La Chronique Agora

Crise financière : 2025, 2030, 2035 ? (2/2)

crise financière

L’inflation est de retour… mais va-t-elle durer ? Quelles crises financières pourrait-elle provoquer, et quand exactement ? Et les analyses actuelles sur le sujet sont-elles fiables ?

Selon notre conclusion d’hier, nous ne croyons pas au retour de l’inflation. Nous ne voulons pas parler de l’inflation transitoire, c’est-à-dire celle qui est provoquée par les matières premières avec au premier rang d’entre elles le pétrole.

Nous voulons parler de l’absence du retour de l’inflation structurelle, qu’elle trouve son origine sur le marché du travail et les salaires ou dans l’explosion de la masse monétaire.

Tout d’abord, nous ne croyons pas au retour de l’inflation salariale malgré les arguments des uns et des autres présentés hier – et qui sont défendables.

Dans un contexte de mondialisation persistante, quoi qu’on en dise, les marchés du travail dans les économies de l’OCDE ne permettront pas aux salariés de renforcer leur pouvoir de négociation malgré des situations de tensions et de rareté ici ou là.

Par ailleurs, le développement du télétravail crée un potentiel de délocalisation de nombreux métiers, y compris qualifiés – un phénomène qui va amplifier la baisse du coût du travail. On est vraiment loin du retour de la spirale prix-salaires des années 1970.

Ceci sera d’autant plus marqué que les entreprises chercheront à éviter autant que faire se peut les hausses de salaires, avec un recul durable du pricing power.

Les masses monétaires non plus…

Nous ne croyons pas non plus au retour de l’inflation provoquée par l’explosion des masses monétaires (M0, M2).

Le lien à long terme entre offre de monnaie et prix des biens ne semble plus exister, ce qui remet en cause la théorie quantitative de la monnaie – théorie que les plus anciens d’entre nous ont apprise dans leurs cours de macroéconomie monétaire.

C’était assez simple, pour ne pas dire simpliste, à comprendre : toute hausse de la masse monétaire (M) entraîne mécaniquement une hausse des prix (P) en supposant une stabilité de la vitesse de circulation de la monnaie (V) et une non-progression de la croissance et des transactions (T).

(MV=PT) : une « équation » simple apprise par cœur… et qui n’a plus aucune valeur dans la vie économique, ou même dans la vie académique.

Alors, me direz-vous, si ce n’est pas par la hausse des prix des biens et services et si c’est de moins en moins par la hausse des prix des actifs que la croissance de la masse monétaire se matérialise… quelles seront les conséquences de la création monétaire excessive de ces 12 dernières années ?

Nous pensons, comme nous l’avons écrit à plusieurs reprises, au phénomène selon nous inévitable de la fuite devant la monnaie avec la crise des monnaies fiduciaires. Aura-t-elle lieu en 2025, en 2030, en 2035 ? C’est impossible à prévoir, mais cela doit préoccuper et intéresser ceux qui ont un horizon d’investissement très long.

Cela veut dire qu’il faut s’intéresser (d’abord conceptuellement, mais ensuite et surtout financièrement) à toutes les monnaies « alternatives ». On est dans un monde de taux réels très durablement négatifs mais aussi de cryptomonnaies (en sachant faire le tri) sur un réseau décentralisé pour le suivi des transactions, et qui bénéficient de rareté et de sécurité non-artificielles.

La démographie comme cause de l’inflation ?

Il y a ceux qui sont à court d’arguments pour expliquer le retour de l’inflation conjoncturelle et traditionnelle. Ils cherchent désespérément de l’inflation future, quand bien même il n’y en aurait pas, à partir de sujets potentiellement explosifs sur le plan économique et social, extrêmement puissants sur le plan intellectuel et très féconds sur le plan académique.

Il y a le lien entre le vieillissement démographique et inflation, notamment. Le sujet est tellement structurel et tellement « lointain » que toutes les analyses sont présentables.

Il y a celles qui mettent en avant le fait que le vieillissement démographique est inflationniste, avec une baisse du taux d’épargne et un déséquilibre entre l’offre et la demande (moins de producteurs et plus de consommateurs).

Tout ceci est très confortable intellectuellement… mais ne tient pas longtemps face à la réalité observable.

Prenons le cas du Japon, qui est un laboratoire en matière de vieillissement démographique (et pas uniquement) : pas de déficit d’épargne ; pas d’inflation (c’est même la déflation qui a le plus souvent menacé depuis 30 ans l’économie japonaise). Les forces désinflationnistes liées à un marché du travail déréglementé déprimant la masse salariale l’ont emporté.

Ou peut-être la transition énergétique ?

Il y a aussi le lien entre transition énergétique et inflation. La remarque est la même : toutes les analyses sont présentables considérant la nature même du sujet.

Il est vrai que les énergies renouvelables ne pourront pas remplacer les énergies fossiles rapidement pour une production d’électricité de masse. Selon les études économiques de Natixis, il y a déjà quelques années :

« Le passage des énergies fossiles aux énergies renouvelables va faire apparaître une très forte hausse du prix de l’énergie. En effet, il faut tenir compte de l’intermittence de la production : le solaire fonctionne 20% du temps, l’éolien terrestre 30% du temps, l’éolien en mer 50% du temps. Il faut donc en moyenne trois fois plus de capital pour produire de l’énergie renouvelable que pour produire de l’énergie fossile, ce à quoi il faut ajouter les coûts de stockage de l’électricité. Il est donc probable que le prix relatif de l’énergie va tripler de 2020 à 2050. »

Cette analyse est fondée, mais elle occulte les progrès en matière de technologies de stockage devant permettre de résorber les déséquilibres entre offre et demande d’énergie.

En tout cas, à ce stade, personne ne sait dire « scientifiquement » si les évolutions démographiques et environnementales sont inflationnistes. Ce qui est sûr en tout cas, c’est qu’il est difficile de recommander à un investisseur institutionnel exposé à la hausse de l’inflation de se couvrir contre ces risques structurels, mal appréhendés et « lointains ».

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