La Chronique Agora

De Hoenig à Pearce, des voix s’élèvent contre la politique de Bernanke

▪ La correction observée en début de matinée mercredi ne s’est pas avérée décisive. Le CAC 40 a réussi à préserver sans trop de difficultés les 4 000 points et l’Euro-Stoxx 50 les 2 950 points. Ces deux indices ont reculé de 0,8% contre -1,25% après 90 minutes de cotation, dans des volumes relativement étoffés.

De la même façon, à Wall Street, le seuil des 1 300 points sur le S&P a été efficacement défendu. Le Dow Jones s’est maintenu au-dessus des 12 000 points malgré un petit passage à vide peu avant l’heure du déjeuner.

En dépit d’une forte hausse des stocks de pétrole aux Etats-Unis, les tensions sur le cours du baril ont vite ressurgi. Revenu sous les 100 $ à la mi-journée, il franchissait le cap des 102 $ moins de deux heures plus tard.

Les nouvelles ne sont pas bonnes en provenance de Libye. Mouammar Kadhafi mène avec les troupes qui lui sont restée fidèles (plus un renfort de mercenaires) une contre-offensive visant à reprendre le contrôle de certains champs pétrolifères. Il confirme ainsi sa promesse d’aller jusqu’au bout et de tenter d’écraser la rébellion dans le sang.

Les Occidentaux redoutent un morcellement du pays et l’instauration d’une instabilité durable qui interdirait un retour à la normale des exportations libyennes avant longtemps.

▪ Le phénomène le plus alarmant — et paradoxalement le moins commenté dans les salles de marché –, c’est le nouvel effondrement de la Bourse de Riyad. Elle a chuté de 4% supplémentaires après un surprenant -7% la veille (Dubaï a suivi avec -4,5%).

Ce mini-krach efface pratiquement les 12 derniers mois de hausse en Arabie Saoudite ; la perte dépasse maintenant les 20% depuis le 1er janvier.

Ce ne sont pas les gérants étrangers qui désertent ce marché relativement impénétrable mais bel et bien les  investisseurs domestiques. Cela suppose des ventes orchestrées par des opérateurs bien informés.

Nous brûlons de savoir ce qui les motive… mais pas Wall Street : le Nasdaq s’est empressé de reprendre 1% en l’espace de 90 minutes (avant de reperdre 0,8%), comme si l’horizon géopolitique semblait soudain moins lourd d’incertitudes.

▪ Si vous supposiez que la conjoncture américaine avait pu jouer un rôle positif mercredi, ce n’était pas franchement le cas. Ben Bernanke a averti le Congrès US que la dérive sans contrôle des déficits est porteuse de lourdes menaces de renchérissement du loyer de l’argent.

Si les taux remontent, ce ne sera pas de sa faute mais de celle des politiciens : il dément en effet avec obstination la nécessité de lutter contre les pressions inflationnistes sous-jacentes (la seule raison qu’il invoque pour envisager de changer de stratégie monétaire au cours des prochains mois).

Les cambistes font effectivement le pari que « Billion Ben » continuera de mener à toute vapeur le Titanic de la Fed (et ses 2 000 milliards de créances douteuses) droit vers les champs d’icebergs… en engloutissant chaque jour qui passe cinq milliards de billets verts dans l’insatiable chaudière spéculative de Wall Street.

Voyez le Nasdaq mardi après-midi : il était revenu à 1,5% de son zénith annuel (et historique) des 2 840 points inscrit le 18 janvier. Cela alors que le baril de pétrole vient de prendre 15% en l’espace d’une dizaine de séances et franchir bille en tête la barre des 100 $.

Cela ne trouble guère les opérateurs, qui observent simplement que depuis six mois, tout monte : il s’agit d’une sorte de « package » dont il convient de tirer le meilleur parti.

▪ Puisque le marché accepte tous les scénarios et leur contraire, les actions grimpent, les taux grimpent, les matières premières grimpent… Il n’y a que la cote de « Rotative Ben » qui semble décliner un peu — non pas auprès de Wall Street mais des propres collaborateurs du patron de la Fed.

Une illustration de la maxime romaine selon laquelle « on n’est jamais trahi que par les siens » ! En l’occurrence, c’est Thomas Hoenig qui endosse le costume de Brutus et semble faire alliance avec quelques conspirateurs du Sénat US.

Transposé en 2011, Thomas Hoenig se fait le porte-parole de parlementaires républicains conservateurs tels que Ron Paul et de ceux qui embrassent certains griefs du Tea Party (dont Rand Paul, le fils du sénateur précité) contre la Fed. Cette dernière est accusée de dilapider l’argent des contribuables pour enrichir les brasseurs d’argent qui règnent sur Wall Street… et font l’opinion dans les médias.

▪ En ce qui concerne l’inflation, dont « Deflation Ben » niait encore l’existence ce mercredi, un sénateur du nom de Steve Pearce lui a rétorqué qu’il y a désormais davantage de personnes qui croient que les extra-terrestres ont monté une équipe de basket à Roswell que de citoyens pensant que l’inflation progresse au taux officiel de 1,6%.

Steve Pearce est bien placé pour s’exprimer ainsi… puisque le comté de Roswell fait partie du district dont il assure l’administration.

En ce qui concerne le taux d’inflation réellement subi par les ménages de la classe moyenne américaine — y compris à des milliers de kilomètres de Roswell — Ron Paul (et peut-être son fils Rand) estiment qu’elle progresse à un rythme de 9%, soit le double de notre propre estimation.

La masse monétaire, que la Fed ne publie plus depuis cinq ans, exploserait à un rythme insensé de 24% par an… pour à peine 3% de croissance. Cela représente 8 $ de dette additionnelle pour 1 $ de PIB supplémentaire, au lieu d’un ratio classique de deux pour un en sortie de récession.

Le patron de la Fed met cependant la flambée du pétrole et des céréales sur le compte d’une demande mondiale structurellement plus forte, liée à la rapide élévation du niveau de vie dans les pays émergents. Ses complices de Wall Street n’y sont donc absolument pour rien.

Shanghai vient d’ailleurs de rehausser le salaire de ses fonctionnaires. La ville est en train de devenir inabordable pour les classes moyennes du fait de l’intense spéculation immobilière et de l’envol de 20% à 25% du prix de la nourriture.

Le président de la Fed n’a qu’à expédier son thermomètre en plâtre (le PCE censé mesurer le coût du panier de la ménagère aux Etats-Unis) aux autorités chinoises : l’inflation cessera immédiatement et définitivement de s’affoler dans l’empire du Milieu — qui demeure plus que jamais le principal créancier de l’Empire de la Dette.

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