Après un été calme sur les plates-formes de crowd-equity, le mois de septembre a vu l’activité reprendre et de nouveaux projets entamer leur collecte. La torpeur estivale a laissé place à la traditionnelle fébrilité de fin d’année.
A ce cycle d’investissement habituel s’ajoute, cette année, le contexte politique. Comme vous l’expliquait Simone Wapler la semaine dernière, le remaniement de l’ISF se précise.
L’année fiscale 2017 pourrait donc bien être la dernière des investissements subventionnés par l’Etat. Sur le long terme, nous nous accordons à penser que la fin de cette distorsion induite par un impôt inique ne peut être que bénéfique pour le marché de l’investissement dans les PME.
Nous devrions désormais ne plus avoir à grincer des dents en voyant des fonds d’investissement annoncer fièrement une performance de -20% devenue positive grâce à la baguette magique fiscale.
A court terme toutefois, et même si certains fiscalistes commencent à craindre une remise en cause de l’avantage procuré par les versements effectués en 2017, la fenêtre de tir reste ouverte.
Les contribuables assujettis à l’ISF restent à la recherche de véhicules d’investissement éligibles. Cet emballement de la demande, qui devrait se prolonger jusqu’à fin décembre, fausse un peu plus le jeu de l’investissement dans l’économie réelle.
Comme les achats massifs par les banques centrales sur les marchés cotés, les contribuables motivés par le seul appât de la défiscalisation hantent les plates-formes de crowd-equity. Les projets les plus douteux trouvent preneur.
Plus embêtant encore : les levées les moins ambitieuses semblent avoir la préférence des investisseurs particuliers. Afin d’avoir la certitude que l’appel de fonds sera bouclé rapidement et sans surprise, ils préfèrent participer à des projets parfois farfelus qui ne lèvent que quelques centaines de milliers d’euros que de se positionner dans des entreprises à portée industrielle.
A court terme, la stratégie est gagnante : les levées les plus modestes ont plus de chance d’être bouclées. A long terme, ces investisseurs d’un jour se privent de la possibilité de participer à de belles aventures.
Spartan, un produit à la valeur ajoutée discutable
Leur leitmotiv, « Protégez ce que vous avez de plus précieux », annonce clairement leur positionnement. Passons si vous le voulez bien sur l’aspect scientifique et médical du projet qui rend la valeur ajoutée d’un tel produit plus que discutable. Après tout, l’habillement est un marché hautement irrationnel, et les sous-vêtements blindés sont peut-être l’avenir de la mode. Qui sait.
La structure-même de la start-up rend les chances de succès bien minces. Il sera impossible à Spartan de breveter leurs produits. La marque est, aujourd’hui, inconnue du grand public.
Les fondateurs sont face à une triple difficulté : mise sur le marché d’un produit encore inconnu par la clientèle, absence d’identité forte, et barrières à l’entrée inexistantes.
Si le caleçon-cage-de-Faraday est l’avenir de l’homme, il y a peu de chances que les grands acteurs de l’habillement laissent passer leur chance. Il se vendra peut-être des millions de ces produits dans les prochaines années — mais probablement pas sous la marque Spartan.
La med-tech Poietis : une valorisation excessive
Dans un tout autre domaine, la med-tech Poietis est actuellement en levée chez Wiseed.
Son positionnement a tout pour plaire : elle développe et fabrique des tissus biologiques qui peuvent être utilisés dans les laboratoires de recherche et comme greffons sur-mesure en médecine régénératrice.
Ce type de business model est intéressant. En se plaçant en tant que fournisseur pour l’industrie médicale, Poietis s’évite les tracasseries administratives qui signent souvent l’arrêt de mort des biotech.
Si vous êtes un abonné de ma lettre Profits Réels, vous vous souvenez peut-être de Biocellvia. En début d’année, nous avons sélectionné cette med-tech qui avait un positionnement similaire dans le domaine de l’imagerie médicale.
Investir dans des biotech qui développent de nouvelles molécules ou dispositifs médicaux est un pari réservé aux investisseurs les plus joueurs. Les chances de succès sont bien minces ; les sorties positives sur les heureux gagnants ne compensent pas toujours les pertes de l’écrasante majorité des dossiers interrompus avant la commercialisation effective.
Aussi, ces med-tech qui se placent au milieu de la chaîne de valeur sont une alternative intéressante pour l’investisseur particulier… mais pas à n’importe quel prix.
Poietis, malgré toutes ses qualités, est valorisé 20 M€. C’est beaucoup, et même beaucoup trop pour une med-tech qui prévoit un bénéfice net à cinq ans de seulement 1 M€.
Les business plan annoncés lors des levées de fonds sont généralement enjolivés pour faire rêver les investisseurs. C’est tout à fait normal, et cela fait partie du jeu entre fondateurs et investisseurs.
Ce qui est moins normal, c’est de voir un compte de résultat prévisionnel qui reste dans le rouge et dont les hypothétiques perspectives de gain en fin de période ne sont absolument pas alléchantes.
Autrement dit, même si Poietis mène à bien son développement commercial et technologique, l’investisseur qui aura souscrit à une valorisation de 20 M€ ne pourra pas espérer sortir avec une belle plus-value.
Difficile donc de retenir ce dossier qui impose une prise de risque inhérente à ce type d’activité sans offrir de belles perspectives de bénéfices.
[NDLR : pour faire les bons choix et rejoindre le club des « nouveaux millionnaires », c’est par ici — ne ratez pas la prochaine recommandation d’Etienne…]