mai 2022, Ishan Wahi avait informé son frère, Nikhil Wahi, 26 ans, de Seattle, et son ami, Sameer Ramani, 33 ans, de Houston, sur des cotations imminentes d’actifs. Ces derniers auraient utilisé les informations pour placer des ordres favorables avant les cotations. 

Les procureurs ont déclaré que Nikhil Wahi et Sameer Ramani auraient placé 14 ordres qui leur auraient rapporté 1,5M$ de manière illégale. Les trois hommes ont été inculpés de fraude informatique et de complot de fraude électronique. Ils encourent 20 ans de prison s’ils sont reconnus coupables.

« Lorsque le vent souffle assez fort, même les dindes volent », dit un vieux dicton. 

Dindes volantes 

L’engouement irrationnel pour les cryptomonnaies fait que l’on compte désormais 10 000 cryptomonnaies différentes. Ces cryptomonnaies n’ont aucune raison d’être. Elles ne servent à rien, n’offrent aucun produit ni service. Elles prétendent être une nouvelle forme de monnaie. Mais quel genre de monnaie peuvent-elles bien être si on peut les créer à volonté.   

Personne n’a voulu poser cette question. Cela n’avait pas d’importance, visiblement. Et personne ne semblait se préoccuper du fait qu’il s’agissait de pyramides de Ponzi. Du moins, pas tant que cela leur rapportait de l’argent. Mais le problème des pyramides de Ponzi, c’est qu’elles finissent toujours par s’effondrer.  Et lorsque les nouveaux investisseurs ont arrêté d’affluer, les investisseurs de longue date se sont sentis floués. Ils pensaient que les cryptomonnaies étaient de la monnaie et que leurs jetons étaient des investissements. Bloomberg : 

Un ancien employé de Celsius, une entreprise spécialisée dans le prêt de cryptomonnaies qui a fait faillite, poursuit l’entreprise en justice, au motif qu’il s’agirait d’une pyramide de Ponzi

Jason Stone, le PDG et co-fondateur de l’entreprise de finance décentralisée KeyFi, rachetée par Celsius en 2020, a déposé une plainte à New York jeudi dernier. Son équipe a reçu l’ordre de collecter « des centaines de millions de dollars de dépôts de clients » de Celsius pour investir… Jason Stone accuse Celsius d’avoir mis en place des mécanismes de sécurité et de gestion des risques défaillants. Il déclare que Celsius doit désormais de l’argent à son entreprise et des centaines de milliers de clients. 

Lorsque quelque chose semble être trop beau pour être vrai, ce n’est généralement ni beau ni vrai.  Et lorsque nous avons entendu parler pour la première fois de comptes cryptomonnaies qui rapporteraient jusqu’à 18% sous forme d’intérêts, nous savions qu’il y avait anguille sous roche.    

Nous avons dit à des collègues : « Nous ne savons pas d’où ils tirent cet argent, mais ce ne sont pas des intérêts ».   

Désormais, la fraude est dévoilée au grand jour. Celsius Network promettait un taux d’intérêt de 18%. L’argent provenait des cryptomonnaies placées en dépôt, que l’entreprise était censée ‘prêter’ pour financer d’autres projets de cryptomonnaies. Il faudra attendre les conclusions de l’enquête, mais il semble que l’entreprise était une pyramide de Ponzi. Elle prenait l’argent de ses clients et l’utilisait pour parier sur d’autres cryptomonnaies. Tant que les rentrées d’argent étaient supérieures aux sorties de capitaux, elle pouvait verser un taux d’intérêt de 18% à ses clients.     

La spirale infernale

Comme une dinde volante, Celsius est parvenue à se maintenir en l’air… Jusqu’à ce que le vent tourne. Mais lorsque les clients ont voulu récupérer leur argent, l’entreprise est partie en chute libre. Le marché s’est effondré. Ses paris se sont retournés contre elle. L’entreprise a subi « d’importantes pertes de change ». 

Du moins, c’est ce que nous pensions. Mais la vérité est plus complexe et beaucoup plus intéressante. Elle montre ce qu’une poignée d’individus sans foi ni loi peuvent faire dans l’univers des cryptomonnaies. Car si nous avons bien compris, l’équipe Celsius pariait sur une baisse des cryptomonnaies, pas sur une hausse. Ils pensaient avoir trouvé un nouvel angle pour rendre leur pyramide de Ponzi encore plus rentable. 

Il était évident (comme nous l’avions anticipé en 2018) que la plupart des cryptomonnaies perdraient la totalité de leur valeur. Or, Celsius semble avoir trouvé le moyen d’en profiter (pour ses dirigeants, pas pour ses investisseurs) en anticipant le chapitre final. La combine était simple comme bonjour. L’entreprise conservait ses passifs sous forme de cryptomonnaies (elle devait être en mesure de restituer les jetons à ses investisseurs). Parallèlement, elle convertissait ses cryptomonnaies en dollars et les utilisait pour empocher des dollars.   

C’est une arnaque très ingénieuse. Concrètement, vous empruntez un million de dollars en cryptomonnaies (en promettant un rendement de 18%). Vous pariez sur le fait que les cryptomonnaies ne vaudront plus rien. Le cas échéant, nous n’aurez pas à rembourser l’argent emprunté. Vous empochez ensuite l’argent et l’investissez pour gagner de l’argent réel. 

Cela aurait pu fonctionner. Mais il aurait fallu que les choses se passent comme prévu. Mais les cours des cryptomonnaies ont évolué dans le mauvais sens : ils ont augmenté durant la période concernée. Or, plus la valeur des cryptomonnaies augmentait, plus Celsius était endettée. Lorsque les investisseurs se sont rendu compte de la supercherie, ils ont voulu récupérer leurs jetons (qui valaient alors plus que leur investissement initial)… Et sans tarder. 

Malheureusement, Celsius n’avait pas l’argent. 

Cordialement, 

Bill Bonner 

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