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Crises, cynisme et profits : qui gagne vraiment dans un monde financiarisé ?

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L’assassinat de Kennedy, le 11-Septembre, l’épidémie de COVID… Il arrive parfois que des événements soient si bénéfiques aux élites dirigeantes qu’on peut presque se demander si elles ne les ont pas provoqués.

Les professeurs de finance sont légion. Leurs théories sont généralement superficielles et erronées… ou bizarres et stupides. Nous ne sommes pas sûrs de la catégorie à laquelle appartient le professeur Richard J. Murphy de Sheffield, en Angleterre. Nous doutons que sa thèse principale sur le prochain krach soit correcte, mais elle est provocatrice.

A première vue, Murphy semble être encore plus cynique que nous. Il pense que Donald Trump propose intentionnellement des politiques économiques stupides pour faire couler l’économie américaine.

Tout le monde sait que restreindre le commerce est une mauvaise politique. Elle empêche les gens d’obtenir le meilleur produit au meilleur prix et elle permet à des entreprises nationales non compétitives – mais politiquement bien connectées – de rester en activité longtemps après qu’elles auraient dû être liquidées.

Menacer les pays étrangers de sanctions s’ils utilisent des monnaies autres que le dollar est une autre mauvaise idée. C’est comme si vous perdiez un match de base-ball de petite ligue, et que vous menaciez de ramener la batte à la maison. Les étrangers finiront par trouver leur propre batte.

Et il y a la menace d’expulser des millions de travailleurs. Ajoutez ces travailleurs déportés aux 2 000 milliards de dollars que Musk et Ramaswamy affirment vouloir réduire du déficit fédéral et à la hausse des prix provoquée par les droits de douane… Le tout arrivant juste au moment où le marché boursier atteint des sommets de bulle…

Et vous avez préparé le terrain pour un effondrement catastrophique.

CNBC rapporte :

« SoftBank et le président élu Trump annoncent un investissement de 100 milliards de dollars aux Etats-Unis sur quatre ans »

Oui, l’argent afflue. Bientôt, les emplois seront créés. Ou pas.

Mais Murphy pense que le véritable plan de l’équipe Trump est de faire s’effondrer l’économie :

« La possibilité que l’économie mondiale s’effondre bientôt est-elle une probabilité raisonnable ? Oui. Et la raison tient en deux mots : Donald Trump. »

Comment ça ? Mais que se passe-t-il… ?

Murphy explique son analyse. Il y a eu deux énormes renflouements au cours des dix dernières années. En 2008, un énorme sauvetage de Wall Street a été organisé par Ben Bernanke et Henry Paulson, ex-secrétaire au Trésor américain. Puis, en 2020, la Maison-Blanche de Trump en a organisé un autre. Dans chaque cas, ce sont les classes moyennes qui ont essuyé les pertes… et les riches qui ont empoché les gains.

Les estimations ne concordent pas toutes, mais la crise du crédit hypothécaire de 2008 et le fiasco des confinements de 2020 ont coûté jusqu’à 20 000 milliards de dollars.

Mais pour l’élite détentrice d’actifs financiers, dit Murphy, les sauvetages qui ont suivi ont plus que compensé les pertes.

L’hypothèse de Murphy est que les autorités fédérales provoquent intentionnellement les crises et les utilisent comme couverture pour les renflouements, qui rendent les riches encore plus riches.

Et c’est là que ça devient intéressant.

Même si nous sommes cyniques, nous doutons qu’ils soient aussi calculateurs. L’idée d’une « intention malveillante » semble peu probable. Mais les forces de l’Histoire exercent leur propre attraction.

L’incendie du Reichstag, l’assassinat de Kennedy, le 11-Septembre, le COVID… Il arrive parfois que des événements soient si bénéfiques aux élites dirigeantes que l’on peut se demander en effet si elles ne les ont pas provoqués.

Le monde financier américain est composé de deux parties. Il y a la partie économique – l’économie de la vie réelle, où les gens travaillent, épargnent et investissent, en essayant toujours d’offrir de meilleurs produits et services, afin de gagner plus.

Et il y a la partie financière. On suppose que Wall Street sert la partie économique, en allouant des ressources limitées aux projets qui le nécessitent. Mais lorsque la Fed pousse les taux d’intérêt réels à des niveaux extrêmement bas, elle brouille les signaux. Les ressources ne sont plus rares. Les acteurs cessent alors d’essayer d’allouer soigneusement des fonds à l’économie réelle.

Au lieu de cela, ils empruntent de l’argent bon marché pour jouer, racheter leurs propres actions, pour des fusions et acquisitions… et pour tout ce qui est rentable. Cryptomonnaies, IA… une mode après l’autre… Le ciel n’a pas de limites.

« Depuis 2008, la classe des investisseurs s’est enrichie comme jamais… alors que l’économie réelle traîne et chancelle. Que s’est-il passé ? La richesse nationale est passée des individus de l’économie réelle qui la gagnaient aux gestionnaires de fonds spéculatifs, aux spéculateurs et aux personnes qui ont gagné de l’argent, non pas en offrant des biens ou des services à d’autres personnes, mais grâce à de l’argent mal évalué. »

Les responsables de l’allocation des ressources à Wall Street n’ont pas alloué de ressources aux industries manufacturières. Les salaires n’ont pas augmenté. Les usines n’ont pas été construites. Les gens n’ont pas été formés pour produire de nouveaux biens. Et toutes les mères du pays voulaient que leurs enfants grandissent et deviennent des gestionnaires de fonds spéculatifs, et non des directeurs d’usine. C’est là que se trouvait l’argent !

Au cours des quatre dernières années, les revenus réels des personnes réelles dans l’économie réelle des emplois et des produits sont restés stables ou ont baissé. Mais au cours de cette même période, la valeur nette des 1% les plus riches a augmenté de 16 500 milliards de dollars (ces chiffres datent d’avant la bosse Trump). Chaque ménage de ce groupe est plus riche d’environ 13 millions de dollars qu’il ne l’était il y a quatre ans. Quant aux 66 millions de ménages du bas de l’échelle, ils n’ont gagné qu’environ 28 000 dollars chacun en richesse.

Les politiques fédérales ont provoqué l’effondrement de l’économie réelle, puis elles ont injecté de l’argent à Wall Street. Si l’on prend le Dow Jones comme mesure, il s’échangeait à 28 000 en janvier 2020. Aujourd’hui, il est à 44 000. La valeur des actions américaines, grosso modo, est passée d’environ 40 000 milliards de dollars en 2020 à près de 60 000 milliards de dollars aujourd’hui. Ces 20 000 milliards de dollars correspondent à peu près au montant retiré de l’économie par les crises de 2008 et de 2020.

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