La Chronique Agora

Un court historique de l’or (1/2)

Quel rôle l’or peut-il jouer aujourd’hui – sur les marchés, dans l’économie… et dans votre portefeuille ? Quelle a été son évolution ces dernières décennies ? Qui possède le plus de métal jaune actuellement ? Petit état des lieux aurifères…

Les observateurs savent bien que l’or a servi de monnaie – la meilleure forme, coutumièrement – pendant plus de 3 000 ans, et peut-être plus longtemps.

Dans les années 1910 encore, un voyageur quittant Londres pour un déplacement à l’étranger transportait dans sa bourse des pièces d’or britanniques : le sovereign, une pièce de 7,98 grammes d’or de 22 carats (environ un quart d’once).

A son arrivée à Bombay, Shanghai ou Sydney, ce voyageur pouvait être sûr que sa pièce d’or serait acceptée à sa pleine valeur nominale. Elle valait son pesant d’or, littéralement. C’était une monnaie mondiale.

L’or a peu à peu perdu son rôle de monnaie au cours des décennies suivantes. En 1914, la plupart des pièces d’or ont été remises aux banques pour renforcer les réserves d’or nécessaires au financement de la Première guerre mondiale.

Et puis tout a changé…

Les citoyens ont accepté des billets de banque. En théorie, ces billets étaient échangeables contre de l’or, mais c’est rarement arrivé.

Accélération du « casse de l’or »

L’or physique était toujours là, mais il a été refondu en lingots de 400 onces conservés dans les chambres fortes des banques. Les banques affirmaient que les billets de banque étaient toujours adossés à l’or, mais l’or voyait rarement la lumière du jour. Personne ne faisait ses courses avec des lingots d’or de 400 onces (environ 12 kg) dans sa bourse.

Lorsque la guerre s’est achevée, le « casse de l’or » s’est accéléré. Entre 1919 et 1933, les banques centrales ont contraint les banques commerciales à leur remettre leur or physique en échange de crédits dans leurs comptes de réserves.

Ensuite, certains ministères des Finances ont exigé que les banques centrales remettent leur or au Trésor du pays en échange de certificats d’or.

Suite à cela, les nations elles-mêmes ont commencé à dévaluer leurs monnaies mesurées en poids d’or : la France en 1925, le Royaume-Uni en 1931 et les Etats-Unis en 1933. La France et le Royaume-Uni ont recommencé en 1936. Au cours de cette période, les Etats-Unis ont interdit aux citoyens de détenir de l’or physique.

Les livraisons d’or entre nations ont été de nouveau stoppées en 1939, lorsque la Deuxième guerre mondiale a éclaté.

L’or ressuscite… en partie

En 1944, les accords de Bretton Woods ont ressuscité l’or en tant que monnaie, mais seulement pour les transactions internationales et le règlement des balances commerciales entre les principales nations signataires de l’accord. Les devises des signataires des accords de Bretton Woods étaient « arrimées » au dollar, lequel était arrimé à l’or à un cours de 35 $ l’once.

En mars 1965, l’exigence selon laquelle les dépôts des banques devaient être liés au niveau des réserves d’or a été supprimée. En mars 1968, le président Lyndon Johnson a signé une loi supprimant l’exigence d’une « couverture or » selon laquelle les billets de la Réserve fédérale devaient être couverts par au moins 25% d’or physique détenu par le Trésor.

En août 1971, le président Richard Nixon a mis fin à la possibilité de convertir des dollars en or physique, pour les partenaires commerciaux des Etats-Unis. Dès 1974, tous les principaux émetteurs de monnaies étaient passés de taux de change fixes à des taux de change flottants.

En avril 1978, le FMI a mis fin à l’utilisation obligatoire de l’or pour les transactions entre le fonds et ses pays membres. Le processus s’est déroulé sur 64 ans (1914 -1978), mais lorsqu’il s’est achevé, les Etats et le FMI détenaient tout l’or officiel du monde, et le métal jaune n’a plus été considéré comme une monnaie.

Oubli et clichés

Depuis les années 1970, trois générations d’étudiants ont suivi des cours d’économie où l’on ne fait pas du tout référence à l’or, sauf en recourant à des clichés peu flatteurs tels que « relique barbare » et « caillou doré ».

L’or est quasiment tombé dans l’oubli, en tant que monnaie… mais pas tout à fait.

Ironiquement, au moment même – quasiment – où l’or était aboli en tant que monnaie, le 14 août 1974, le président Gerald Ford signait une loi autorisant à nouveau les Américains à détenir des pièces et des lingots d’or.

L’or n’était plus une monnaie fiduciaire, mais pouvait jouer un rôle classique de monnaie : celui de réserve de valeur et d’unité de compte. Depuis, les Américains sont libres d’adopter leur propre étalon-or en achetant et en conservant de l’or physique.

Malgré la démonétisation officielle de l’or, il est resté de facto une forme de monnaie. Les Etats-Unis possèdent 8 133 tonnes de réserves d’or. L’Allemagne en possède 3 362 tonnes. Quant à l’Italie et la France, elles en possèdent chacune 2 450 tonnes.

Le FMI, qui a officiellement démonétisé l’or, en possède 2 814 tonnes. La Russie possède 2 295 tonnes d’or, mais comme son économie est bien plus modeste que les pays du G7, c’est une puissance détentrice d’or, si l’on juge ses réserves d’or par rapport à son PIB.

La Chine possède officiellement 1 948 tonnes d’or, mais on pense qu’officieusement elle possède beaucoup plus de réserves via le SAFE (« State Administration of Foreign Exchange »), une sorte de fonds souverain opaque. Même le Liban – petite économie dysfonctionnelle – possède 286 tonnes d’or.

Au total, les réserves d’or officielles des puissances souveraines représentent 35 219 tonnes, soit environ 17,5% de la totalité de l’or déjà extrait présent dans le monde.

A suivre…

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