La Chronique Agora

Confession d’un trader (2/2)

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Nous sommes dans un marché boursier où les aveugles guident les aveugles – tout droit vers de périlleux récifs : attention au choc…

Nous n’allons pas prédire – nous en serions d’ailleurs bien incapable – la date à laquelle le marché atteindra un sommet… ou dégringolera jusqu’au fond de la vallée. Notre vision limitée n’est pas capable de percer les brumes alpines.

Mais les commentaires comme ceux dont nous parlions hier suggèrent que nous nous rapprochons d’un col.

Quand les cireurs de chaussures, les vendeurs de journaux et les marchands de tapis proposaient des conseils d’investissements à l’automne 1929… il était temps de vendre, et vite.

Quand, au printemps 2021, 500 000 personnes attendent, la bouche ouverte et les yeux écarquillés, les conseils d’un prodige né de la dernière pluie…

Nous devons en tirer la même conclusion. Les marchés ne vont pas tarder à prendre une claque spectaculaire.

Monteriez-vous à bord d’un jet si le pilote n’avait que trois jours de pratique ?

Laisseriez-vous un dentiste vous fraiser une molaire après avoir passé trois jours à la faculté ?

Confiriez-vous le salut de votre âme à un séminariste en formation depuis trois jours ?

La réponse est évidente – enfin… nous le supposons.

Pourtant, en voyant scintiller des trésors facilement acquis, certains semblent oublier tout sens commun…

Le chant de la sirène

La fièvre qui a saisi le marché boursier est une sirène cruelle, une chanteuse démoniaque. Elle séduit et rend fou ses victimes grâce à son chant merveilleux qui leur promet monts et merveilles.

Elle les attire pourtant vers des récifs périlleux.

Contrairement à Ulysse, la grande majorité des gens oublient de s’attacher au mât, et ne parviennent pas à résister à son appel.

La symphonie angélique qui parvient à leurs oreilles leur fait trop tourner la tête. Notre ami sur TikTok et tous ses followers en sont les meilleurs exemples.

Pour Lance Roberts, chez Real Investment Advice :

« C’est le nouveau monde de l’investissement. Un monde où les individus font appel à ‘l’expertise’ de jeunes personnes comptant des milliers d’abonnés sur les réseaux sociaux. C’est vraiment ‘l’aveugle guidant l’aveugle’. »

L’aveugle guidant l’aveugle droit sur les rochers. Aucun n’est conscient du péril :

« Comme souvent, les investisseurs tendent à se précipiter vers des marchés dont le rapport risque/récompense est en leur défaveur… Le nombre d’entreprises qui s’échangent à un cours supérieur à leur moyenne mobile sur 200 jours est plus haut que jamais ou presque. Quand la quasi-totalité des entreprises d’un indice est en hausse, c’est généralement de mauvais augure. »

Mais qui s’intéresse encore aux augures ?

Le vrai coupable est la Réserve fédérale

Nous pensons qu’il va bientôt leur arriver malheur… qu’ils termineront brisés… rompus… sans aucun espoir de récupération.

Mais si la sirène des marchés entonne son chant fatal, c’est bien la Réserve fédérale qui, la première, a poussé ces âmes à prendre la mer… comme des aventuriers du XVIème siècle, à la recherche de l’Eldoraro.

Ce sont en effet les assouplissements quantitatifs et les taux zéros qui leur ont fait miroiter ces fortunes fantastiques. Sans la Réserve fédérale et ses petites astuces, le chant de notre sirène ne serait jamais parvenu à leurs oreilles.

Voici l’un des symptômes de nos troubles actuels : la marge de crédit. Elle bat tous les records, c’est-à-dire que les investisseurs n’ont jamais emprunté autant d’argent pour acheter des actions.

Cette dette amplifie et adoucit les mélodies de nos sirènes. Selon Roberts :

« La marge de crédit est le ‘carburant’ qui fait monter les marchés : l’effet de levier permet d’augmenter le pouvoir d’achat d’actifs… Aujourd’hui, l’exubérance des investisseurs est évidente. Avec de nouveaux chèques envoyés dans le cadre du plan de relance, qui viennent réapprovisionner les comptes bancaires, la dette de marge, en pourcentage du revenu réel disponible, atteint de nouveaux records. »

La dette accélère aussi le processus… et aggrave le naufrage final :

« Cet effet de levier fonctionne aussi en sens inverse, et accélère des baisses plus importantes encore : les prêteurs ‘forcent’ la vente d’actifs pour couvrir des lignes de crédits sans s’inquiéter de la position de l’emprunteur. Le problème est que les ‘appels de marge’ se produisent généralement tous au même moment, car la baisse du prix des actifs touche l’ensemble des prêteurs simultanément. »

En attendant, la volonté de Zeus nous pousse vers son objectif ultime…

La Réserve fédérale continue de faire miroiter des fortunes boursières, la sirène continue ses lamentations…

Et les investisseurs se dirigent droit vers le récif…

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