La Chronique Agora

La crise ? Toujours pas comprise ?

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Après une création monétaire sans précédent historique, la crise est-elle enfin terminée ? Ou bien, à quand la suivante ? 

Il y a deux choses intéressantes dans les marronniers « 10ème anniversaire de la crise de 2008 » publiés actuellement : d’abord les rappels des sommes effarantes de création monétaire, et ensuite les justifications données pour la crise et ses remèdes. Force est de constater que la compréhension n’a hélas pas progressé.

Le Figaro publie un article émaillé de citations de Nicolas Sarkozy qui raconte la crise du point de vue de l’ancien président. Y figure une citation que nous aurions pu écrire dans ces colonnes :

« Pour soutenir l’activité, on a déconnecté la création de monnaie de la création de richesse ».

Depuis que la monnaie a été prise en main par l’Etat et ses gouvernements, depuis Crésus, en passant par Dioclétien, Philippe le Bel, John Law… le pouvoir en place succombe très souvent à la vilaine tentation de faire croire qu' »il y a de l’argent » – que ce soit pour des conquêtes militaires, financer les dépenses d’administration d’un empire ou un royaume, ou, plus récemment, pour financer des dépenses sociales ou « soutenir l’activité », c’est-à-dire le capitalisme de copinage. Car l’activité rentable n’a pas besoin d’être « soutenue ». Elle s’autosuffit.

Il aurait été intéressant de savoir qui est « on » mais Nicolas Sarkozy ne rentre pas dans ce détail trivial.

Il va falloir que je me charge de ce sale boulot…

« On » est la Parasitocratie, l’élite, le Deep State, l’establishment, ceux qui forgent les lois et le droit à leur profit.

La Parasitocratie, « on » a créé un système monétaire et financier qui fonctionne à son profit. Dans ce système, les crédits font les dépôts. L’argent bidon – les crédits – est distribué en priorité aux premiers cercles du pouvoir financier et politique qui l’utilise à son profit.

M. et Mme Michu constatent qu’il leur faut travailler plus pour gagner moins ; plus précisément, qu’il leur reste toujours moins d’argent une fois impôts et dépenses contraintes payées. Mais « on a soutenu l’activité », n’est-ce pas !

La pauvreté régresse dans le monde grâce à l’essor des pays émergents, à qui les pays développés achètent à crédit en profitant d’une main-d’oeuvre bon marché, mais les inégalités se creusent dans ces mêmes pays développés où la classe moyenne disparaît.

Las de travailler plus pour gagner moins et de voir fondre leur épargne, M. et Mme Michu « votent mal ». Pendant ce temps, quelques veinards qui ont accès au crédit à taux trafiqué profitent de la hausse de l’immobilier et des marchés actions.

L’indicateur de Buffett est au niveau d’alerte extrême

Les marchés actions sont censés refléter « l’activité ». Si les intervenants pensent que l’activité va devenir plus rentable, les actions montent et inversement.

Le PIB, lui, est une mesure de l’activité qui ne présume pas de sa rentabilité. L’URSS avait un PIB et une activité avant de s’effondrer.

Un des ratios les plus utilisés par l’investisseur mythique Warren Buffett pour estimer si un marché est surévalué ou sous évalué est le ratio capitalisation sur PIB. Il compare par conséquent la valeur des entreprises cotées à l’activité économique.

Ce graphique montre l’évolution de ce ratio depuis 1971 (date à laquelle le système monétaire d’argent bidon a été institutionnalisé par les Etats-Unis). L’indice retenu est celui du Whilshire 5 000, indice le plus large puisqu’il englobe 5 000 entreprises cotées américaines.

Jamais ce ratio n’a été aussi élevé. Jamais. Ce pourrait être justifié si les résultats des entreprises s’étaient envolés, justifiant une valorisation plus importante. Le « soutien de l’activité » par la création monétaire se serait avéré extraordinairement rentable.

Ce n’est pas le cas, comme le prouve Bill Bonner qui a examiné les chiffres : « en dehors de la réduction des charges d’intérêts, les bénéfices des entreprises ont en réalité chuté de 11 $ entre 2007 et 2018 ».

En réalité, la création monétaire s’est mise au service de l’affairisme et du capitalisme de copinage. Les grosses entreprises en ont profité pour se livrer à de l’ingénierie financière et à des rachats à crédit de leurs propres actions.

Soutenir l’activité, être « pro-business », ce n’est pas être pro-marché, pro-concurrence, et favoriser la vraie création de richesse, comme l’explique Damien Theillier.

Concluons avec Nicolas Sarkozy.

« Nous étions face à une crise de la dérégulation excessive, où tout le monde a pu faire n’importe quoi ».

Faux. Nous étions face à une crise de surendettement, conséquence du système monétaire et financier adopté par la Fed d’abord puis par la BCE, système qui repose sur la création de crédit sans contrepartie.

Puis, « on » en a rajouté une couche selon le principe connu de « extend and pretend » : étendre la maturité des dettes et prétendre qu’on les remboursera un jour.

« Comment réduire la création de monnaie tout en évitant la remontée des taux qui rendrait impossible le remboursement de la dette ? Voilà la seule question qui vaille. »

Nicolas, un conseil désintéressé : arrête de cogiter là-dessus, ne perd pas ton temps. Le temps, c’est le seul actif précieux qu’un banquier central ne peut pas multiplier, que tu ne peux pas emprunter à taux zéro et que tu ne peux pas créer « à partir de rien ». Il n’y a pas de réponse à ta question. Relit plutôt Aristote et Oresme : il n’y a pas d’issue heureuse à la création monétaire. Jamais. C’est confirmé par 5 000 ans d’histoire. Il va falloir faire faillite, se résoudre à organiser un jubilé.

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