La Chronique Agora

Courrier des lecteurs : rien ne se perd, rien ne se crée !

** Décidément, les affirmations de Bill sur l’énergie et le principe du "rien ne se perd, rien ne se crée" n’ont pas fini de faire parler d’elles. Nous avons reçu une avalanche de courriers contenant diverses explications, expostulations et démonstrations — à commencer par une mise au point très scientifique :

"En prof de physique (retraité), je suis obligé de vous rappeler au sujet de votre dernier message le principe suivant : le principe de la conservation de l’énergie est un principe physique selon lequel l’énergie totale d’un système isolé est invariante au cours du temps".

"Dans les systèmes simples de la mécanique newtonienne, la somme des énergies cinétiques et des énergies potentielles est une constante. En physique des particules, la loi de conservation de l’énergie impose que lors d’une réaction nucléaire ou d’une désintégration, la somme des énergies des particules de départ est la même que la somme des énergies des particules émises. L’application de ce principe a permis la découverte du photon en 1909".

"Cette mise au point est très amicale et je comprend très bien vos propos. Mais c’est la formulation qui me choque. Félicitations de toutes façons pour votre travail d’information que j’apprécie beaucoup".

Au passage, cher lecteur, si vous voulez profiter des meilleures opportunités qu’offre le secteur de l’énergie, n’hésitez pas à emboîter le pas à Simone Wapler — qui examine jour après jour les secteurs des matières premières et des métaux précieux, pour y dénicher de véritables pépites ultra-profitables : elle vous en dit plus ici même…

** Mon collègue Olivier Cros ajoute lui aussi sa pierre à l’édifice : "si je me souviens bien de mes cours de physique de première S — la formule académique est ‘rien ne se perd, rien ne se gagne… tout se transforme’. […] En termes d’énergie, une loi émet l’hypothèse (vérifiée –scientifiquement…) que quel que soit le processus, la somme de deux éléments ne produit pas une addition ni une soustraction… mais une transformation des éléments en éléments de propriétés différentes mais de même intensité"…

"Par exemple une goutte d’eau pure a la propriété de contenir de l’hydrogène et de l’oxygène tels que : H2O = H+ + OH- On a donc deux éléments qui en créent un : l’eau… et l’eau qui s’évapore ne se détruit pas dans l’absolu ; elle devient vapeur d’eau : changement d’état du liquide au gaz mais conserve ses éléments de base… CQFD !

"[…] L’énergie consommée ne se perd pas… certes. Mais les différents éléments qui en sont le résidu ne permettent pas encore d’être exploités ! Sauf à créer un jour un catalyseur ultra-perfectionné sur les pots d’échappement par exemple, permettant de récupérer tous les gaz pour en faire à nouveau du pétrole en même quantité… ce qui est impossible puisque rouler en voiture = déplacement = consommation d’énergie !"

"Allons plus loin : les scientifiques étudient depuis longtemps la possibilité d’un mouvement perpétuel… donc qui serait perpétuellement engendré par sa propre énergie — ou encore qui n’engendrerait aucune perte énergétique : aucun résultat probant pour le moment"…

** J.B., qui nous avait déjà écrit sur le sujet, a lui aussi de nouvelles idées à nous faire partager sur le sujet :

"Lorsque nous la quitterons, nous laisserons la Terre en un état de matière inerte. Du moins, c’est ce que l’on peut se souhaiter ! Depuis que la Terre existe, l’énergie à la surface de la Terre provient à (environ) 90% du soleil. Le soleil, c’est l’exposition en direct, à distance, de la réaction nucléaire, essentiellement de fusion, qui consume le soleil. C’est cette exposition qui permet la photosynthèse, c’est-à-dire la vie végétale, donc la vie animale sur terre, et par conséquence, les réserves de charbon et de pétrole (le charbon, le pétrole en sont une récupération via la végétation, la vie microanimale). Ainsi, nous vivons directement et indirectement de la radioactivité provenant du soleil".

"On pense aujourd’hui que la Terre provient du soleil, d’une éjection de cendres de matières. Mais ces cendres contiennent encore quelques braises; ce sont l’uranium, le thorium et quelques autres. Quand on rassemble ces braises, elles se remettent à brûler naturellement: ce sont nos centrales nucléaires. Nos centrales activent ces braises, les consument, et elles deviendront plus vite et plus tôt de la matière inerte et ce cycle est inexorable. Un temps viendra peut-être où la matière (radio)active deviendra plus rare et pour bénéficier de cette énergie indispensable à la vie des hommes sur terre, il faudra aller chercher cette matière sur d’autres planètes…Enfin, c’est ce que les hommes d’aujourd’hui peuvent se souhaiter car ils ont aussi la possibilité, chemin faisant, de se détruire"…

** Enfin, F.C. nous livre une longue méditation sur l’énergie mais aussi sur la science et le progrès :

"Je ne partage pas vos conclusions concernant l’avenir du pétrole et de la société occidentale. La description que vous faites : ‘liquide noir et visqueux’ me conduit à questionner votre compréhension des enjeux. Depuis au moins la moitié des années 60, les économistes pétroliers ont montré l’absurdité de brûler du ‘pétrole’ dans des moteurs à explosion car cette noble matière devait être réservée à la pétrochimie et la chimie. En effet une petite cuiller à café de ce liquide renferme plus d’un milliard de molécules différentes. A la fin des années 70 le point de substitution fixait une fourchette à 60-80 $ le baril. Beaucoup de production électrique était encore à base de charbon et de fuel lourd. L’arrivée de l’ère nucléaire a permis d’envisager d’autres formes massives de production d’énergie, sans toutefois être en mesure de rassurer complètement sur le long terme. D’où un certain atermoiement politique. Pour quelles raisons ? Les causes doivent être cherchées en priorité sur le plan scientifique et industriel et non économique/financier (du moins pour comprendre cette situation historique et l’ordre des priorités) : l’avancement de l’état des sciences de la recherche et des process industriels ne permettaient pas d’apporter des pistes concrètes de solutions. Les trois sont en effet intimement liés et rien ne sert de concevoir si on ne sait pas encore fabriquer les matériaux qui devront être mis en œuvre. Illustration : les motoristes ont su concevoir des réacteurs d’avions (années 70) plus économes et plus silencieux 20 ans avant leur mise en services. Pourquoi tant de temps ? Parce que la sidérurgie, traversant une grave crise, n’avait plus les moyens d’investir dans la recherche et produire les qualités d’acier pouvant être mis en œuvre dans ce type de réacteurs. L’aéronautique a donc du attendre".

"Que peut-on tirer de ces enseignements ? Le court terme l’emporte parce qu’il ne peut s’appuyer sur des considérations hypothétiques, propres au long terme. L’énergie est une ressource quasiment infinie. C’est sa canalisation qui est plus problématique. Le recours à l’énergie évolue aussi dans deux dimensions diamétralement opposées. A la fois des besoins massifs : chauffage, transport, process de transformation, et des économies considérables : de moins en moins d’énergie est nécessaire pour communiquer et cette tendance n’en n’est qu’à son début. Illustration : le téléphone, Internet"…

"L’ajustement du court terme au long terme se fait par des ruptures, des fractures. Rien de surprenant à cela depuis que l’on connaît la théorie des fractales. Il est constant d’observer dans l’histoire de l’homme que ces ruptures ont accompagné, voire encouragé, les conquêtes économico-militaires, les destructions, les brassages, les reconstructions. Un professeur d’électronique de l’ENSERB de Bordeaux expliquait à ses élèves la différence entre découverte et invention. La première est la compréhension par l’homme d’une loi de la nature (le feu, Newton, la thermodynamique, l’électricité…). La seconde est une création pure de l’esprit de l’homme : la roue (elle n’existe pas dans la nature, mais elle a changé radicalement le mode de vie de l’homme, elle est à l’origine des conquêtes militaires) ; l’imprimerie (de même, elle est à l’origine des guerres de religions). Ces inventions se sont accompagnées des plus grands conflits régionaux…Quelle est la dernière grande invention depuis ? Le transistor, expliquait ce professeur d’électronique…vous imaginez la suite. Entre le premier poste radio (à huit transistors !) que j’ai soigneusement conservé et des puces, il y a un gouffre ? Non, pas plus que quelques pas… et beaucoup d’ivresse ! La multiplication des outils financiers et leur perte de contrôle n’est-elle pas la conséquence de l’illusion de pouvoir que nous donnent ces petites merveilles ? Que nous réserve cette invention ? Peut-être un changement radical de nos modes de vie, vraisemblablement pas sans troubles longs et majeurs. Les clés ? C’est comme dans l’histoire de Nasrhudin, il ne faut pas les chercher sous la lumière du réverbère mais dans l’ombre".

Permettez-moi de vous remercier du fond du cœur pour ces courriers — ce sont des échanges de ce genre qui font de la Chronique Agora ce qu’elle est… et c’est un privilège pour moi que d’y participer jour après jour.

Sur cette note, je vous rappelle que la Chronique se met au vert pendant quelques jours. Vous retrouverez toute l’équipe au complet dès le 2 janvier 2008, fin prête à affronter ce que les marchés nous réservent… et d’ici là, je vous souhaite de passer d’excellentes fêtes de fin d’année.

Meilleures salutations,

Françoise Garteiser
La Chronique Agora

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