▪ Après une chute de 3% que les haussiers ont pris dans le buffet comme un taureau lancé à pleine vitesse dans les rues de Pampelune (pour la feria du mois de juillet), les avis divergent. Pour certains, des organisateurs un peu distraits ont lâché la bête furieuse à contre-sens ; pour d’autres, c’est la foule qui courait depuis deux mois dans la mauvaise direction en regardant par-dessus son épaule… Mais peu importe, personne ne l’a vu arriver et le choc a été terrible !
Pour changer de métaphore et passer au registre du Super Bowl [NDLR : finale du championnat de football américain] — un peu plus de saison que le lâcher de taureaux estival en Espagne –, qui a vu les Ravens de Baltimore remporter la quarante-septième édition (Bill Bonner a dû apprécier), nous pourrions décrire l’épisode baissier sur le marché parisien de la façon suivante.
▪ Du football américain aux marchés, il n’y a qu’un pas
Dès le coup d’envoi, la première ligne d’acheteurs campée sur la zone des 3 730 points a été projetée par-dessus les balustrades. Les poids lourds qui défendaient la zone des 3 700 ont été décollés du sol comme des fétus pour retomber trois mètres plus loin. L’escouade des linebackers [NDLR : joueurs en position défensive] chargés de protéger coûte que coûte la zone support des 3 670 points a été irrémédiablement enfoncée au cours des cinq dernières minutes.
Au final, le CAC 40 a perdu presque 115 yards… euh non pardon, 115 points.
A 3 659 points, l’indice phare efface en six heures l’intégralité des gains des six dernières semaines puisqu’il revient au même niveau que le 21 décembre dernier — et ce dans des volumes supérieurs de 40% à la moyenne des précédents lundi (3,3 milliards d’euros contre 2,2 milliards d’euros).
▪ Les causes n’ont pas manqué en Europe pour faire plonger les marchés
Paris a plongé de 3% mais la correction a été encore plus sévère à Madrid (3,8%) et à Milan (4,5%). Les opérateurs avaient le choix entre le scandale de l’Euribor en Italie, la remontée de Silvio Berlusconi dans les sondages… ou encore les rumeurs de corruption visant Mariano Rajoy en Espagne et les 26% de taux de chômage — soit cinq millions de sans-emploi — qui deviennent socialement explosifs et menacent de faire souffler un vent de révolte contre l’austérité à travers toute l’Europe.
Ce coup de tabac — le plus violent depuis le 6 mars 2012 — survient un 4 février alors que fondamentalement, la conjoncture aurait pu justifier une rechute des indices dès le 4 janvier.
Comme nous l’anticipions, l’heure de la correction a été sciemment retardée jusqu’au bout de l’absurdité parce qu’un tel scénario (de type « trou d’air » ou « flash-krach ») était déjà redouté dès la fin décembre.
Nous avions comparé les cinq dernières semaines de hausse à un empilement hasardeux de cubes à la verticale. Certains tentaient de convaincre les épargnants qu’il s’agissait d’une pyramide n’ayant aucune chance de perdre plus que la hauteur de son dernier étage. Or l’Euro-Stoxx 50 revient bel et bien à la case départ et le bilan annuel 2013 s’établissait même lundi soir à -0,4%.
Quel contraste entre cette dégringolade et la consolidation en forme de « respiration » constatée quelques heures plus tard sur les actions américaines (1% en moyenne).
Le Dow Jones par exemple, n’a pas lâché un pouce de terrain supplémentaire entre 19h et 22h. Et si l’on fait la moyenne des trois principaux indices américains, ils n’ont reperdu que ce qu’ils avaient gagné vendredi soir.
Le Dow cédait au final 0,93%, le S&P 500 1,13% (il garde malgré tout le contact avec les 1 500 points) et le Nasdaq chutait de 1,5%.
Si l’on se tourne du côté du Dow Transportation, on assiste à une consolidation sans intensité (-0,6%) alors que cet indice a enchaîné une dizaine de records historiques depuis le 1er janvier. Le Russell 2000, lui, a corrigé de 1,3% mais il revient s’appuyer sur le seuil des 900, niveau qui fit office de sommet fin janvier avant que l’indice n’attaque les 912 points début février.
L’indice du stress (le VIX) fait en revanche une embardée de 14% à 14,65 mais même ainsi, il évolue encore à des niveaux historiquement très bas. Il se situe 25% en dessous du seuil des 18 au-delà duquel le marché montrerait qu’il doute réellement du scénario rose privilégié depuis le début de l’année.
Nous sommes prêt à parier que tout sera fait pour que les non-initiés continuent à y croire encore quelques séances ou quelques semaines.
▪ Un coup de boutoir sur les marchés européens pas si innocent que ça
Nous ne sommes pas à 100% convaincu du caractère « accidentel » de la chute des indices européens. Un tel coup de semonce est de nature à remotiver les baissiers (les vendeurs à découvert), d’autant plus que l’analyse technique semble s’être soudain rangée de leur côté.
Quel étrange revirement, alors qu’elle était encore 100% haussière en début de séance avec un CAC 40 qui s’accrochait aux 3 775 points durant deux bonnes heures, avant de perdre pied peu après 11h.
Il faut se garder de valider d’amblée un signal de correction moyen terme. Nous ne sommes pas à l’abri d’une réédition du scénario du 6 mars 2012 — même genre de « trou d’air » indiciel de plus de 3% survenant après un épisode de progression laborieuse d’une quinzaine de jours.
Si tel était le cas, il n’y aurait pas lieu de s’inquiéter puisque Paris avait violemment rebondi sur un plancher de 3 360, s’envolant de 7% en sept séances, du 7 au 16 mars 2012, pour inscrire un nouveau sommet annuel à 3 600 dans la foulée. Ce niveau, ce n’est certainement pas un hasard, fait désormais figure de support dans un contexte où la crise de l’euro est derrière nous.
Tellement « derrière nous » que les investisseurs risquent de l’avoir « dans le dos » à force de croire à des lendemains qui chantent (faux) et refuser de voir qu’il s’agit depuis bientôt quatre ans d’une fuite en avant vers la fausse monnaie qui débouche aujourd’hui sur la guerre des devises.
Ce sont les Japonais qui de l’avis général l’ont officiellement déclarée. Mais n’ont-ils pas une fois de plus été provoqués… par la Banque centrale des Etats-Unis ?
L’avenir nous dira s’il s’agissait d’un nouveau Pearl Harbor monétaire… sur fond d’auto-destruction économique de l’Europe.
L’Eurozone se retrouve victime des aspirations hégémoniques de l’Allemagne, dotée d’une devise forte qui écrase ses voisins du sud et de l’ouest… sauf l’Angleterre qui reste la seule capable de lui tenir tête, avec le renfort de la Fed et des monétaristes américains