La Chronique Agora

De la crise au Mexique à la crise en Asie

Par Marc Faber

▪ Comme je le disais vendredi, les crises financières n’arrivent pas par hasard. En voici un nouvel exemple.

En 1994, la Fed a augmenté le taux des fonds fédéraux de 3% à près de 6%, provoquant une débâcle du marché obligataire. Les bons du Trésor US à 10 ans ont grimpé de moins de 5,5% fin 1993 à plus de 8% en novembre 1994. A leur tour, les marchés actions et obligations des émergents se sont effondrés. En 1994, il était devenu évident que les économies émergentes perdaient de leur dynamisme et que le monde se dirigeait vers un important ralentissement économique, voire une récession.

Mais lorsque le président Clinton décida de renflouer le Mexique, passant outre l’opposition du Congrès US mais avec le soutien des leaders républicains Newt Gingrich et Bob Dole, et exploita un obscur fonds du Trésor pour prêter au Mexique plus de 20 milliards de dollars, les marchés se stabilisèrent. Les prêts accordés par le Trésor américain, le Fonds monétaire international et la Banque des règlements internationaux se sont élevés au total à près de 50 milliards de dollars.

Ce sauvetage a été beaucoup critiqué, cependant. L’ancien co-président de Goldman Sachs, le secrétaire au Trésor Robert Rubin, a utilisé les fonds pour renflouer les obligations mexicaines assurées par Goldman Sachs et dans lesquelles l’entreprise possédait des positions d’une valeur d’environ cinq milliards de dollars.

Ce n’est pas mon sujet ici de discuter des mérites et des échecs du sauvetage du Mexique en 1994. (Mes lecteurs réguliers savent à quel point je suis critique devant toute forme de renflouage.) Toutefois, ses conséquences ont été que les obligations et les actions ont grimpé en flèche. En particulier après 1994, les obligations et les crédits des marchés émergents ont excellemment performé — c’est-à-dire jusqu’à la crise asiatique en 1997. Clairement, il y avait sur le coût de l’économie mondiale une sorte d’aléa moral parce que les investisseurs, enhardis par le renflouage, se sont rués sur les crédits des marchés émergents, même de moindre qualité.

Plus haut, j’ai mentionné que, en 1994, il était devenu évident que les économies émergentes avaient renversé la vapeur et que le monde se dirigeait vers un magnifique ralentissement économique sinon une récession. Mais le renflouage du Mexique a prolongé le développement économique des économies émergentes en rendant disponible les capitaux étrangers avec lesquels financer leur commerce et leurs déficits courants. En même temps, il a conduit à une crise bien plus grave en Asie en 1997, puis en Russie et aux Etats-Unis (LTCM) en 1998.

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La leçon que j’ai donc tirée de la crise asiatique est qu’elle a été dévastatrice parce que, étant donné le cycle économique naturel, l’Asie aurait déjà dû ralentir en 1994. Mais du fait du renflouage du Mexique, l’expansion asiatique a été prolongée grâce à la disponibilité des crédits étrangers.

▪ Les disparités s’élargissent
Ce financement de la dette en devises étrangères a créé une énorme disparité des actifs et des dettes. Les actifs qui ont servi comme nantissement de prêts étaient libellés en devises locales tandis que les dettes l’étaient en devises étrangères. Cette dissonance a exacerbé la crise asiatique lorsque les monnaies ont commencé à faiblir, parce qu’elle incitait les entreprises locales à convertir les monnaies locales en dollars aussi vite que possible dans le but de couvrir les risques de change.

A son tour, l’affaiblissement des monnaies asiatiques a réduit la valeur des nantissements, parce que les actifs locaux ont perdu de la valeur non seulement en monnaies locales mais également et d’autant plus en dollars. Cela a incité les nationaux et les étrangers à liquider leurs emprunts étrangers, leurs obligations et leurs actions. Par conséquent, alors que le marché boursier indonésien n’a baissé « que » de 65% entre son plus haut de 1997 et son plus bas de 1998, il a chuté de 92% en dollars du fait de l’effondrement de sa monnaie, la roupie indonésienne.

Soit dit en passant, en ayant la capacité d’emprunter en dollars américains adossé à des actifs en dollars américains les Etats-Unis possèdent un gros avantage car cela ne conduit pas à une disparité entre les actifs et les passifs. Par conséquent, peut-être que les analgésiques économiques de Krugman, qui n’ont apporté qu’un soulagement temporaire des symptômes de la maladie économique, ont bien fonctionné pendant un certain temps dans le cas du Mexique mais ils ont créé un gros problème pour l’Asie en 1997.

De même, la bulle immobilière recommandée par Krugman en 2001 a temporairement soulagé certains des symptômes du malaise économique mais elle a conduit par la suite à la grave crise de 2008. Par conséquent, il apparaît que, le plus souvent, les renflouages créent de plus gros problèmes pour l’avenir et que les autorités ne devraient les utiliser qu’avec parcimonie.

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