Improbable que les cryptomonnaies créent des crises financières comme le prétend Macron. En revanche, il est très probable que la dette d’Etat soit cette fois le détonateur.
Le 24 janvier à Davos, Emmanuel Macron avançait que « le bitcoin, les monnaies virtuelles […] peuvent créer des crises financières ». Nous avons vu que compte tenu de la concentration du marché, cela est aujourd’hui assez improbable. Il est en revanche d’autres raisons de s’inquiéter d’une nouvelle crise.
La myopie des autorités, racine centrale des crises
Les gouvernements ont une fâcheuse préférence pour le présent et pour le futur à court terme. Tout au plus nos dirigeants ont-ils tendance à anticiper les conséquences de leurs actions à l’horizon des prochaines élections. Pour agir dans l’intérêt général, il leur faudrait des longues vues… mais les gouvernements ne corrigent pas leur myopie. C’est d’ailleurs ce qu’explique le courant économique de la Théorie des choix publics, fondé par James Buchanan et Gordon Tullock.
Que constate-t-on si l’on revient sur la gestion de la crise de 2008 ? Je laisse la parole à Natixis (1) :
« Il y a eu une forme de ‘panique’ devant les développements à court terme après la crise de Lehman qui a conduit à ignorer les coûts futurs des politiques menées, d’où cette forte préférence pour le présent des gouvernements et des Banques Centrales. »
Ici, l’équipe de Patrick Artus fait référence à :
« La forte hausse des taux d’endettement publics » et à « La forte hausse de la taille des bilans des Banques Centrales et de l’offre de monnaie » qui aura trois types de coûts : « taxation accrue si le taux d’endettement public est plus élevé ; instabilité financière et forte volatilité des taux de change si la taille des bilans des Banques centrales est élevée ; fragilité de l’économie face aux chocs si les taux d’endettement totaux sont élevés. »
Malgré une crise financière, puis bancaire et économique aux répercussions mondiales, les élites dirigeantes occidentales, dans leur grande majorité, n’ont opéré aucun changement majeur.
« Les leçons de la crise n’ont pas toujours été comprises, apprises » (2).
Par conséquent, même dans ce genre d’institution, on en vient à se poser des questions de ce genre :
Je vous demande de me croire sur parole : à aucun moment dans cette note il n’est fait mention du bitcoin ni de quelque cryptomonnaie que ce soit…
On y trouve plutôt des propos qui mettent en exergue le fait que Wall Street et la Fed sont copains comme cochons :
« On retrouve dans la période récente la ‘collusion’ entre la Réserve Fédérale, qui fournit une politique monétaire expansionniste et ne réagit pas aux déséquilibres financiers, et la finance américaine, qui exploite ce ‘laxisme monétaire’ […] pour développer des activités qu’on peut appeler ‘spéculatives’. »
Par « laxisme monétaire », il faut bien sûr comprendre le put permanent qu’ont exercés les différents gouverneurs de la Fed sur les marchés. Vous noterez qu’il est écrit « on retrouve »et non « on découvre ». Plutôt que de se demander quand le pouvoir politique tirera les leçons de la crise, peut-être faudrait-il enfin convenir que les personnes en place savent pertinemment de quoi il en retourne mais n’ont aucunement prévu d’arrêter nous enfumer.
Cryptos, actions, dettes, dérivés : combien de divisions ?
Pour savoir si le bitcoin et ses petits frères sont susceptibles de déclencher une crise financière, il faut non seulement savoir qui détient ces actifs mais également quelle place ils occupent au sein de l’univers financier.
Fin octobre, le site Visual Capitalist a mis à jour son infographie intitulée « Comparing the World’s Money & Markets ». Un carré de la taille de celui du bitcoin (en jaune) représente 100 milliards de dollars (à l’heure où j’écris ces lignes, la capitalisation du bitcoin se monte à 160 milliards de dollars et celle du total des cryptos à 488 milliards de dollars, soit à cinq carrés au lieu de trois).
Pour ce qui est des produits dérivés, comptez plusieurs fois la taille de votre écran – même s’il est très très grand. (Si vous voulez consulter cette infographie dans son intégralité, c’est ici.)
A l’heure actuelle, les cryptomonnaies sont une paille sur un échafaudage de dettes auquel on rajoute chaque jour un étage supplémentaire et qui ne tient debout que parce que les taux sont maintenus artificiellement à zéro par les banques centrales.
Cette apparente soutenabilité est donc tributaire de l’accroissement du bilan des banques centrales. Cryptos ou dettes : libre à vous de décider où se situe le véritable Ponzi !
Les crises financières ne sont pas un risque, elles sont une certitude
Tant que les gouvernements n’auront dans leur courte vue que l’unique intérêt de leur réélection, ils dépenseront toujours plus d’argent sans mener de véritable réforme de fond et les banques centrales les couvriront, tout cela pour le plus grand bonheur de l’industrie financière. Jusqu’à ce que, fatalement, une nouvelle crise surgisse, mettant en évidence le caractère insoutenable du système.
Ou encore, en langage d’économiste (3) :
« Tant que la politique monétaire des pays de l’OCDE ne jouera plus son rôle de force de rappel pour empêcher les hausses excessives des taux d’endettement et des prix des actifs, ce sont les crises financières qui réguleront les déséquilibres financiers ». Par conséquent (4), « il est possible (probable ?) que la prochaine crise ressemble à celle de 2008-2009 : crise liée à l’excès d’endettement ; crise liée aux bulles sur les prix des actifs ; crise liée aux ‘trous’ dans la règlementation. »
Heureusement, Jerome Powell – le nouveau patron de la Fed – a promis de « réagir fermement » en cas de crise. Dormez tranquilles, brave gens !
Ou peut-être pas car quelle est sa marge de manoeuvre ?…
1-https://www.research.natixis.com/GlobalResearchWeb/main/globalresearch/ViewDocument/l25Z1VhZO9lWSxnXCfdDPA==
2- https://www.research.natixis.com/GlobalResearchWeb/main/globalresearch/ViewDocument/q–9w2XFBjUYCLhh3LoS6A==
3- https://www.research.natixis.com/GlobalResearchWeb/main/globalresearch/ViewDocument/Zh28YuRvFWktQjiwFiWo-Q==
4- https://www.research.natixis.com/GlobalResearchWeb/main/globalresearch/ViewDocument/q–9w2XFBjUYCLhh3LoS6A==