La Chronique Agora

Rencontre avec Crispin Sartwell

▪ Crispin Sartwell gagne à être connu. Il accomplit un travail important consistant à faire revivre les héros oubliés de la tradition américaine anti-autoritaire. Entre autres oeuvres, il a écrit un petit livre fort convaincant intitulé Against the State ["Contre l’Etat", NDLR].

Tout au long de la semaine, nous verrons pourquoi Sartwell est mon philosophe vivant préféré. Il nous entraîne dans un véritable tour de force intellectuel et nous parle de politiques et des personnages originaux appartenant à une partie de l’histoire américaine souvent ignorée.

J’ai rencontré Crispin Sartwell chez lui. Il habite au nord-est de Gettysburg, dans une ancienne école du 19ème siècle, le long d’une tranquille route de campagne au milieu des champs de maïs. Sartwell est professeur au Dickinson College mais cela ne se devinerait jamais. Il arbore un style décontracté et sans prétention. C’est comme si je rencontrais un vieil ami.

Sartwell m’a préparé une tasse de thé et nous nous sommes assis à la table de sa cuisine, sur laquelle était posée une coupe de fruits remplie de délicieuses pêches de la région. Nous avons parlé de liberté.

Nous avons commencé par une vision globale.

La couverture de The Economist titrait "La décennie perdue de la liberté", marquant le 11 septembre comme le début d’une grande perte de liberté aux Etats-Unis. J’ai commencé par demander à Sartwell s’il pensait que la liberté perdait du terrain face à l’Etat.

"Oui, tout à fait", m’a-t-il répondu. "J’espérais que la structure de l’histoire allait vers plus de liberté. Je crains que ce ne soit hélas pas le cas. Après le 11 septembre, le pouvoir de l’Etat s’est affirmé aux Etats-Unis d’une façon effrayante".

Toutefois il existe des mouvements compensatoires. Je lui ai demandé ce qu’il pensait du mouvement Occupy et du Tea Party, par exemple. Sa réponse :

"J’ai trouvé très encourageant le mouvement Occupy et le Tea Party. Il est difficile de trouver des gens qui apprécient les deux mouvements en même temps, parce que la plupart considèrent toute chose en se basant sur un prisme droite-gauche. Mais j’y vois beaucoup de points communs. Les deux mouvements ont tourné court ou ont été récupérés par des formes plus globales mais je les ai trouvés tous deux réconfortants".

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▪ Les inconvénients d’une vision politique "gauche-droite"
Sartwell a beaucoup écrit sur ce prisme gauche-droite sur son blog et dans ses livres. C’est le principal angle de vue à travers lequel les gens ont tendance à se forger une opinion politique. Cela présente de gros inconvénients, comme l’explique Sartwell :

"Selon moi, cette façon gauche-droite de comprendre la politique est très regrettable. Cela masque de nombreuses similitudes et dissimule de nombreuses différences entre les deux bords. L’opposition gauche-droite a été plus ou moins inventée par la gauche, probablement à la fin du 19ème siècle. Le premier à avoir utilisé cette notion de droite-gauche au sens moderne, en anglais, fut Thomas Carlyle en 1837. Le concept est un peu plus ancien en France. Il a été utilisé pour expliquer les différentes factions lors de la Révolution française".

"Cette façon de penser la politique est également associée au marxisme à la fin du 19ème siècle : capitalisme contre anticapitalisme. C’est, je pense, un angle d’analyse. Mais appliqué en regard des positions contemporaines, le prisme gauche-droite oblige tout le monde à s’enthousiasmer pour un type de hiérarchie ou un autre. C’est soit une hiérarchie capitaliste-entreprise, soit une hiérarchie politique tournée vers l’Etat. Cela semble être un choix personnel. Mais on doit pouvoir sortir de ce spectre, se montrer sceptique face à toute forme de pouvoir et de hiérarchie. C’est cela que je recherche".

Si vous comprenez l’anglais, je vous conseille la lecture de l’excellent ouvrage de Sartwell, Against the State: An Introduction to Anarchist Political Theory ["Contre l’Etat : introduction à la théorie politique anarchiste", NDLR]. L’anarchisme ne rentre pas non plus dans cette notion gauche-droite, comme nous le verrons dès mercredi.

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