▪ Nous continuons de tout regarder, sans rien occulter, alternant les bonnes comme les mauvaises lectures.
Les bonnes s’étalent à la une de tous les médias financiers. Les marchés manifestent un immense soulagement après la confirmation du contournement de la falaise fiscale.
Avouez que le suspense fut insoutenable et que ça s’est joué à rien. Le Sénat a adopté le compromis avec 89 voix pour et 8 contre — soit un taux d’approbation ric-rac de 90%.
Et puis, il y a les mauvaises lectures. Comme le constat désabusé de Joseph Stiglitz : « il n’existe aucun signe de sortie de crise en Europe ».
Le genre d’écrits dont les marchés se moquent totalement, tout comme de savoir sur quoi débouchera une série de 24 séances de hausse sur 30 et alors qu’un huitième mois de hausse démarre sur les chapeaux de roue.
▪ 2013 démarre fort pour le CAC 40 !
Après sept semaines de hausse un peu paresseuse, les indices boursiers accélèrent la cadence et le CAC 40 a fini au plus haut du jour (2,55%), son meilleur score depuis le 2 août 2011. Il a ainsi réalisé le même score que le 3 janvier 2011 : une envolée de 2,53%.
L’envolée des cours s’effectue plus que jamais dans le vide à Paris avec moins de 1,8 milliard d’euros échangés entre 9h et 17h30 et 2,45 milliards d’euros au fixing. La première séance de l’année aurait pourtant dû être caractérisée par de vrais flux acheteurs, mais une fois encore, ce mercredi a été caractérisé par l’évaporation des vendeurs.
Même scénario sur les autres places européennes. Pratiquement aucune activité mais une flambée de 2,85% de l’Euro-Stoxx 50 (revenu à plus de 2 710 points, au plus haut depuis le 1er août 2011) tandis que Milan et Madrid affichaient des gains respectifs de 3,8 et 3,4%.
Tout le monde affiche un large sourire. Peu importe que les raisons du rally soient ou non crédibles, à cheval donné, on ne regarde pas les dents !
Pour ceux qui veulent briller devant leurs correspondants et ne pas se contenter d’avouer qu’ils se laissent porter par une vague qu’ils n’ont ni anticipée ni même vue venir, il est de bon ton d’invoquer le retour de l’appétit pour le risque. Comme personne ne comprend ce que ce concept fumeux recouvre, cela vaut toutes les explications du monde.
Parmi les professionnels qui vivent une période de béatitude sans équivalent depuis 15 ans, lesquels se soucient de connaître l’identité des (rares) véritables acheteurs (et leurs motivations) alors que le scénario haussier robotique perdure depuis la mi-novembre ?
Le ratio de gérants qui se déclarent haussiers dépasse les 80%. C’est le plus élevé des 30 dernières années et il n’a jamais été observé avec une croissance zéro en Europe et de 2% aux Etats-Unis — sachant que 70% du PIB additionnel résulte des dépenses de l’Etat américain et non d’une hausse spontanée de l’activité économique.
Il est vrai également que jamais les taux d’intérêt réels n’ont été négatifs depuis plus de trois ans et anticipés comme tels pour encore deux ans.
▪ La falaise fiscale a fait frissonner les marchés
Pour aiguillonner les marchés, rien ne vaut un pseudo-épouvantail politico-économique comme la falaise fiscale. Jamais une légende urbaine n’avait autant fait grimper les marchés depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale!
Cela débouche nous explique-t-on sur une victoire politique pour Barack Obama qui se retrouve en position de force. Le président apparaît tout autant en position de force que la capitaine du Titanic pour faire jouer l’orchestre dans la salle d’apparat et distribuer du champagne aux passagers de seconde et troisième classe !
Le bâtiment qui fait eau de toutes parts vient de déchirer sa coque sur le mur de la dette lundi soir. Nous savons tous que l’équation budgétaire américaine est tout aussi insoluble que celle de l’Espagne ou de la Grèce.
L’avenir — personne ne veut y songer pour l’instant — dépend de la consommation des ménages américains et de la confiance des créanciers de l’Amérique.
Comment les agences de notation vont-elles apprécier le report de deux mois du débat sur la réduction des déficits… sachant que les économies évoquées sont sans commune mesure avec les vrais enjeux de réduction de la dette ?
Les hausses d’impôts votées mardi matin sont sensées rapporter 600 milliards de dollars de recettes supplémentaires sur 10 ans. Mais il faudrait 600 milliards de dollars par an pour rééquilibrer les comptes.
Les Etats-Unis se comportent comme un ado capricieux qui a plusieurs dents cariées et qui avait pris un rendez-vous chez le dentiste pour le 31 décembre.
Au programme : extraction et plombage des dents les plus abîmées ; mais à force de pleurnicheries, l’ado a obtenu la pose d’un simple pansement et la prise d’un nouveau rendez-vous pour début mars.
En attendant, les caries vont continuer de se creuser et l’abcès de la dette US de se gonfler. Ce serait un miracle si le patient échappe à l’hôpital, victime d’une bonne septicémie !