La semaine passée, j’évoquais l’augmentation des frais bancaires qui interviendra à compter du 1er janvier 2017. J’en profitais pour vous décrire le nouveau visage qu’est en train de prendre l’environnement bancaire, et je vous proposais quelques solutions pour échapper aux frais bancaires.
Des lecteurs ont attiré mon attention sur une solution que je n’avais pas traitée et qui est pourtant abondamment relayée par les médias généralistes. Il s’agit de la solution recommandée par l’Association Française des Usagers des Banques (AFUB) : refuser.
L’AFUB s’appuie sur l’Article L312-1-1 du Code monétaire et financier, qui dispose dans son alinéa II que « si le client refuse la modification proposée, il peut résilier la convention de compte de dépôt sans frais, avant la date d’entrée en vigueur proposée de la modification. »Rien d’extraordinaire, donc. L’association reconnaît d’ailleurs que la banque a le droit de clôturer le compte des clients qui refuseraient la modification de la convention de compte de dépôt par LRAR au directeur de votre agence bancaire, ce qui semble également tout à fait naturel. Pourtant, selon l’AFUB, depuis 2009, « aucun usager n’a informé notre association d’une telle démarche » et que « les banques se sont toujours pliées […] au maintien des tarifs préexistants. »
Je n’ai pas les moyens de vérifier ces informations mais je ne vous recommande pas cette démarche.
D’abord, parce qu’elle comporte un risque. Si vous êtes un client rentable, il est probable que votre banquier pliera. Si au contraire il vous a dans le collimateur, rien ne lui interdit de profiter de l’occasion pour se débarrasser de vous avec un préavis de deux mois. Le cas échéant, vous avez plutôt intérêt à bien gérer vos changements de domiciliation et à ne pas commettre l’une des nombreuses petites erreurs susceptibles de vous valoir une interdiction bancaire. Si vous avez un crédit immobilier, il faudra aussi vous organiser pour le rembourser par virements externes depuis votre nouvelle banque, ce qui pourra vous engendrer des frais. Bref, avant d’entamer ce genre de démarche, il faut bien avoir conscience dans quoi vous vous lancez.
Ensuite, parce que cette solution n’est qu’un expédient. La vraie question est celle de la valeur ajoutée de votre conseiller bancaire. Si vous considérez qu’il en a une mais que vos frais sont trop élevés, pourquoi ne pas plutôt tenter de les négocier ? Si vous estimez au contraire qu’il n’en a pas, alors pourquoi continuer de subir les contraintes d’une banque physique et ne pas plutôt regarder du côté des banques en lignes beaucoup moins gourmandes en frais ?
Evidemment, comme je l’écrivais dans mon précédent article, vous restez exposé aux dangers du système bancaire français puisque les banques en lignes ne sont que des filiales de grands groupes.
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C’est pourquoi je voudrais aujourd’hui parler « débancarisation », avec une solution qui peut être considérée comme alternative aux services bancaires traditionnels.
Le compte-Nickel, ou la « bancarisation sans banque
Le compte-Nickel, lancé auprès du grand public le 11 février 2014, ne conviendra pas à tout le monde mais il a déjà séduit 400 000 utilisateurs, dont de nombreuses personnes « interdits bancaires », mais pas seulement ! Il s’agit d’un service de carte prépayée alternatif au compte bancaire.
Le fonctionnement de ce compte sans banque est le suivant. Vous vous rendez à une borne interactive en bureau de tabac, et vous ouvrez un compte en scannant votre carte d’identité et en saisissant une adresse et un numéro de téléphone mobile. Le coffret qui vous est remis comprend une carte de débit MasterCard et deux RIB.
Le coût du service se monte à 20 euros par an. Le principe de la grille tarifaire est que tout ce qui se fait de façon automatique, c’est-à-dire de façon électronique, est gratuit. Sur votre espace personnel en ligne, vous avez la possibilité d’effectuer des virements et d’organiser le prélèvement de vos factures en toute gratuité.
A ces 20 euros de coût fixe, il faut ajouter des frais facturés lors des dépôts et de retraits. En cas de dépôt d’espèces auprès d’un buraliste, il vous sera demandé de régler 2% de commission. Le montant de dépôt est limité à 250 euros par opération et à 750 euros par mois (il faut donc privilégier les virements, gratuits et illimités). Les retraits d’espèces font quant à eux l’objet d’une commission forfaitaire de 50 centimes en bureau de tabac (montant limité à 150 euros) et de un euro dans un DAB.
A bien y regarder, cette offre présente de nombreux atouts, et pas seulement pour les interdits bancaires !
La MasterCard fonctionne dans le monde entier selon les mêmes conditions qu’en France. Par conséquent, lorsque vous voyagez dans un pays étranger, vous ne subirez pas de frais supplémentaires sur les paiements et sur les retraits auxquels vous procéderez, ni de frais de change.
Hugues le Bret, cofondateur de la Financière des paiements électroniques à l’origine des comptes Nickel, donne l’exemple suivant : « Si vous partez voyager au Brésil pendant quinze jours, eh bien vous prenez une carte Nickel, que vous avez en cinq minutes chez le buraliste, vous versez 1 000 euros dessus, et vous n’aurez pas tous les frais que prennent toutes les autres banques durant votre voyage au Brésil… Seuls les retraits seront facturés comme en France. » Idem pour les étudiants à l’étranger : « Chez nous, l’étudiant qui partira aura sa carte Nickel, et son père lui fera un virement sur le compte Nickel, en euros, et nous, on fera le change sans frais, sans commission, on ne prendra pas les 2%, et ça reviendra beaucoup moins cher à la famille globalement… »
Votre argent reste bien à vous et une sécurité en cas de piratage
La Financière des paiements électroniques est homologuée auprès l’ACPR non pas comme un établissement de crédit mais comme un établissement de paiement. La première conséquence en est que le compte-Nickel ne permet pas d’être à découvert. Cette impossibilité de se retrouver à découvert sera appréciée par les personnes qui ont du mal à discipliner leurs dépenses, mais aussi par celles qui préfèrent avoir un moyen de paiement dédié aux dépenses sur internet. En cas de piratage, le compte ne sera pas exposé au-delà du montant du dépôt.
Autre conséquence : la FPE ne peut pas utiliser l’argent de ses clients pour ses opérations propres, c’est-à-dire qu’elle ne peut pas le replacer pour gagner elle-même de l’argent. Lorsque l’argent d’un client arrive sur son compte, il est transféré en temps réel sur un compte séquestre auprès du Crédit Mutuel Arkéa. Hugues le Bret explique :
« C’est un compte qui est sécurisé, le Crédit Mutuel Arkéa a un contrat avec nous, validé par la Banque de France, avec l’obligation de nous le rendre en totalité à la seconde où on le demande. […] notre statut nous impose de sécuriser dans un coffre-fort, dans une banque que nous avons voulue mutualiste, les fonds des clients en temps réel. […] L’argent appartient au client. »
Les autoentrepreneurs sont éligibles au compte-Nickel. Ce n’est pas encore le cas des entreprises mais le développement de ce type d’offre est en projet.
Voilà donc un sérieux concurrent aux banques en ligne classiques !