La Chronique Agora

De l’inflation à la croissance en passant par l’emploi, la relance économique ne sert à rien

▪ C’est prouvé : le président Obama est un Américain pur jus, né en Amérique.

Ouf ! Quel soulagement !

Honnêtement, nous n’avons jamais compris tout le battage autour de cette affaire. Pour nous, peu importe où Obama était né. Après tout, inutile d’avoir vu le jour aux Etats-Unis pour couler une économie. Plein d’étrangers y sont arrivés. Plein d’Américains également.

Oui, cher lecteur, M. le Marché croit en l’égalité des chances, en matière de désastres. Hommes, femmes, blancs, noirs, chrétiens, juifs, musulmans… peu importe. On récolte ce qu’on a semé — qui que l’on soit.

Voici ce que dit l’Associated Press des derniers chiffres de la « croissance » américaine :

« Le taux de croissance annuel de 1,8% enregistré durant le trimestre janvier/mars était plus faible que la croissance de 3,1% du trimestre précédent, a rapporté le département du Commerce US. Et c’était le pire chiffre depuis le printemps dernier, date où la crise de la dette européenne a ralenti la croissance au taux de 1,7% ».

« Selon le président de la Réserve fédérale Ben Bernanke et d’autres économistes, ce ralentissement est un recul temporaire. Ils s’accordent généralement à dire que les prix du carburant vont se stabiliser, et que l’économie se développera au rythme de 3% au cours de chacun des trois prochains trimestres ».

« Cependant, les prix du carburant continuent de grimper. Le marché de l’immobilier montre peu de signes de reprise. Et les législateurs proposent les coupes budgétaires parmi les plus sévères depuis une génération. Ces réductions s’insinueraient jusqu’aux gouvernement locaux, qui luttent déjà contre leurs propres crises budgétaires ».

« ‘L’économie a perdu son petit élan à la hausse, et des vents contraires comme la hausse des prix du carburant et de nouvelles coupes budgétaires suggèrent que la reprise continuera à un rythme modéré seulement à l’avenir’, a déclaré Sal Guatieri, économiste senior chez BMO Capital Markets ».

▪ Si ça continue comme ça, l’or atteindra les 1 600 $ dans quelques semaines. Et les actions ? Elles sont au-dessus du sommet atteint le 14 janvier 2000, quand le Dow avait touché les 11 723 points. Mais si l’on tient compte de l’inflation… elles sont encore largement dans le rouge.

Le grand retournement a commencé en janvier 2000, pas en 2007.

Depuis janvier 2001, ni le PIB réel des Etats-Unis ni leurs marchés boursiers n’ont enregistré de gains réels. Oh… et il en va de même pour leur main-d’oeuvre ; on ne trouve pas plus de gens travaillant aujourd’hui qu’il y a 10 ans, et ils n’empochent pas plus de revenu disponible.

Concernant les marchés boursiers, nous ne vous apprenons rien. Quant au manque de croissance du PIB US, notre vieil ami Jim Davidson souligne que même si le PIB total a augmenté… ça n’a pas été le cas pour la partie que l’on peut attribuer à l’activité du secteur privé ; elle a quasiment stagné. Et ce alors que la population augmentait de près de 10%. En d’autres termes, la production per capita du secteur privé a chuté de près de 10% depuis que le marché boursier a craqué en janvier 2000.

Ce qui est franchement dommage. Parce que ça montre que les autorités sont impuissantes. Leurs trucs de « relance » ne fonctionnent pas. L’administration Bush a réagi au petit ralentissement de 2001 avec le plus grand programme de relance contre-cyclique depuis que les Japonais ont bombardé Pearl Harbor. Si nous nous souvenons bien des chiffres, les Etats-Unis sont passés d’un surplus fédéral de 200 milliards de dollars à un déficit de 300 milliards en un an. Ce qui n’a pas servi à grand-chose. L’économie réelle ne s’est pas développée. Elle n’a fait qu’accumuler les dettes ; la dette du gouvernement fédéral a plus que triplé au cours des 10 années.

Le secteur privé ajoutait lui aussi de la dette à un rythme effréné. Si l’on y additionne la dette du secteur public, la dette totale a atteint plus de quatre fois le PIB.

Ensuite, pour relever le défi de la liquidation en 2007/2009, les autorités ont ajouté plus de cash, plus de crédit et plus d’argent facile. Même aujourd’hui, 11 ans après le début du ralentissement… et quatre ans après le début de la crise d’insolvabilité, ils injectent toujours 36 milliards de dollars par semaine de relances budgétaires (déficitaires) et 25 milliards de dollars par semaine d’impression monétaire par le biais de l’assouplissement quantitatif. Et tout ça ne prend pas en compte les prêts à taux zéro.

▪ Et à quoi est-ce que tout ça a servi ?

La dernière fois que la Fed en a parlé, elle a déclaré que la croissance de l’économie américaine était « sur un pied plus ferme ». A présent, selon la conférence de presse de Bernanke, elle est juste « modérée ».

De quoi parle-t-il ? L’économie ne va nulle part. Après 10 années de lent recul, elle commence maintenant à glisser plus vite. Les derniers chiffres montrent que l’économie américaine, durant le premier trimestre, « se développe » à peine moitié aussi vite qu’au précédent trimestre. Il faut en outre ajuster cette croissance — 1,8% selon les estimations officielles — à la croissance de la population et à une mesure réelle de l’inflation. La population se développe à un rythme de 1% environ… ce qui laisse environ 0,8% de « croissance ». Mais au cours de ce même trimestre, selon le Billion Prices Project — qui suit les prix sur Internet en temps réel –, les prix ont grimpé au taux annualisé de 7,4%. Ce qui signifie que l’ajustement effectué par le département du Travail US — 2,1% — n’est qu’un tiers de ce qu’il devrait être. Et cela signifie que l’économie réelle se réduit, per capita, d’environ 5,3% par an.

Et rappelez-vous que ce serait bien pire sans les injections vertigineuses des autorités.

« Voilà qui n’est pas très clair », a noté Elizabeth hier. « Tu dis que les autorités font une erreur. Mais tu dis aussi que ce serait bien pire si elles le la faisaient pas ».

« Oui… c’est un paradoxe, mais c’est vrai », avons-nous expliqué. « Si les dirigeants sont prêts à injecter des milliers de milliards de dollars supplémentaires dans l’économie, comme le souhaite Paul Krugman, ils peuvent faire en sorte que l’économie semble se remettre. Plus de gens auront plus d’argent en poche. Plus de gens auront des emplois. A très court terme, ça semblera aller mieux. Comme une économie de guerre. Ou une économie soviétique ».

« Mais la croissance sera bidon — construite sur des dépenses gouvernementales et un crédit insoutenable. En fin de compte, les taux d’inflation finiront par grimper — rendant tout le monde plus pauvre. A moins que le système tout entier ne s’effondre, s’enfonçant dans une dépression bien pire ».

Les autorités ont pu créer une gigantesque bulle en 2003/2007. A présent, elles mettent à nouveau les prix en ébullition. Mais il y a très peu de vraie croissance. Les gens ne gagnent pas plus d’argent. Ils ne font qu’augmenter la production réelle, ce qui ne suffit pas à suivre le rythme de la croissance de la population ou de l’inflation. Il n’y a pas de reprise. La Grande correction se poursuit.

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