La Chronique Agora

Crise européenne : vos avis et suggestions

▪ Eh bien, on dirait que ma Chronique de la semaine dernière concernant le délitement de la Zone euro vous a fait réagir… et on peut dire que les récents événements confirment l’idée que l’Europe telle que nous la connaissons est sans doute sur le point de disparaître.

Dissensions en Grèce, Allemagne arc-boutée sur ses positions, Italie à la dérive… et rien n’émerge : pas de message fort, ni dans un sens ni dans un autre. Notre lecteur A.V.B. écrit qu’il ne peut que « partager [mon] amertume » :

« Toutes ces élucubrations de nos ‘chers’ élus ne font que soulever un grand nuage de poussière afin de masquer encore plus ‘une’ vérité qui semble immuable : l’Europe est en faillite. La Grèce n’est que le début ! ‘Ils’ n’ont même pas ‘acheté’ un espace temporel supplémentaire… ‘Ils’ continuent et persistent à vouloir vendre ce qui ressemble de plus en plus à une illusion donc créée ex nihilo. Une utopie qui risque fort de ramener certains acteurs vers une forme de protectionnisme monétaire afin de préserver des desseins nationaux. Dans le meilleur des cas, peut-être une Europe à deux vitesses… Les vertueux semblent vouloir se retrancher derrière leur barricades afin de ‘stopper’ l’avancée d’une forme gestion ‘sudiste’ pitoyable. Tant ‘qu’ils’ favoriseront leur propre ‘ego’, une solution durable ne verra pas le jour. La notion fondamentale de la ‘démocratie’ (demos cratos) est morte et enterrée depuis fort longtemps. Malgré cette illusion servie aux peuples, ‘ils’ continueront à ‘l’asservir’ par une forme d’opacité quant aux prétendues décisions prises. Et je n’indique même pas ‘l’application’ ! »

« Vous faites référence à la République de Weimar », continue A.V.B. « Je tiens à vous rappeler John Law, Necker, l’Empereur romain Néron, etc. sans omettre des exemples d’outre-Atlantique… Ces événements devraient être connus de tous, mais ‘ils’ sont incapables d’en tirer des leçons. ‘Ils’ devraient néanmoins avoir ‘retenu’ de quelle façon cela s’est terminé. D’aucuns auront la prétention d’affirmer que l’Etre Humain ‘évolue’. Vraiment !? »

Personnellement, je pense que l’être humain évolue effectivement — nous n’avons sans doute plus grand-chose en commun avec nos ancêtres de Cro-Magnon –, mais que c’est très long… et que l’espèce humaine, en tant que « collectivité » a la mémoire courte. Certaines leçons méritent d’être réapprises régulièrement, tous les siècles ou tous les demi-siècles.

Tout comme un alcoolique doit lutter pour renoncer à la bouteille, les Etats doivent combattre, encore et encore, pour se désintoxiquer de la dette.

▪ Un autre lecteur, qui souhaite rester entièrement anonyme, s’intéresse quant à lui au contexte plus global — l’Europe, après tout, n’est pas la seule concernée par la crise européenne.

« L’immense capital de confiance et de reconnaissance envers les Etats-Unis s’amenuise », écrit-il. « En ce qui me concerne, c’est cela qui me touche très profondément. Nous devons nous interroger sur le rôle qu’aurait pu jouer l’Europe si elle s’était organisée (dans les négociations du commerce mondial, les conflits du Moyen-Orient, les relations avec l’Afrique et dans la vision qu’avaient les Américains de l’organisation du monde…) ».

« En Europe nous avons conservé l’habitude de voir chaque pays se tirer d’affaire (dans une organisation mondiale en mutation) par ses propres moyens. Par exemple dans le commerce des armes, dans les secteurs de pointe… Et partant de là nous nous sentons agressés, mis en danger. Isolément nos pays pèsent un poids insuffisant dans l’organisation du monde. C’est l’absence d’Europe qui nous amène à nos interrogations ».

« […] Pauvres ou riches nous n’avons qu’une seule planète dont les occupants prennent conscience des limites. Nous avons bénéficié d’un système économique et d’une vie ‘normale’. Probablement en évitant de nous poser les questions qui marquent des frontières : le coût de l’énergie, la place des forêts dans le climat, l’eau potable, les matières premières, les déchets, le coût de la formation… Et tout ce qui n’est pas dit : la place de l’homme ».

« […] Les intervenant économiques ne peuvent pas régler seuls toutes ces interrogations. Nous sommes tous responsables de ces questions en friche. Nous avons perdu de vue qu’un outil de production ne peut pas tout financer sans limite. Ou que les serviteurs du capital se doivent de respecter ce bien qui appartient à l’humanité. Il me semble que les Etats-Unis devraient accepter de céder graduellement leur rôle de leader en acceptant le partage avec d’autres régions. Si nous avions un impératif, pourquoi pas celui-là ? Pour assurer une vie heureuse à nos descendants ».

« Toutes ces questions ne paraissent pas économiques. Mais tout est lié ».

Tout est lié, c’est tellement vrai : c’est précisément la raison pour laquelle la situation actuelle est si difficile à gérer. Comme dans une cordée d’alpinistes, les interdépendances entre les pays — mais aussi entre l’économie, la politique, la finance, etc. — menacent d’attirer tout le monde dans le gouffre… mais cela justifie-t-il pour autant de couper la corde afin d’abandonner les « traînards » en chemin ?

▪ C’est en tout cas ce qui risque d’arriver pour la Grèce si l’on suit ce qui semble être les voeux de l’Allemagne. A moins que ce ne soit l’inverse qui se produise ? Le premier de cordée pourrait couper ses attaches et s’en aller seul vers le sommet… ce serait alors l’Allemagne qui sortirait de la Zone euro, comme je l’évoquais la semaine dernière.

A ce sujet, un autre de nos lecteurs, Ph.D., nous a livré une analyse longue et très complète de ce qu’il en coûterait à nos voisins d’outre-Rhin de quitter le vaisseau européen. Je n’ai pas la place de vous la révéler dans son intégralité, mais en voici les conclusions, qui ouvrent des pistes très intéressantes :

« La décision de sortie de l’euro ne se fera pas sur des critères financiers », nous dit Ph.D. « Dans les deux cas, le coût est similaire. La décision sera prise sur d’autres critères ».

Et de dresser une liste des « pour » et des « contre » qui se présentent à l’Allemagne :

« Avantages de rester dans l’euro :

Inconvénients

« A la place de la chancelière, ce que je ferais :

  1. Soit j’arrive à imposer les intérêts allemands dans le cadre de l’euro, quitte à expulser les canards boiteux (ce qui serait de toute manière une bonne chose pour ces pays, sur le long terme pour les laisser dévaluer.)
  2. Sinon, je sors de l’euro, pour assurer ma survie politique

* je mettrais en place des actions pour minimiser les inconvénients externes et domestiques

* je ferai tout pour éviter tout engagement irréversible de l’Allemagne dans le cadre de l’euro

* je ferai tout pour éviter toute ingérence de la Grande-Bretagne dans les processus de décision de l’Eurozone »

« Donc, je serais bien en train d’imprimer du deutschemark pour être prêt à appuyer sur le bouton. (A noter que les Allemands n’auraient même pas besoin d’imprimer des pièces. Ils pourraient dire que toutes les pièces en euro portant la face allemande seront honorées par l’Allemagne à leur valeur faciale en deutschemark. Ils perdraient la dévaluation, mais sur la masse de pièces en circulation, le coût devrait être faible. Le temps de frapper de nouvelles pièces) »

Ph.D. termine sur des idées d’investissement potentiellement porteuses : « je suis […] en train de regarder :

  1. les obligations sur des sociétés allemandes, exportatrices avec une part de CA forte sur les émergents
  2. les actions sur ces sociétés.

Auriez-vous des conseils pour moi ? »

J’ai fait appel à Simone Wapler, rédactrice en chef de L’Investisseur Or & Matières, pour donner quelques éléments de réponse à cette question… et voici ce qu’elle en dit :

« Concernant les obligations d’entreprise investment grade (fiables donc), ma conclusion est la suivante : selon les traités européens, ce qui a été contracté en euro sera remboursé en euro. Donc si l’Allemagne sort la tête haute, sa dette entre des mains étrangères ne lui coûte plus grand-chose et ses entreprises rembourseront en euro. Ce qui est favorable aux entreprises contractantes, neutre pour le débiteur étranger et frustrant pour le débiteur allemand qui vit en nouveau deutschemark ! »

« Tout en vous écrivant cette réponse, il me vient une idée d’investissement sur ce scénario : les obligations convertibles en actions, ce qui serait pour nous Français restés en euro, le beurre et l’argent du beurre ».

Nous vous tiendrons bien entendu au courant du fruit des recherches de Simone… mais d’ici là, vous voudrez peut-être continuer la discussion « en direct » ?

Rien de plus facile dans ce cas : Simone Wapler sera présente sur le stand des Publications Agora lors du Salon Actionaria, les 18 et 19 novembre prochain à Paris.

Vous pourrez également y rencontrer Philippe Béchade, Frédéric Laurent et d’autres de nos rédacteurs — pour vous inscrire gratuitement, c’est par ici

En ce qui me concerne, j’y serai le vendredi 18 après-midi, et j’espère sincèrement avoir le plaisir de vous y rencontrer !

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
La Chronique Agora

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