La Chronique Agora

Des lambeaux de vérité qui laissent entrevoir une réalité sordide

Parfois, les journaux laissent échapper des lambeaux de vérité. Dans ces colonnes, nous soutenons que les manoeuvres des banques centrales sont vaines et que la prospérité ne s’achète pas en fabriquant de la fausse monnaie, en rajoutant de la dette à la dette, en feignant de croire que les mauvaises créances seront un jour payées.

Mais de grands économistes ayant pignon sur rue commettent des éditoriaux pour nous démontrer que les banques centrales oeuvrent pour notre bien, que ce qui a été fait va dans le bon sens, que les statistiques sont « meilleures » à défaut d’être « bonnes ».

Que peut faire un individu contre des chiffres qui gouvernent le monde ?

Il est très difficile de se battre contre des statistiques. Que peut faire un individu contre des chiffres qui gouvernent le monde ? La statistique ne ment pas et si vous ne la vivez pas (comme, par exemple, celle de l’inflation), c’est vous, misérable individu, qui avez tort. Votre « inflation ressentie » ne colle pas avec les chiffres officiels ? Allons donc, vous n’avez qu’à consommer ce qu’il convient.

Cependant, la vraie vie – celle qui n’est pas forcément dans les statistiques – reprend de temps en temps le dessus. Le 6 février, le Financial Times publiait un article intitulé « les détaillants ressentent la pauvreté des Américains ».

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47 millions d’Américains utilisent des tickets d’aide alimentaire (officiellement Supplemental Nutrition Assistance Program) pour leurs achats d’épicerie. Ces aides vont être réduites de 8,6 milliards de dollars et Walmart a déclaré qu’une coupe budgétaire déjà réalisée l’année dernière avait pesé sur ses ventes. Chez Target, 17% des clients utilisent ces tickets alimentaires et chez Costco, c’est 13%.

Mais le plus extraordinaire n’est même pas là. Le plus étrange est que ces mêmes chaînes de distribution emploient du personnel qui utilise ces tickets. Des travailleurs pauvres. Ainsi 300 employés d’un magasin Walmart du Wisconsin ont reçu des aides sociales (entre 3 015 $ et 5 815 $) y compris ces tickets alimentaires d’une contrevaleur de 29 $ à 61 $ par mois.

Lorsque l’Amérique était un « pays émergent »

Dans l’Amérique qui était alors un « pays émergent », Henry Ford voulait que ses employés puissent être ses clients. Et il y parvint

Dans l’Amérique qui était alors un « pays émergent », Henry Ford voulait que ses employés puissent être ses clients. Et il y parvint. Les ouvriers du secteur automobile purent rouler en Ford Model T. Nous étions en 1909, ces employés étaient payés 5 $ la journée de 9h00 (contre 2,25 $ ailleurs). Henry Ford s’était rendu compte que le turn over lui coûtait cher alors que les chaînes se spécialisaient et voulut fidéliser sa main-d’oeuvre. Lorsqu’un employé avait suffisamment économisé, il s’offrait une Ford. Cash, sans crédit. La Federal Reserve n’existait pas, le dollar était une pièce en argent et les rares banquiers qui faisaient faillite se suicidaient proprement pour échapper au déshonneur (ce mot a-t-il encore un sens ?).

Evidemment, toutes les entreprises ne peuvent pas fonctionner ainsi et il est improbable qu’un employé de Boeing puisse s’offrir un jet. Mais on pourrait penser qu’un siècle après Ford, dans les pays développés, le personnel des entreprises proposant des produits grand public puisse se les offrir. Ce n’est pas le cas et cela me semble symbolique de la vanité de cette reprise.

Un autre lambeau de vérité s’est aussi récemment échappé, toujours du Financial Times, le dimanche 23 février. L’enquête du fixing de l’or progresse et il semble que « le comportement des prix de l’or est suspect dans 50% des cas ». Vous ne trouverez plus cet article sur le site du Financial Times, il en a été retiré le jour même. Mais grâce à l’aspirateur de Google, vous le retrouvez dans le cache du moteur de recherche.

Rappelons la procédure du fixing de Londres : elle est auto-déclarative et cinq banques communiquent deux fois par jour le prix auquel l’or se serait échangé, échanges dont ces banques seraient le témoin. De plus en plus de gens suspectent que le marché de l’or est manipulé. Il suffit que A vende à B qui vend à C qui vend à D qui revend à A de l’or à un pris très bas et, hop, le tour est joué, le cours de l’or baisse si le prix de vente est faible.

Où est la reprise ? Nous y croirons lorsque les employés de Walmart pourront eux-mêmes acheter ce qu’ils vendent.

Où est la reprise ? Nous y croirons lorsque les employés de Walmart pourront eux-mêmes acheter ce qu’ils vendent. Pourquoi l’or monte-t-il alors qu’il n’y a pas d’inflation et que plus personne ne s’offusque des manoeuvres des banques centrales ? Et si c’était parce que de moins en moins de gens sont dupes de cette reprise bidon achetée avec de l’argent bidon qui fait que les banques américaines ont affiché en 2013 des bénéfices records de 155 milliards de dollars, le meilleur chiffre depuis 2006 ? Comme aime le dire Bill Bonner, une correction est toujours à la mesure de la tromperie qui l’a précédée.

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