La Chronique Agora

Le consensus est haussier à 93,5% et JP Morgan se porte très bien, comment pourrait-on baisser ?

▪ Un net alourdissement a fait replonger les indices américains dans le rouge au cours de la dernière heure de cotation mardi soir. Cela après trois heures de stagnation (entre 17h et 20h) au sein d’un corridor d’une étroitesse quasi-surnaturelle de 0,1% d’amplitude, les scores s’étageant entre +0,3% et +0,35% en moyenne.

Puis le Dow Jones et le S&P 500 se sont doucement dégonflés entre 20h et 21h pour revenir à l’équilibre — un peu comme les places européennes à 90 minutes de la clôture. Cela ne préfigurait a priori rien d’inquiétant puisque les marchés américains ont pour habitude de se tasser légèrement en début d’après-midi avant de renouer avec la tendance de fond — haussière depuis quatre ans et six mois — au cours des derniers échanges.

Un sursaut était d’autant plus attendu que les places européennes avaient engrangé 0,6% au final quelques heures plus tôt, encouragées par la promesse à peine voilée de Mario Draghi concernant la mise en oeuvre d’un LTRO version 3.0 en Europe « au moment opportun ».

Comme par hasard, il remet cette option sur le tapis au lendemain même de la réélection d’Angela Merkel, alors que son programme de gouvernement n’est pas encore arrêté, faute d’accord avec le futur partenaire appelé à former une nouvelle coalition.

En cas de feu vert — même conditionnel — de la Cour constitutionnelle de Karlsruhe, nous parions sur une initiative de la BCE dès une éventuelle réduction du QE3 de la Fed. Cela afin de maintenir le niveau de liquidités optimal qu’exigent les brasseurs d’argent pour poursuivre leurs opérations spéculatives avec des leviers qui donnent le vertige.

▪ Encore une… baisse sur les marchés US
Pour en revenir aux marchés américains mardi soir, rien ne s’est passé comme anticipé en fin de séance. Les vendeurs ont pris la main au cours de la dernière heure et se sont appliqués à faire clôturer le Dow Jones et le S&P au plus bas ; il s’agit d’un quatrième repli consécutif.

Cela constitue la deuxième plus longue séquence baissière de l’année 2013 après la consolidation survenue entre le 14 et le 21 août. Le Dow a reculé de 0,43% à 15 334, le S&P 500 de 0,28% à 1 697 alors que la défense des 1 700 points est apparue quasi inexistante.

Les optimistes soulignent toutefois que le Nasdaq a fini dans le vert avec +0,1%. Le Russell 2000 s’est encore mieux comporté avec un gain de 0,25% à 1 074,5 points — et un nouveau record historique absolu de 1 082 points vers 19h50.

En résumé, si l’on fait la moyenne des indices les plus larges (ce qui exclut le Dow Jones), la séance de mardi se solde par un statu quo. Une vision positive confortée par le recul du VIX, le baromètre de l’aversion au risque.

De nombreux opérateurs verraient avec bienveillance un scénario de stagnation des indices américains jusqu’à vendredi, histoire de clôturer le trimestre calendaire en beauté (sachant qu’il serait hasardeux d’attendre lundi prochain pour « habiller les portefeuilles »).

▪ Aucune nouvelle n’est mauvaise pour les marchés
Côté statistiques, le premier chiffre américain du jour avait surpris agréablement : les prix des maisons ont progressé de 1% sur l’ensemble du territoire américain au mois d’août (pour le 18ème mois consécutif), d’après la dernière enquête de la FHFA (Federal housing finance agency).

Le rythme annuel de la hausse s’accélère à 9,6% contre 8,8% en juillet. L’indice S&P/Case-Shiller des prix immobiliers dans les 20 principales métropoles s’établit à +12,4% (toujours sur 12 mois glissants).

A 16h a été publiée le chiffre de la confiance des consommateurs du Conference Board pour septembre : il ressort en baisse de deux points, à 79,7 contre 80,3 attendus. Cela a d’abord été mal perçu… mais comme c’est une mauvaise nouvelle, c’en est devenu une bonne pour les marchés.

Si les ménages se mettent à douter de l’embellie économique dont les médias leur rebattent les oreilles, les analystes et stratèges affichent symétriquement une confiance inébranlable dans la poursuite du mouvement haussier des actions.

Ces dernières sont jugées ultra majoritairement « bon marché » et disposeraient toujours d’un gros upside (mot pseudo-savant recouvrant une croyance irrationnelle dans la capacité des grenouilles à se transformer en princes charmants… au pays des arbres qui montent jusqu’au ciel).

▪ Les avis des analystes sur les valeurs du S&P 500 sont éclairants
Sam Stovall, un analyste travaillant chez Standard & Poor’s, a compilé toutes les recommandations actuellement accessibles aux clients particuliers ainsi qu’aux investisseurs institutionnels. Sur les 11 000 avis qu’il a recensés, voilà ce que cela nous donne :

Achat fort : 30,2%
Achat/renforcer : 18%
Conserver/achat sur repli : 45,3%
Conserver/rester à l’écart : 4,3%
Vendre : 2,2%

Soit 48% de conseils achat/renforcer, 45,3% de conserver (et se laisser porter par la tendance) et seulement 6,5% de conseils de prudence ou d’allègement des portefeuilles.

A quand remonte le dernier consensus haussier à 93,5% ? Et comment expliquer que sur une échelle de notation de 1 (vente impérative) à 5 (achat fort), aucune valeur du S&P n’est notée actuellement en-deçà de 2,7 ?

Plus stupéfiant encore, si vous faites la moyenne des notes attribuées à BlackBerry, vous constaterez que l’action restait créditée d’un honorable 3,7 sur 5 (soit un 15 sur 20) à la veille de son décrochage de 25% en trois séances.

Cela ne vous rappelle-pas un peu le Triple A de la dette d’Enron à une semaine de sa faillite… ou encore « le système financier américain n’a jamais été aussi robuste » de M. Paulson (ex-secrétaire d’Etat au Trésor US, ex-PDG de Goldman Sachs) à un mois de la faillite de Lehman ?

Au fait, comment cela se passera-t-il pour JP Morgan ? Après les sept milliards de dollars de pertes — amende comprise — liées à la « baleine de Londres », voilà que les régulateurs américains vont lui tomber dessus dans le cadre des actions en justice pour saisies immobilières illégales (la banque risque plus de deux milliards de dollars de pénalités après avoir rejeté un accord amiable jugé trop coûteux) et manipulation du Libor ?

Pfff, peccadilles : 10 milliards de dollars, ça va, ça vient, business as usual… Pas de quoi en faire un article : d’ici six mois, tout le monde aura oublié. Comme Lehman quoi !

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