La Chronique Agora

Les confessions d’un Clandestin…

clandestin

Le Dow est repassé par-dessus la barre des 20 000 points vendredi dernier.

La dette publique s’élève à près de 20 000 Mds$.

Et Donald Trump affirme avoir économisé 600 M$ sur le programme des F-35 de Lockheed Martin. (A-t-il fait retirer l’option sièges chauffants, ou l’air conditionné ?).

Nous ne savons pas ce qui nous attend, avec le Dow. Mais nous connaissons tous l’orientation que prend la dette publique.

Les projections actuelles – si Trump ne creuse pas le déficit par de nouvelles dépenses – la situent à 10 000 Mds$ supplémentaires au cours des 10 prochaines années.

Pourquoi ?

A moment donné, cette année, le nombre de personnes partant à la retraite passera à 10 000 par jour.

Nous sommes de plus en plus nombreux à devenir vieux, à puiser sur les prestations de la Sécurité sociale et de la santé. Et les dépenses liées au vieillissement – dont la plupart correspondent à des soins médicaux – représentent 55% des dépenses publiques, aux Etats-Unis.

Voilà pourquoi un gros titre de mauvais augure annonçait, le week-end dernier : « la Maison Blanche et les Sénateurs républicains s’orientent vers un combat budgétaire ».

Mais très bientôt, les allègements fiscaux et l’augmentation des dépenses proposés par Donald Trump se préciseront… de même que le plafonnement de la dette.

Des armes ou du beurre ?

Tous les Etats providences sont confrontés au même problème : plus de personnes âgées et moins de jeunes pour les assumer.
[NDLR : En France, la retraite par répartition sera bien chiche. Pour mettre du beurre dans les épinards, vous devez vous préparer dès maintenant. Avec 200 euros par mois, notre spécialiste vous propose de vous constituer une retraite de ministre. Comment ? Tout est expliqué ici.]

Mais les Etats-Unis ont un problème supplémentaire : un empire étendu, avec des soldats en poste dans 100 pays différents. (L’an dernier, ils ont lâché plus de 26 000 bombes).

Comment le pays peut-il se permettre de continuer à le faire avec tant de gens qui réclament également des médicaments et des retraites ?

« Des armes ou du beurre ? ». C’est forcément la question que quelqu’un va poser.

Nous y reviendrons… et nous expliquerons pourquoi l’Etat providence/l’Etat militaire est condamné…

Mais revenons à l’histoire que nous avions évoquée la semaine dernière : « les Confessions d’un Clandestin ».

Sans-papiers

Les souris du garde-manger n’auraient rien remarqué d’inhabituel. Les pigeons perchés tout en haut des cheminées non plus. Aux yeux du règne animal, y compris des bipèdes, nous avions l’air normal. Mais nous avions un secret bien gardé.

En 1996, nous avons passé la frontière avec un visa touristique autorisant un séjour de trois mois.

Nous n’avons été « régularisé » que 10 ans plus tard.

Pendant 10 ans, nous avons vécu en tant que « sans-papiers ». Clandestin. Pas de carte de séjour. Pas de visa. Rien.

Nous avions un appartement à Paris et une maison à la campagne. Nous y vivions ensemble – mari, femme, une mère, une tante, et six enfants – et aucun d’entre nous n’avait un visa en règle.

Nous avons élevé nos enfants, créé une entreprise, engagé des dizaines de personnes. Nous déclarions nos impôts en France et aux Etats-Unis, et avons versé aux deux Etats des millions en taxes sur les ventes, impôts sur les revenus et charges sociales.

« Si vous transférez vos activités d’édition à [le petit village où nous vivions à l’époque] », nous a dit en plaisantant un voisin, « vous aurez votre statue sur la place du village ».

« De quelle dimension ? », avons-nous demandé.

Nous avons acheté un appartement et deux châteaux en ruine. Nous les avons rénovés… en dépensant des millions. Nous avons acheté un entrepôt en périphérie de Paris. Nous avons payé les taxes, assurances et coûts de rénovation de tous ces bâtiments. Nous avons engagé des personnes pour réparer les toits et tondre les pelouses.

Nous avons été contrôlé par les impôts : le « fisc » français. Nous avons envoyé nos enfants dans des écoles catholiques. Nous avons été arrêté pour excès de vitesse. Nous avons utilisé le système de santé français à plusieurs reprises. Nous avons rencontré le Premier ministre français, Lionel Jospin, au cours d’une garden-party. Nous avons assisté à des mariages, à des enterrements. Nous avons chanté à la chorale de l’église. Nous avons enterré notre tante dans le cimetière du village.

Nous avons acheté un magazine et en avons créé un autre. Nous avons prononcé des discours, publié des livres, investi dans l’une des plus anciennes maisons d’édition françaises : le plus grand (et, euh… le seul… peut-être) éditeur d’oeuvres classiques en grec et latin dans le texte.

La maison d’édition possédait une librairie qui sentait le renfermé, boulevard Raspail, et perdait de l’argent depuis 1919. Lorsque le propriétaire a pris sa retraite, nous avons racheté l’entreprise… et elle perd toujours de l’argent !

« Dieu merci », dit le directeur. « Sinon, nous devrions payer des impôts ».

Un délit répréhensible

Nous avons souvent perdu de l’argent, en France. Mais nous avons acquis un goût pour le vin, et il est resté.

Et jamais au grand jamais, autant que je m’en souvienne, n’avons-nous tué ou violé qui que ce soit. Nous n’avons même pas jeté un papier par terre.

Une fois, cependant – il est temps de nous ôter ce poids de la poitrine, puisque nous sommes d’humeur à nous confesser – nous nous sommes garé sur le bas-côté. Nous nous sommes laissé tenter par le pommier de quelqu’un, dont les branches débordaient sur la route. Nous avons regardé autour de nous. Personne à l’horizon. Comme Eve, nous avons cédé à la tentation. Nous avons croqué le fruit avant de nous éloigner dans le crépuscule.

Que ce soit un délit répréhensible ou non, nous n’avons jamais été appréhendé par les gendarmes… ni, heureusement… dénoncé.

Mais un par un, nos enfants ont grandi et sont retournés au pays. Lorsque le dernier d’entre eux s’est apprêté à rentrer, nous l’avons suivi.

Pourquoi n’avons-nous jamais régularisé notre situation ?

Parce que personne ne nous a jamais demandé de le faire.

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